Emil Racoviţă

Biologiste roumain (Iaşi 1868-Bucarest 1947).

Fils d'un magistrat de Iaşi, l'ancienne capitale de la Moldavie, il vient à Paris avec ses parents en 1886 pour y suivre des études supérieures. Il fait son droit, puis s'inscrit à la faculté des sciences naturelles et fréquente le laboratoire d'anatomie du zoologiste Henri de Lacaze-Duthiers. En 1891, après l'obtention de sa licence ès sciences naturelles, il commence à travailler dans les deux laboratoires créés par son maître à Roscoff et à Banyuls-sur-Mer, tout en préparant son doctorat. Il soutient en 1896 sa thèse, qui porte sur les vers annelés, et retourne en Roumanie pour y effectuer son service militaire. Invité à prendre part à l'expédition antarctique belge en cours de préparation, il réussira, non sans mal, à se faire libérer par l'armée.

Il embarque sur le navire de l'expédition, le Belgica, qui quitte le port d'Anvers le 16 août 1897. Arrivé à Rio de Janeiro, il emprunte un autre bateau, plus rapide, et atteint Punta Arenas, au Chili, vingt jours plus tôt que le Belgica. Il met à profit ce répit pour étudier la flore et surtout la faune de la Patagonie et de la Terre de Feu. Il retrouvera ensuite le Belgica qui, en janvier 1898, fait route vers l'Antarctique. Au cours du voyage, long et pénible (deux membres de l'expédition périront), E. Racovità recueille un riche matériel scientifique, incluant aussi bien des données sur la météorologie, la climatologie et l'océanographie que des observations précieuses sur les animaux de l'Antarctique. Il étudie particulièrement les mœurs des oiseaux marins : goélands, pétrels, manchots – dont l'organisation sociale l'impressionne. Il s'intéresse aussi aux phoques et surtout aux baleines, sur lesquelles il publie une étude très complète à son retour en Europe. Il dénonce la chasse sans merci dont est l'objet le cétacé, à cause notamment de la mode des corsets qui fait alors rage, et prédit la disparition prochaine de cette « innocente victime des femmes » si rien n'est fait pour la prévenir.

De retour en France à la fin de 1899, E. Racovità est nommé peu après sous-directeur, puis directeur du laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer, qui dépend de la Sorbonne. Il y passe vingt ans de sa vie et contribuera à faire de la station un important centre scientifique. À partir de 1904, il se lance dans des recherches sur la faune cavernicole. Avec le jeune naturaliste René Jeannel (1879-1965), il entreprend l'exploration systématique des grottes des Pyrénées centrales. En 1907 paraît son Essai sur les problèmes biospéléologiques. Cet ouvrage fondamental fait de lui le créateur de la biospéléologie, la science qui étudie les êtres vivants peuplant le monde souterrain.

En 1920, E. Racovità rentre dans son pays natal et s'installe à Cluj, capitale de la Transylvanie qui vient alors d'être réunie à la Roumanie. Il est nommé professeur de biologie générale à l'université de la ville et fonde l'Institut de spéléologie dans le cadre de cette nouvelle université. Il continue à publier, poursuit ses recherches en laboratoire et ses explorations de grottes pour y recueillir des animaux cavernicoles. Durant la Seconde Guerre mondiale, il doit quitter Cluj, que les Hongrois ont annexée, et se réfugier dans l'ouest de la Roumanie. Il revient en 1945, mais, s'il déploie toujours une grande activité, il a vieilli. Il meurt le 19 novembre 1947, emporté par une pneumonie.