Charles Christopher Parker, dit Charlie (surnommé Yardbird ou Bird) Parker

Charlie Parker
Charlie Parker

Saxophoniste alto et compositeur de jazz américain (Kansas City 1920-New York 1955).

Autodidacte venu du Middle West, Charlie Parker est unanimement reconnu comme le plus grand improvisateur de l’histoire du jazz. Durant sa courte carrière, il a mis toute sa virtuosité instrumentale au service d’une remarquable imagination rythmique, harmonique et mélodique.

Le créateur du jazz moderne

À Kansas City, les Parker vivent dans le ghetto noir, à deux blocs du Reno Club où Charlie, en culottes courtes, doit rester sur le pas de la porte. Il passe ainsi des heures à écouter ses aînés, notamment Lester Young, qui lui enseigne la liberté rythmique et dont les enregistrements avec Count Basie deviendront ses disques fétiches. Il a tout juste 11 ans lorsque sa mère lui offre son premier saxophone. L’adolescent se dote méthodiquement d'une technique qui lui permettra d'exprimer souverainement son génie. Maîtrisant toutes les tonalités, tous les doigtés, même les plus acrobatiques, il peut traduire « en temps réel » un discours complexe et cohérent, sur un tempo vertigineux. Dès 1937, Parker s’impose dans diverses formations, où il apprend à travailler ses sonorités et son phrasé. L’harmonie étant son obsession, il n’hésite pas, en 1938, à se faire embaucher comme plongeur dans le café où joue son idole, Art Tatum. Lester Young et Art Tatum, ce sont les deux musiciens auxquels il doit sa formation. Il sera d’ailleurs le premier à comprendre le rôle novateur qu’ils ont joué.

C’est un soir de 1939, au cours d'une jam-session à Harlem, que Parker prend conscience de la révolution musicale que lui-même est sur le point d'accomplir. Dès son arrivée à New York, en 1940, il est engagé dans l'orchestre du pianiste Jay McShann (1916 [1909 ?]-2006), avec lequel il enregistre ses premiers solos. Du fait de la grève déclenchée par le syndicat des musiciens, et donc faute d’enregistrement, il est difficile de suivre son évolution au cours des années 1942-1944. On peut néanmoins affirmer que toute la genèse du jazz moderne lui est due. Celui-ci s’élabore au fur et à mesure des participations de Parker aux big bands d'Earl Hines puis de Billy Eckstine (1914-1993), et surtout aux sessions du Minton’s Playhouse (Harlem) avec Thelonious Monk, Kenny Clarke et Dizzy Gillespie. Avec ce dernier, Parker forme en 1945 un quintette qui devient le creuset du bop. En font aussi partie le trompettiste Miles Davis (19 ans) et le batteur Max Roach (21 ans).

L'envol et la chute

S’il est encore peu connu du grand public, Charlie Parker est donc devenu le gourou des jeunes musiciens d'avant-garde, qui se bousculent pour l'écouter ou lui parler sur la 52e Rue de New York. En raison de son addiction à l’héroïne, il doit faire un séjour en hôpital psychiatrique en 1946. Le célèbre imprésario Norman Granz (1918-2001) décide de prendre sa carrière en charge. En 1949-1950 a lieu une tournée en Europe, qui passe par Paris.

Parker, surnommé Yardbird ou Bird en raison de son goût immodéré pour le poulet, devient une légende vivante, que consacre l’ouverture à New York, en 1948, d'un club portant le nom de Birdland. Mais, la police des stupéfiants lui retire sa carte professionnelle, si bien que ses dernières années, ponctuées de quelques temps forts comme le concert de Toronto (1953), sont tragiques. Dans les semaines qui suivent sa mort, les murs de New York se couvrent de cette inscription : Bird Lives (« Bird vit »). Le film Bird (1988), réalisé par Clint Eastwood, retrace la fin de sa vie.

En vérité, le surnom de Parker, pour anecdotique qu’il soit, résume bien son style : vol capricieux autour d'une ligne mélodique souvent à peine suggérée, mais tendue vers un objectif lointain, qui repousse toutes les limites prévisibles de l'improvisation. La musique, affirme-t-il, est l'expression de sa propre sagesse. Quels que soient ses partenaires, un solo de Parker est toujours une aventure aux frontières de l'inouï, une succession d'épreuves librement risquées et surmontées. Tout dans son jeu procède d'une intuition hors normes. Il reste avant tout un génial interprète du blues, dont presque toutes ses compositions respectent la forme (Now’s the Time, 1945 ; Billie’s Bounce, id. ; Lover Man, 1946 ; Cool Blues, id. ; Embraceable You, 1947 ; Parker’s Mood, 1948 ; Bloomdido, 1950 ; Hot House, 1953 ; Love for Sale, 1954) – à moins qu'elles ne soient des remakes de standards des années 1920 et 1930 (Ko-Ko, Donna Lee, Ornithology, 1945-1946).

Parker comme Beethoven

Le 9 mars 1955, totalement épuisé, Charlie Parker se rendit chez la baronne anglaise Pannonica (dite « Nica ») de Koenigswarter (1913-1988), qui était la mécène de tous les musiciens de jazz moderne. C’est au domicile de celle-ci que, trois jours plus tard, il s’éteignit, succombant, selon les constatations du médecin appelé à son chevet, à des ulcères, à une pneumonie et vraisemblablement aussi à une crise cardiaque.

Ross Russell, le biographe de Parker, écrit : « Le seul bruit audible dans la pièce était la musique venant d’un téléviseur resté allumé [...]. La baronne traversa la pièce et éteignit le récepteur [...]. Au même moment, un coup de tonnerre sembla ébranler l’immeuble tout entier. Comme le coup de tonnerre qui avait, prétendait-on, accompagné la mort de Beethoven. »