Honoré Charles Grimaldi, prince de Monaco sous le nom d'Albert Ier

Pionnier de l'océanographie (Paris 1848-1922).

Issu de l'une des plus vieilles familles d'Europe, souverain d'un État favorisé par la fortune, Albert Ier aurait pu vivre paisiblement en gouvernant sa petite principauté. Cependant, il aime la mer et se passionne pour la recherche scientifique. Dans le domaine familial, il observe animaux, plantes et phénomènes météorologiques. Avant même de commencer ses études secondaires, il parcourt la plupart des pays voisins de la France. Adolescent, ses lectures favorites sont des relations de voyages, terrestres et maritimes, des récits d'exploration polaires.

Premières navigations

Le prince Albert, qui a fait ses études secondaires en France, entre, à 18 ans, dans la marine espagnole comme enseigne de vaisseau. Il prend part à de longues croisières aux Antilles et en Amérique du Nord. En 1870, il se met à la disposition des Français, alors en guerre contre les Allemands, pour combattre dans la marine.

Trois ans plus tard, il achète en Angleterre une goélette de 200 tonneaux qu'il rebaptise l'Hirondelle, car, dit-il, « ce nom devait me rappeler les qualités que j'aime chez l'oiseau qui le porte : résolution aventureuse sous une enveloppe élégante, modeste et fine ». Il navigue une douzaine d'années sur ce beau yacht, mais c'est seulement en 1885 qu'il trouve sa véritable voie et s'engage dans l'exploration scientifique de la mer.

Premières explorations océanographiques

L'Hirondelle subit de nombreuses transformations, tant dans l'aménagement intérieur (telle pièce qui était salon devient laboratoire) que dans le matériel, pour pouvoir répondre à sa nouvelle affectation de bateau océanographique. Le prince commande lui-même son navire, prépare soigneusement et dirige en personne les opérations scientifiques. Il met au point les engins de pêche, surveille leur manœuvre. Parmi les appareils nouveaux qu'il utilise, plusieurs seront par la suite définitivement adoptés par les océanographes.

En 1889, Albert Ier succède à son père, Charles III de Monaco, et doit consacrer davantage de temps à la principauté, qu'il entreprend de moderniser. Il n'en poursuit pas moins ses campagnes océanographiques. L'Hirondelle sera remplacée par des bateaux à vapeur plus grands, le Princesse-Alice, puis le Princesse-Alice II.

En 1895, aux Açores, le prince et son équipe scientifique font une importante découverte : celle de calmars et de poulpes géants appartenant à des espèces très rares, rejetés par un cachalot ou encore présents dans l'estomac de celui-ci, qui vient de les ingurgiter.

En 1898, lors d'une campagne au Spitzberg, les scientifiques de la mission princière découvrent notamment que, sous la mer gelée, circulent des masses d'organismes qui fournissent aux morses, aux phoques, aux ours et aux oiseaux marins les moyens de subsister dans un milieu en apparence hostile.

Un scientifique passionné

Afin d'arracher à l'océan quelques-uns de ses secrets, Albert Ier navigue trente années durant dans l'Atlantique, en Méditerranée et dans les régions arctiques. Il effectue également des recherches météorologiques, s'intéresse à la géographie, à la géologie, à la minéralogie, à la botanique et même à l'anthropologie préhistorique : on lui doit la découverte, en 1901, dans une grotte proche de la frontière italienne, de mystérieux restes humains fossiles aux caractères africains et datant du paléolithique supérieur.

La Carte générale bathymétrique des océans

L'exploration et la recherche océanographiques se développent tout au long du xixe siècle. Mais c'est la publication de la Carte générale bathymétrique des océans en 1905, sous l'égide d'Albert Ier, qui, pour la première fois, offre une telle synthèse dans cette nouvelle discipline.

La pose des câbles télégraphiques sous-marins exige une connaissance précise du relief sous-marin. Une première interprétation des fonds de l'Atlantique Nord, en 1853, a été suivie de l'édition de multiples cartes. En 1903, une Commission de nomenclature subocéanique, créée pour normaliser le choix des toponymes, se réunit sous la présidence du prince. Elle définit les caractéristiques de la Carte à partir des études d'un de ses collaborateurs. Imprimées au printemps 1905, les vingt-quatre feuilles de la Carte donnent, pour la première fois, une vision globale du relief immergé.

Un précurseur de la protection de l'environnement

Albert Ier, prince savant, aux idées très en avance sur son temps, se comporte en protecteur de la nature. Il dénonce avant tout le monde les ravages de la pêche moderne, qui « se poursuit avec des moyens de plus en plus puissants et nombreux ». Il condamne aussi « l'indifférence ou la faiblesse des gouvernants qui permettent de massacrer sans mesure les éléphants et les baleines pour exploiter leur ivoire et leur huile ; d'anéantir les animaux à fourrure pour spéculer sur des élégances vaniteuses... et de laisser certains oisifs accomplir des tueries inutiles... »

Albert Ier effectue ses dernières croisières à bord de l'Hirondelle II, lancée en 1911. Auparavant, le 29 mars 1910, il a inauguré solennellement le Musée océanographique, un imposant monument bâti sur le rocher même de Monaco, qui s'avance dans la Méditerranée comme la proue d'un navire.