Giulio Cesare Vanini

Humaniste et philosophe italien (Taurisano, près de Lecce, 1585-Toulouse 1619).

Giulio Cesare Vanini est, pour son malheur, né quelques siècles trop tôt. Il aurait pu être un remarquable philosophe du temps des Lumières ou un savant accompli au xixe siècle. Dans l'un ou l'autre cas, il aurait échappé au bûcher et vu son œuvre estimée à sa juste valeur.

Fils d'un intendant du duc de Taurisano – riche propriétaire de la région des Pouilles –, il se signale par son intelligence précoce et par son esprit d'observation. Envoyé à l'université de Naples pour y étudier la philosophie et la théologie, il en profite pour s'initier aussi à la médecine et à l'astronomie. En 1606, il est reçu docteur en droit civil et en droit canon, et il prononce ses vœux de moine. Son goût pour les sciences le pousse, en 1608, à gagner Padoue, où enseignent alors les meilleurs maîtres dans une atmosphère de relative liberté. Il s'enthousiasme pour les théories de Galilée, qui commencent à se répandre, et professe son admiration pour Aristote, qu'il appelle « le dieu des philosophes, le dictateur de la sagesse humaine et le souverain pontife des sages ».

Ses supérieurs ne tardent pas à remarquer que ce moine manque de zèle religieux, et que ses prédications sont parfois peu orthodoxes : ainsi, ne considère-t-il pas comme des fables les guérisons miraculeuses ? Sentant le danger, Vanini préfère quitter Padoue et se retrouve au début de l'année 1612 à Venise. Là, il fait la connaissance de l'ambassadeur d'Angleterre auprès de la Sérénissime République, qui l'encourage à émigrer dans son pays où il lui promet aide et protection. Vanini accepte, mais avant de gagner Londres, il traverse une partie de l'Allemagne, pousse jusqu'en Bohême, retourne en Allemagne pour, de là, passer aux Pays-Bas, séjourner quelque temps à Genève puis à Paris, ville dans laquelle il enseigne la philosophie et séduit, par son esprit brillant, certains membres de l'entourage de la reine Marie de Médicis. Ayant enfin rejoint l'Angleterre en 1613, il y abjure le catholicisme et se convertit au protestantisme.

Il ne tarde pas à se plaindre de la pauvreté dans laquelle les autorités anglicanes le laissent végéter et à déplorer leur étroitesse d'esprit. Ses protestations le mènent en prison, où il passe deux mois avant de s'enfuir grâce à des complicités. En 1614, il est de nouveau à Paris. Il travaille à la bibliothèque de la nonciature et fréquente de grands seigneurs libertins, qu'il divertit par sa conversation brillante et son goût pour la provocation. En France, il publie successivement deux ouvrages, l'Amphithéâtre de la Divine Providence (1615) et les Discours sur les secrets de la nature (1616). Le second traite notamment de l'origine et de la destinée de l'homme, de son psychisme, de la religion, du monde physique, du ciel... Les Discours, qui avaient, dans un premier temps, reçu l'approbation des censeurs de la Sorbonne, sont condamnés pour blasphème. Vanini, menacé, s'enfuit à Toulouse, où il réside sous un faux nom. Ses déclarations imprudentes attirent de nouveau sur lui l'attention des autorités religieuses. Il est arrêté en novembre 1618. Son procès ressemble à un règlement de comptes. Le 9 février 1619, il est condamné à avoir la langue arrachée, à être pendu, puis brûlé. Dix jours plus tard, il est supplicié sur la place Saint-Étienne à Toulouse. Pour justifier après coup sa condamnation et son exécution barbare, certains auteurs vont s'employer à falsifier sa biographie et à noircir son personnage. En fait, c'est surtout son scepticisme, son sens critique et son ironie qui lui ont attiré l'hostilité de l'Église.

Et si l'homme descendait du poisson ?

Et si l'homme descendait du poisson ?



Vanini fut l'un des premiers à oser avancer que l'homme pourrait ne pas avoir une origine exceptionnelle et céleste, mais n'être qu'un chaînon dans la série des êtres vivants. Il s'appuie sur les métamorphoses observées chez certains animaux pour suggérer qu'au cours des millénaires d'autres transformations ont été possibles. Selon lui, si un papillon peut naître d'un ver de terre, il n'est pas exclu qu'un poisson ait pu se transformer en homme ; même chez les animaux supérieurs, en effet, nous assistons à des transformations qui, sans être durables ni transmissibles, n'en font pas moins réfléchir. Ainsi, de l'accouplement de l'âne avec une jument ou d'un cheval avec une ânesse naît le bardot, produit assez différent de ses géniteurs. On comprend que de telles idées, qui font de Vanini un précurseur des évolutionnistes, aient suscité le courroux des défenseurs de l'orthodoxie religieuse…