Hans Driesch

Zoologiste et philosophe allemand (Bad Kreuznach 1867-Leipzig 1941).

Fils unique d'un négociant prospère de Hambourg, il grandit dans un environnement propre à éveiller une vocation précoce de zoologiste : sa mère, en effet, élève chez elle des oiseaux exotiques et toutes sortes d'autres animaux, si bien que la maison est remplie de cages et de vivariums. Quand il aborde les études supérieures, il choisit sans hésitation les sciences naturelles, discipline d'autant plus attrayante pour lui qu'elle compte alors, en Allemagne, nombre de professeurs brillants. Après avoir suivi les cours de zoologie d'August Weismann à l'université de Fribourg-en-Brisgau, il prépare son doctorat sous la direction d'une autre célébrité, Ernst Haeckel. Driesch est reçu docteur en 1887. Comme il n'est pas obligé de travailler pour vivre, il ne se hâte ni de suivre la filière normale pour une carrière de scientifique ni d'entrer dans l'enseignement. Il voyage à l'étranger, tout en effectuant des recherches dans le domaine qui le passionne le plus, celui de l'embryologie. C'est à la station zoologique de Naples qu'il effectuera beaucoup d'expériences auxquelles il doit sa notoriété.

Il se marie en 1899 et s'établit l'année suivante à Heidelberg. Il abandonne définitivement la recherche expérimentale en 1909. Devenu en 1912 professeur de philosophie à Heidelberg, il enseignera cette matière à Cologne en 1919, puis à Leipzig en 1921. En 1922-1923, il donne des cours en Chine, aux universités de Nankin et de Pékin, et, en 1926-1927, on le retrouve aux États-Unis, à l'université du Wisconsin. L'année suivante, c'est celle de Buenos Aires qui l'accueille. Le régime nazi le met d'office à la retraite en 1933, mais Driesch continue à travailler jusqu'à sa mort, survenue en pleine guerre.

En 1888, le biologiste allemand Wilhelm Roux avait réalisé, sur les œufs de grenouille, des expériences qui montraient que, quand l'une des deux cellules initiales était tuée, l'autre ne formait qu'une moitié d'embryon ; il en avait conclu que chaque cellule a, dès le stade le plus primitif, un rôle bien précis. En 1891, Driesch va parvenir à des résultats très différents avec des œufs d'oursin. Au lieu de tuer l'une des deux premières cellules, il la sépare de l'autre, et s'aperçoit que toutes deux donnent ces larves complètes, bien que plus petites que la moyenne. Il en déduit que le développement de la cellule n'est pas « déterminé » d'emblée et qu'elle peut jouer un rôle autre que celui qu'elle aurait eu dans des circonstances normales.

En 1892, il procède à une autre expérience capitale. Il comprime les œufs d'oursin au stade de la division en quatre cellules, si bien que les noyaux, déplacés, se distribuent anarchiquement dans le cytoplasme (constituant essentiel de la cellule). Or, les larves obtenues seront parfaitement normales, ce qui signifie que tous les noyaux sont équivalents ou, en termes de génétique moderne, que tous les noyaux renferment tous les gènes. Driesch a donc, par ses découvertes, fait faire à l'embryologie un grand bond en avant.

Driesch apparaît comme une figure originale, tant parmi les scientifiques que parmi les philosophes. Il a élaboré, à partir de ses recherches en embryologie, une philosophie inspirée du vitalisme, vieille croyance en une « force vitale », qui rendrait la matière vivante et organisée. De telles théories n'avaient plus guère de partisans à son époque ; aujourd'hui, elles sont complètement abandonnées. On doit cependant lui reconnaître le mérite d'avoir introduit ce nouveau « continent » qu'est la biologie au sein de la réflexion philosophique.

Cette mystérieuse « force vitale »

Cette mystérieuse « force vitale »



La philosophie de Hans Driesch est étroitement liée aux recherches biologiques qu'il a menées. Ayant coupé en deux un œuf d'oursin et ayant constaté que chacune des deux moitiés donne naissance à une larvé entière, il en déduisit que les facteurs mécaniques n'étaient pas les seuls à jouer un rôle (comment une machine pourrait-elle se scinder en deux ?). Il imagina qu'il devait exister, logée dans l'œuf, une certaine force vitale tendant toujours vers le même but. Pour expliquer l'évolution de la vie et du monde, il reprit le concept  aristotélicien d'entéléchie (qui signifie « être dans un état de perfectionnement ou d'achèvement »).