David Roy Eldridge

dit Little Jazz

Trompettiste, chanteur et chef d'orchestre de jazz américain (Pittsburgh 1911-New York 1989).

Il connut la gloire en devenant le soliste vedette du grand orchestre de Gene Krupa, puis d'Artie Shaw (1944-1945). Trait d'union entre Louis Armstrong et Dizzy Gillespie, il est le maillon essentiel du passage qui conduit du style « middle jazz » au be-bop.

Il ne faudrait surtout pas ne voir en Roy Eldridge qu'une sorte de maillon entre deux styles fort différents, car il possède les qualités intrinsèques d'un musicien à l'énergie un peu folle, qui sut faire école ainsi que le prouve l'influence qu'il eut sur ses confrères Charlies Shavers, Harry Edison et Joe Newman. Représentant de la dernière génération du swing, il fut aussi, comme Charlie Christian, un précurseur du be-bop en bousculant les règles de l'univers typiquement classique, en élargissant les conceptions de ses premiers maîtres, Rex Stewart, Red Nichols, Louis Armstrong. Il se forgea un langage bien personnel par un jeu au caractère particulièrement physique, un bouillonnement généreux, le goût pour le brio et la vélocité, ne résistant pas à la tentation de périlleux feux d'artifice dans un discours judicieusement élaboré, s'investissant dans des joutes dont il était friand avec un swing frémissant, une fougue insolente, jonglant avec des notes qui claquaient parfois comme des coups de fouet- d'où quelques imprécisions qu'il savait faire oublier avec astuce et malice (pirouettes)-, défiant les lois de la technique conventionnelle.

Batteur à ses débuts, Roy s'intéressera également aux spécificités du saxophone allant même jusqu'à reproduire à la trompette le solo de Coleman Hawkins dans Stampede, enregistré par Fletcher Henderson. Il jouera dans divers orchestres, dont celui d'Elmer Snowden en compagnie d'Otto Hardwicke, qui le surnommera « Little Jazz », formera plusieurs fois son propre orchestre (1933-1937). Engagé dans les orchestres blancs de Gene Krupa (1941), avec lequel il enregistrera un des plus grands succès, Rockin'Chair et d'Artie Shaw (1944-1945), il sera exhibé en attraction comme une sorte de phénomène tout en faisant la triste expérience de la discrimination raciale. Il sera réconforté par sa victoire au référendum « Down Beat » devant ses confrères blancs. Ce sera ensuite une série d'enregistrements, dont un avec Little Jazz and His Trumpet Ensemble, où il fera preuve d'un punch étourdissant mettant en évidence le caractère extrêmement physique de son jeu. Il séjournera à Paris, après une tournée avec Benny Goodman, rejoindra le JATP de Norman Granz et se confrontera avec les boppers qu'il avait rencontrés lors des légendaires sessions du Minton's Playhouse. Il accompagnera Ella Fitzgerald de 1963 à 1965 et se produira ensuite en free-lance, avant qu'une crise cardiaque, en 1980, ne l'oblige à une semi-retraite.

Compositeur, et chanteur, il ne manquait jamais d'interpréter en France Une petite laitue, vocal burlesque devenu l'un de ses chevaux de bataille.