Stan Kenton

(Stanley Newcomb)

Chef d'orchestre, compositeur et pianiste américain (Wichita, Kansas, 1912-Hollywood, Californie, 1979).

Mégalomanie, emphase, grandiloquence, prétention, voire paranoïa : quelques-uns des termes qu'ont pu susciter, et souvent justifier, les œuvres (Concerto to End all Concertos, 1946), projets et déclarations d'intention (« Innovations in Modern Music », 1952) de Stan Kenton, leader d'un toujours très grand orchestre dans lequel défila à partir de 1941 tout ce que la Californie pouvait offrir d'instrumentistes (les batteurs Mel Lewis et Shelly Manne ; les saxophonistes Art Pepper, Lee Konitz, Richie Kamuca, Bud Shank, Bob Cooper, Zoot Sims ; les trompettistes Maynard Ferguson, Jack Sheldon…) et arrangeurs (Pete Rugolo, Bill Russo, Gerry Mulligan, Shorty Rogers, Lennie Niehaus…) virtuoses. Entre autres ingrédients : une perfection des masses orchestrales héritée de l'ère swing (le big band de Kenton n'était à l'origine qu'une formation soucieuse – dans la grande tradition d'un Jimmie Lunceford – d'efficacité rythmique à l'usage des danseurs), des effets « modernistes » issus du be-bop et du jazz cool, un goût des cuivres stridents et des rythmes latino-américains et, pour pimenter le tout, quelques pincées d'avant-gardisme (avec notamment le compositeur Bob Graettinger et son ambitieuse City of Glass, 1951) au niveau des harmonies et tonalités. Mais le désir hypertrophié du spectacle sonore, la discipline de plus en plus rigide au sein de l'orchestre et certaines entreprises de nature à susciter sourire ou agacement (qu'il s'agisse d'une « réinterpréation » de Richard Wagner ou de la relecture d'une collection d'hymnes nationaux) eurent souvent, surtout en Europe et particulièrement en France, un effet quelque peu dissuasif sur l'enthousiasme des amateurs de jazz. Restent la mémoire d'une école d'excessive rigueur instrumentale et une somme phonographique aux allures d'alignements mégalithiques sonores, parmi lesquels on peut s'attarder sur quelques chefs-d'œuvre dus à la plume d'arrangeurs astucieux : Jolly Rogers, Art Pepper (1950), Young Blood (1952)…