Pieter Cornelis Mondriaan, dit Piet Mondrian

Peintre néerlandais (Amersfoort 1872-New York 1944).

Très tôt considéré dans son pays natal comme un artiste d'avant-garde déterminant, Piet Mondrian fut un des pionniers de l'abstraction, dont il codifia les lois sous la forme du « néoplasticisme ». Lui-même avait pressenti qu'il créait un art nouveau pour un monde nouveau.

La voie vers l'épure

Né dans une famille calviniste, Piet Mondriaan aurait pu devenir prédicateur. En fait, il passe un diplôme de professeur de dessin, mais renonce à l'enseignement pour suivre les cours de peinture à l'Académie royale d'Amsterdam. Peintre figuratif à ses débuts, il se consacre surtout au paysage (Moulin au bord de l'eau, vers 1900, MoMA, New York). Puis il découvre successivement le fauvisme, sous l'influence de son compatriote Van Gogh, et le cubisme, en voyant les tableaux de Picasso et de Braque, dont il va assimiler les leçons.

Arrivé en 1912 à Paris – où il choisit d'orthographier son nom avec un seul « a » –, Mondrian peint ses sujets (Pommier en fleur, 1912, MoMA, New York ; Nature morte au pot de gingembre, id.) en décomposant géométriquement les formes, puis en les réduisant aux seules lignes verticales et horizontales, aux « + » et aux « − ». Comme, dès 1913, il n'utilise plus dans ses titres que le mot « composition », il en arrivera à ces séries dites « Compositions plus-minus », où l'horizontal et le vertical sont, dans son idée, comme les symboles du masculin et du féminin (Composition avec lignes, 1917, musée Kröller-Müller, Otterlo). C'est au cours de cette période, passée à Amsterdam, qu'il commence aussi à peindre en à-plats utilisant des plans rectangulaires de couleurs pures, dont les limites sont précisées, voire soulignées par de fins traits noirs disséminés sur l'ensemble de la toile (Composition en couleur B, 1917, musée d'Art moderne, Eindhoven). En 1918, il opte pour des formes géométriques aux contours gris, qui occupent la totalité de la surface. Il entame aussi la série des compositions en losange (carrés présentés sur la pointe).

Dès 1917, Mondrian a donné naissance, avec Theo Van Doesburg, au groupe De Stijl, dont la revue devient l'organe de l'art abstrait. Les articles théoriques qu'il y publie, entre 1917 et 1922, font de lui un véritable maître à penser de l'abstraction, sous la forme du « néoplasticisme », qu'il dédie aux « hommes futurs ».

L'avènement du néo-plasticisme

De 1919 à 1938, Mondrian vit à Paris. Il y exécutera près de soixante-dix tableaux, restant désormais fidèle à ses principes, qu'il codifie dans la brochure précisément intitulée le Néoplasticisme (1920) : emploi exclusif de lignes droites se coupant à angle droit – ce dernier étant défini comme l' « expression plastique de ce qui est constant » ; gamme limitée aux couleurs primaires pures (jaune, rouge, bleu) et aux « non-couleurs » (blanc, noir) ; exclusion de la symétrie et opposition horizontal-vertical. Après avoir rompu avec De Stijl en 1925, il rejoint les artistes du groupe Cercle et Carré (1930), auquel succédera Abstraction-Création (1931). Tandis que sa peinture a de plus en plus tendance à privilégier les rectangles blancs et à cantonner la couleur à de petits rectangles en bordure de toile, il présente en 1930 sa Composition II avec lignes noires sur fond blanc (musée d'Art moderne, Eindhoven), en 1932 sa Composition avec bleu et jaune (Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf), où il introduit le principe des lignes parallèles très proches l'une de l'autre, et en 1933 sa Composition avec lignes jaunes (Musée municipal, La Haye), faite de quatre lignes qui traversent – sans se couper – un carré blanc.

Après avoir quitté Paris pour Londres en 1938, Mondrian s'installe définitivement à New York en 1940. Il a près de 70 ans quand, renonçant à certains de ses principes, il donne à nouveau des titres à ses compositions : ce seront, par exemple, New York City (1941-1944, collection privée) ou Broadway Boogie-Woogie (1942-1943, MoMA, New York). Emporté par une pneumonie, il laisse inachevé son Victory Boogie-Woogie (collection privée), hommage au jazz qui a toujours exercé sur lui un profond attrait et qui est, à ses yeux, aussi « radicalement révolutionnaire » que le néoplasticisme.

L'artiste théosophe

« Art géométrique », dit-on du néoplasticisme. Piet Mondrian chercha, en effet, à élaborer « une peinture plane dans le plan » – dont le modèle de la grille, tout au long de son œuvre, préserva l'intégrité – et, à l'harmonie de la nature, il substitua l'harmonie d'un art fondé sur l'équilibre entre de nouveaux rapports : rapports de position (l'angle droit), mais aussi rapports de proportions et de couleurs. Dans le tableau, écrivait-il, « tout se compose par relation et réciprocité ».

En ouvrant la voie à un nouveau langage pictural, Mondrian ne s'est pas caché de mener une quête du spirituel dans l'art, qui ne serait pas sans « rapport » avec la théosophie, dont il s'était toujours senti proche. Cette doctrine, qui visait à la connaissance de Dieu par l'approfondissement de la vie intérieure, serait ainsi à l'origine, non seulement de son tempérament ascétique, mais aussi de sa « nouvelle vision » esthétique.