Matéi Visniec
Écrivain roumain naturalisé français (Rădăuţi, Bucovine, 1956).
Né au nord de la Roumanie, il étudie à Bucarest l’histoire et la philosophie et se fait tôt connaître par ses poèmes. Il écrit du théâtre à partir de 1977 mais ses pièces, refusées par les censeurs du régime de Ceauşescu, circulent clandestinement. Ainsi, l’une de ses premières comédies, Mais, maman, ils nous racontent au deuxième acte ce qui s’est passé au premier, rédigée en 1979 et créée en 1990 après la chute du régime, place ses personnages autour d’un trou béant, qui est sans doute l’allégorie d’une Roumanie détruite par son système politique. Invité en France en 1987, il demande et obtient l’asile politique. Il vit dès lors à Paris, assume des fonctions journalistiques à Radio France Internationale et écrit ses œuvres en français à partir de 1992. Il obtiendra la nationalité française en 1993.
Poète, romancier et surtout dramaturge, il est l’auteur d’une quarantaine de pièces, dont certaines ont eu un succès international. Il est l’héritier à la fois des satiriques loufoques des pays de l’Est et des maîtres de l’absurde. Né dans le même pays qu’Eugène Ionesco, il a préféré saluer Samuel Beckett dans sa courte pièce, le Dernier Godot (1996), où l’invisible Godot devient un personnage perceptible et reproche à son créateur de ne pas lui avoir donné la moindre réplique. L’œuvre de Visniec repose sur un thème central – les relations de l’individu à un pouvoir obscur et écrasant –, mais, diverse, elle prend différentes tonalités. Une pièce comme Petit boulot pour vieux clowns (1993), où trois artistes de cirque parlent vainement dans l’antichambre d’un imprésario de spectacles, est dans la droite ligne de l’absurde.
D’autres pièces revisitent avec une facétie mêlée de cruauté et de nostalgie l’Histoire ou la vie de certains grands personnages : la Machine Tchekhov (2002), Richard III n’aura pas lieu (2005) qui met en scène l’homme de théâtre russe Vsevolod Emilievitch Meyerhold, Mansarde à Paris (2008) où l’auteur représente son illustre aîné, Émile Michel Cioran, vivant dans la capitale française au temps de la république mitterrandienne. D’autres, enfin, sont directement politiques : la Femme comme champ de bataille (1997), l’un des plus grands textes écrits sur la guerre des Balkans en raison de sa vérité humaine et de sa précision quasi documentaire, fait dialoguer une femme médecin américaine et une femme bosniaque violée ; l’Histoire du communisme racontée aux malades mentaux (2000) est l’une de ses œuvres qui affrontent et dénoncent, férocement, le passé de la Roumanie collectiviste.
Peu joué en France dans le système subventionné mais adopté par une multitude de compagnies, le théâtre de Matéi Viniec est l’un des répertoires dramatiques contemporains le plus représenté en Europe et au-delà.