Friedrich Wilhelm Plumpe, dit Murnau

Cinéaste allemand (Bielefeld 1888-Santa Barbara, Californie, 1931).

Maître du clair-obscur, Friedrich Wilhelm Murnau porta le cinéma muet à la plénitude de sa puissance expressive. En 1958, par la voix de François Truffaut, l'équipe des Cahiers du cinéma désigna son chef-d'œuvre l'Aurore comme « le meilleur film du monde ».

L'influence du fantastique

Fils d'un drapier et d'une enseignante, Friedrich Wilhelm Plumpe étudie la philologie à Heidelberg puis à Berlin. Contre la volonté de son père qui l'encourage à devenir professeur, il intègre la compagnie de théâtre de Max Reinhardt en 1910. Il apprend alors les métiers de comédien et de régisseur, ainsi que la mise en scène. Peu après, il fréquente les artistes du Blaue Reiter, à Sindelsdorf et à Murnau am Staffelsee (Haute-Bavière), village qui lui inspirera son pseudonyme. Après la Première Guerre mondiale – à laquelle il participe en tant que lieutenant dans un régiment d'infanterie –, il se passionne pour le cinéma et tourne son premier film en 1919, Garçon en bleu (Der Knabe in blau), avant de réaliser Satanas (1920), le Bossu et la Danseuse (id.) et la Tête de Janus (id.).

C'est en 1922, avec Nosferatu le vampire – d'après le roman Dracula de l'écrivain irlandais Bram Stoker (1847-1912) –, que Murnau connaît la notoriété. Il investit l'image du pouvoir d'épouvanter, non grâce aux artifices scéniques du Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1919), mais par le réalisme de l'indicible. Il donne à déchiffrer la poésie de l'horreur avec une étonnante simplicité de moyens. Ce film marque une date importante dans l'histoire de l'expressionnisme allemand et du film fantastique. Après la Terre qui flambe (1922) et le Fantôme (id.), Murnau réalise le Dernier des hommes (1924), rejoignant les théories du kammerspiel – qui vise à créer une impression d'intimité par la simplification des thèmes et des décors –, puis Tartuffe (1925) et Faust (1926).

L'apogée du cinéma muet

Auréolé par le succès de ses films allemands, Murnau part pour New York en 1926. S'engageant avec la Fox à Hollywood, il dispose alors de moyens considérables. L'année suivante, il signe l'Aurore, réalisée avec une équipe technique essentiellement allemande. Si le film connaît un échec commercial, il est reconnu comme l'accomplissement parfait de l'univers de l'auteur (l'ombre et la lumière, la paix de la nature et les artifices de la vie urbaine, l'amour, la passion et la mort). Avec les Quatre Diables (1928), l'art de Murnau évolue vers un dépouillement capable de marier l'intimisme – issu du kammerspiel – à un réalisme lyrique, caractéristique de la période américaine. Attentif à tous les aspects de la création cinématographique, minutieux et inventif, le cinéaste veille à ce que la technique demeure au service de l'idée, de l'expression, de la finalité qu'il a définie. Montage rapide, décors et caméra mobiles (caméra portée, à la grue, sur chariot, suspendue) sont ainsi des pratiques habituelles pour son équipe.

Pourtant, Murnau va bientôt se lasser des studios de Los Angeles. Avide de tourner dans une nature grandiose, il fait voile pour Tahiti en 1929. Deux ans plus tard et après la Bru (1930), il signe – en collaboration avec Robert Flaherty – Tabou, un « documentaire romancé » tourné à Bora-Bora. Le film est présenté au public quelques jours après la mort du réalisateur allemand, victime à 43 ans d'un accident de voiture sur la côte ouest des États-Unis. Rapatrié par bateau, il est inhumé près de Berlin.

Fidèle au cinéma muet, méfiant à l'égard du sonore qui fait son apparition, Murnau demeure un des premiers très grands cinéastes, autant par ce qu'il annonce que par une œuvre pour sa plus grande part exemplaire.