Milena Jesenská

Journaliste et essayiste tchèque (Prague 1896-camp de concentration de Ravensbrück, Allemagne, 1944).

Issue d'une famille de la bourgeoisie praguoise – son père était un professeur de médecine réputé –, Milena Jesenská était fille unique – un frère, né trois ans après elle, mourut en bas âge. Elle perdit sa mère à l'âge de treize ans et fut élevée avec dureté par son père ; elle se révolta contre son autorité, refusant notamment de faire les études de médecine auxquelles il la destinait afin qu'elle continuât la tradition familiale. Elle fut élève de la prestigieuse école Minerva, réservée aux jeunes filles, et commença à fréquenter les cercles intellectuels praguois.

En 1918, elle épousa le traducteur Ernst Polak, avec qui elle partit pour Vienne, mais, ne supportant pas les humiliations que son mari lui faisait subir, elle finit par divorcer. À Vienne, en 1920, elle lut pour la première fois des nouvelles de Franz Kafka, et échangea dès lors avec lui une correspondance très dense (publiée postérieurement sous le titre Lettres à Milena), qui se mua en une relation amoureuse . Elle traduisit en tchèque plusieurs de ses œuvres, mais Kafka choisit de mettre fin à leur relation, et ils se virent sans doute pour la dernière fois en mai 1922. Elle travailla ensuite pour divers journaux, envoyant des feuilletons et des articles de mode dans des revues praguoises comme Tribuna ou Národní Listy ; c'est dans cette dernière revue qu'elle fit paraître, en juin 1924, une notice nécrologique de Kafka.

De retour à Prague, elle publia le Chemin de la simplicité (1926), recueil de ses feuilletons, et se maria avec l'architecte Jaromir Krejcar duquel elle eut une fille, Honza ; leur mariage fut dissout quelques années plus tard, Krejcar étant parti vivre en Union soviétique. Milena Jesenská adhéra au parti communiste au début des années 1930, mais elle en fut exclue en 1936 pour avoir critiqué Staline. À partir de 1937, elle donna alors un tour politique à ses articles, et devint l'une des principales collaboratrices de la revue Prítomnost (« le Présent »), où elle dénonça l'idéologie nazie en laquelle elle voyait un danger pour la Tchécoslovaquie et pour l'humanité. Elle s'indigna de la trahison de Daladier et de Chamberlain dans l'affaire des Sudètes. Après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes allemandes, en mars 1939, elle choisit de continuer à assumer ses fonctions de journaliste sans renier ses opinions, jusqu'à ce que la Gestapo lui interdît d'écrire, en juin 1939. Dans le même temps, elle participa à la création d'un réseau de résistance qui se donnait pour but de faire passer en Pologne les personnalités praguoises, notamment juives, les plus menacées par les nazis. Arrêtée par la Gestapo en septembre 1939, elle fut transférée au camp de Ravensbrück, où elle rencontra Margaret Buber-Neumann, qui lui consacra, après la guerre, une biographie (Milena, 1977). Milena Jesenská, atteinte d'abcès aux reins, mourut le 17 mai 1944.