Herman Sonny Blount, dit Sun Ra

Pianiste, organiste, compositeur, arrangeur et chef d'orchestre de jazz américain (Birmingham, Alabama, 1914-Birmingham 1993).

Il a inventé un monde sonore insolite, doublé d'un univers visuel qui ressemble à la célébration d'un rituel mystique. Il fut le premier musicien de jazz à manipuler les claviers électroniques et le synthétiseur Moog.

Qu'importe que son vrai nom de terrien soit Herman Blount ou Sonny Lee…, et qu'il soit né en 1914 ou 1915 selon les présomptueux chercheurs qui ont en vain tenté de le démystifier : l'important est que ce poète intergalactique ait consenti à atterrir du côté de Birmingham et longtemps hésité à manifester son génie démiurgique devant les humbles mortels que nous sommes, puisqu'on ne sait presque rien de certain sur son compte antérieurement aux années 1950.

Certains affirment l'avoir vu à Chicago dès les années 1930 (il y aurait accompagné Coleman Hawkins). Vers 1947, son orchestre y aurait joué, au Cotton DeLisa, en alternance avec celui de Fletcher Henderson pour qui il aurait écrit quelques arrangements. Sa première « apparition » avérée date de l'année suivante, quand il tient le piano lors d'une séance d'enregistrement des Dukes of Swing. Au début des années 1950, il se produit en trio sur un instrument électrique, clavier qu'il a lui-même bricolé et qui évoque les Ondes Martenot.

C'est alors que commence la vraie carrière de Sun Ra, pionnier de l'électronique, mais aussi de la musique associative : son Arkestra fonctionne dès le début comme une coopérative, système qui se généralisera parmi les musiciens de Chicago dans les années 1960. Comme chez Duke Ellington, on y retrouve un « noyau dur » pratiquement inamovible ; John Gilmore, Marshall Allen, Pat Patrick (anches) et Ronnie Boykins (basse), ainsi que des « passagers au long cours » comme Charles Davis (anches), Julian Priester (trombone), Wilbur Ware (contrebasse) et Clifford Jarvis (batterie)… Dirigé d'une main de fer dans un gant de velours, l'Arkestra combine ingénieusement la grande tradition des big bands de l'ère swing, la souplesse rythmique du bop, la richesse des timbres ellingtoniens, et une liberté d'improvisation collective illimitée, mais alternant avec des riffs très élaborés. Sun Ra a ainsi exercé une influence considérable sur toute l'avant-garde, puis il a participé à la Jazz Composers'Guild et au festival de Newport. Installé depuis 1970 à Philadelphie (non loin du Musée égyptien, où il peut côtoyer quelques-uns de ses cousins pharaons !), il continue de tourner dans le monde entier, renouvelant sans cesse son répertoire. Les classiques de Jelly Roll Morton, Fletcher Henderson ou Duke Ellington sont eux-mêmes métamorphosés en ce joyful noise que ce pacifiste militant veut faire régner sur la planète, dans une débauche de danses pseudo-rituelles, de maquillages et de costumes que l'on pourrait dire « afro-martiens » …