Justin Trudeau

Homme politique canadien (Ottawa 1971).

1. Premiers contacts avec la politique et le pouvoir

Justin Trudeau naît le 25 décembre 1971 à Ottawa. Il est l’aîné du Premier ministre libéral en exercice Pierre Elliott Trudeau, qui gouverne le Canada quasiment sans discontinuer de 1968 à 1984. Élevé dans les bons établissements de Montréal, il obtient une licence de littérature à l’Université McGill, puis un diplôme de sciences de l’éducation à l’Université de Colombie-Britannique, et choisit tout d’abord d’enseigner dans la région de Vancouver, non sans avoir fait de 1994 une année sabbatique, consacrée à parcourir le monde avec des amis (et financée par une activité de videur dans une boîte de nuit). En 2002, il entame un cursus d’ingénierie à l’École polytechnique de Montréal, puis une maîtrise de géographie de l’environnement à McGill, qu’il abandonne pour rechercher un emploi dans la fonction publique. En parallèle, il s’essaie aux médias, intervenant à la radio dans une émission littéraire puis jouant dans une série télévisée ; il préside une association d’aide aux jeunes, Katimavik, et milite pour la préservation des espaces naturels, notamment dans le Grand Nord canadien.

Il s’illustre tout particulièrement à la mort de son père, en 2000, dans l’oraison funèbre qu’il prononce devant un parterre de chefs d’État et de gouvernement, anciens et présents, et renoue à cette occasion avec les cercles du parti libéral. Il s’engage plus nettement en politique lorsqu’en 2006 ce dernier perd le pouvoir : il participe aux manœuvres destinées à doter la formation d’un nouveau chef de file et finit par se rallier au vainqueur Stéphane Dion. Il décroche la nomination du parti pour la circonscription de Papineau, à Montréal, en 2007 et arrache au Bloc québécois le siège de député un peu plus d’un an plus tard, après la convocation par le Premier ministre conservateur Stephen Harper d’élections générales anticipées qui consolident sa majorité relative au détriment de l’opposition libérale. Il préserve son siège au scrutin suivant (mai 2011), qui taille des croupières supplémentaires à sa formation, désormais reléguée au troisième rang à l’échelle nationale.

Après avoir repoussé les invitations à la chefferie du mouvement pour pouvoir consacrer du temps à sa jeune famille, J. Trudeau se ravise et se lance dans la compétition, qu’il remporte aisément en avril 2013. Sa jeunesse, ses idées très nettement progressistes, voire idéalistes, et son image glamour redynamisent un parti qui aborde la longue campagne de 2015 avec des ambitions renouvelées, à l’instar de la citation de Goethe dont il fait un mantra : « Ne faites pas de trop petits rêves, car ils n’ont pas le pouvoir de faire avancer l’humanité. » Au point de surprendre les analystes et de largement coiffer à la fois le parti conservateur et le NPD (Nouveau Parti démocratique) à l’issue du scrutin d’octobre 2015. Avec 39,5 % des suffrages, la plupart des sièges de l’est du pays, et une très large majorité de 184 députés, les libéraux retrouvent le pouvoir perdu dix ans plus tôt et font de J. Trudeau le premier fils d’un ancien chef de gouvernement à présider aux destinées du Canada.

2. Une Trudeaumania à toute épreuve ?

Plus jeune titulaire de la fonction après le conservateur Joe Clark (qui avait succédé à P. E. Trudeau en 1979, pendant un an, avant le retour de ce dernier à la tête du pays), J. Trudeau insuffle immédiatement un vent de renouveau qui le propulse plus haut encore dans les sondages de popularité. Il compose un cabinet paritaire (même si les femmes n’occupent guère de grands ministères), et ostensiblement représentatif de la diversité du pays (comptant des représentants sikhs, autochtones, handicapés, immigrés…). Il s’adjoint toutefois l’expérience de vieux routiers de la politique, comme Stéphane Dion ou John McCallum, et la caution, aux Finances, d’un entrepreneur.

Il veille à envoyer très vite les signes de la rupture proposée préalablement aux électeurs, quand bien même celle-ci s’avérerait relative : retrait des forces armées canadiennes de la coalition internationale au Moyen-Orient (mais renforcement de la présence des personnels afin de contribuer à la formation des troupes locales à la campagne antidjihadiste) ; plaidoyer en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique à la COP21 de Paris (mais maintien des objectifs modestes de contribution du Canada à la réduction des émissions de gaz à effet de serre) ; révision à la hausse de l’effort humanitaire du pays envers les réfugiés syriens (mais limité à 35 000 entrées au total sur 2 ans) ; baisse des impôts des classes moyennes, alourdissement de ceux des foyers plus riches, relèvement des allocations par enfant et vastes programmes d’investissements pour relancer une économie poussive et pénalisée par la chute des cours du pétrole (mais au prix de l’explosion des déficits et du renoncement à leur résorption prochaine) ; adoption d’une loi sur la fin de vie (mais fort amendée et de portée, en définitive, assez limitée)…

Tout aussi symboliquement, le plafond de l’immigration légale est porté à environ 300 000 arrivants par an, l’accès à la citoyenneté est facilité et la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables de terrorisme et d’atteintes majeures à l’intégrité du pays est, elle, abolie. Des jalons pour une éventuelle légalisation de la marijuana sont par ailleurs posés. Accréditant un peu plus les qualités de simplicité, d’accessibilité et d’ouverture qui lui valent une indéfectible popularité, J. Trudeau est en outre le premier chef de gouvernement canadien à prendre part aux Marches des fiertés LGBT.

Mais les aides promises aux Premières Nations et la commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées tardent à se concrétiser, les réformes institutionnelles (transformation du Sénat, refonte du mode de scrutin) semblent devoir s’enliser, et la nouvelle concertation prônée avec les instances locales et provinciales pâtit des décisions prises d’autorité par Ottawa en matière de santé et d’environnement. À propos de l'environnement en particulier, les arbitrages initiaux se font contradictoires : près d’un an après son entrée en fonction, le gouvernement Trudeau préconise l’instauration d’une taxe carbone progressive et valide le traité sur le climat de Paris, mais, dans le même temps, donne son feu vert à d’immenses projets d’exploitation et de transport d’énergies fossiles dans l’est et l’ouest du pays. Et la validation, pendant l'été, d’un important contrat d’armement négocié par les conservateurs avec l’Arabie saoudite contrarie l’accent mis, à l’international, sur la défense des droits de l’homme. Ce premier bilan plutôt mitigé, donc, laisse accroire que la Trudeaumania actuellement indéfectible pourrait ne pas résister à terme aux dures réalités du pouvoir…