Paul Bowles
Écrivain, compositeur et musicologue américain (New York 1910-Tanger 1999).
À sa sortie de l'université de Virginie, à Charlottesville, il étudia la composition avec Aaron Copland, puis, à Paris, avec Virgil Thompson. C'est l'écrivain Gertrude Stein, qu'il rencontra à Paris en 1931, qui le poussa à « sacrifier » la musique, sa grande passion, au profit de l'écriture. Cependant, jusqu'à l'âge de quarante ans, malgré sa vie errante, Bowles continuera à composer avec succès pour la scène (William Saroyan, Tennessee Williams, Jean Cocteau), pour le ballet (avec John Cage) et pour le cinéma indépendant, collaborant notamment avec Orson Welles (Horse Eats Hat) et John Houseman. Outre des sonates (Sonate pour hautbois et clarinette, 1931 ; Sonate pour flûte et piano, 1932), il composa également des œuvres lyriques (Denmark Vesey, 1939 ; Yerma, sur les textes de Federico Garcia Lorca, 1957), un opéra, The Wind Remains (1941-1942), et un Concerto pour deux pianos, vents et percussions (1946-1947).
Cependant, après de nombreuses années d'errance (France, Espagne, Maroc, Turquie, Mexique, Inde, Ceylan, États-Unis), l'écriture prit rapidement le pas sur la musique. Installé à Tanger en 1947, sa demeure y devint rapidement le point de ralliement de nombreux grands artistes marginaux du moment : Christopher Isherwood, Tennessee Williams, Francis Bacon, Truman Capote et, surtout, le trio à l'origine de la Beat Generation (dont il ne fit pas partie mais dont il peut être considéré comme l'inspirateur), Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William Burroughs.
De cette immersion dans Tanger, qu'il qualifiait lui-même de « zone internationale de tous les trafics et des mœurs libres », il devait tirer la quintessence de son œuvre. Publié en 1949, le roman qui fit sa gloire, The Sheltering Sky (Un thé au Sahara), connut immédiatement le succès et fut un livre-culte pendant près de quarante ans, avant de connaître une nouvelle célébrité après son adpatation au cinéma par Bernardo Bertolucci (1990). Ce roman transporte le lecteur dans l'immensité du désert et l'intimité d'un couple au bord de la rupture. Onirisme et cauchemars hantent beaucoup de ses nouvelles, souvent violentes, peuplées d'animaux monstrueux et cruels (crabes énormes, caïmans dévoreurs de nouveau-nés, mouches féroces, djinns…) ou mettant en scène avec une ironie cruelle le malaise né de l'incompréhension entre les civilisations, les cultures ou les êtres humains en général : deux Américains, un frère et une sur face à la vie d'une petite ville africaine, dans la Boucle du Niger ; des Occidentaux vus à travers le regard des Tangérois, dans le Café de la plage, etc. Ses personnages subissent toutes sortes de tortures, et empruntent des chemins tortueux qui mènent à la folie et à la mort. Homme secret, Paul Bowles était à l'évidence fasciné par le mal qui déchire les humains.
Romans : Two Serious Ladies (1943) ; Let It Come Down (Après toi le déluge, 1952), The Spider's House (la Maison de l'araignée, 1955), Up Above the World (la Jungle rouge, 1966), Too Far from Home (1991).
Nouvelles : Two Serious Ladies (1943) ; The Delicate Prey and Other Stories (1950), Pages from Cold Point (1968), Things Gone & Things Still Here (1977), Midnight Mass and other stories (1985), Call at Corazon and other stories (1988) ; (traductions françaises : le Scorpion et Réveillon à Tanger, 1987 ; Paroles malvenues et l'Écho, 1988 ; Un thé sur la montagne et In abstentia, 1989).
Au Maroc, l'écrivain collecta les chants et poèmes de la tradition berbère. Paul Bowles est également connu comme un traducteur de grand talent : on lui doit notamment les traductions anglaises de Huis-Clos de Jean-Paul Sartre (No Exit, 1946) et d'œuvres d'écrivains latino-américains (The Beggar's Knife, du Guatémaltèque Rodrigo Rey Rosa, 1988), et marocains (Jean Genet in Tangier, de Mohamed Choukri, 1973 ; M'Hashish et The Lemon, de Mohamed Mrabet, 1969). Il a aussi laissé des Mémoires (Without Stopping, Mémoires d'un nomade, 1972), précieuses pour la connaissance du mouvement de la Beat Generation. Ses poésies (1926-1977) ont été réunies sous le titre Next to Nothing (1981).