Bob De Moor

Dessinateur et scénariste belge de bandes dessinées (Anvers 1925-Uccle 1992).

Deux langues, deux cultures, une œuvre

Après des études à l’École des Beaux-Arts d’Anvers, Bob De Moor fit ses premiers pas dans le monde du dessin animé au sein du studio Afim. Il réalisa ses premières bandes dessinées et illustrations humoristiques à partir de 1945, pour la presse enfantine néerlandophone, dans des revues telles que Kleine Zondagvriend ou ABC.

Après la publication de sa première bande dessinée francophone, le Mystère du vieux château fort (1947), sur un scénario de John Van Looveren, il développa une production bilingue, sans forcément traduire ses œuvres. Avec la création en 1949 d'Artec-Studio, il put multiplier ses réalisations pour différents magazines. La même année, il intégra l’équipe de Kuifje (la version flamande du magazine Tintin), dans un premier temps pour aider son ami Willy Vandersteen sur ses différentes séries, dont Bob et Bobette.

À travers ses nombreuses créations (Bouboule et Noiraud, 1950 ; Barelli, id. ; Conrad le Hardi, 1951 ; Cori le Moussaillon, id.), il aborda très tôt différents styles graphiques (réalisme ou semi-réalisme) et narratifs (aventures policières, historiques ou humoristiques), faisant ainsi preuve de la souplesse nécessaire pour répondre aux contraintes éditoriales de la publication en magazines.

L’aventure Tintin

Cette polymorphie lui ouvrit les portes de la version francophone du journal Tintin, puis du Studio Hergé, en 1950. Grâce à son sens du détail et du travail minutieux – il dessinait à l’aide de la plume la plus fine qu’il retaillait encore –, il devint très vite le premier assistant de Hergé, place restée vacante après le départ d’Edgar P. Jacobs.

Sans cesser ses diverses productions pour la presse néerlandophone (Nonkel Zigomar snoe en snolleke, 1951) ou pour le magazine Tintin (les Pirates d’eau douce, 1959 ; Balthazar, 1965), il consacra une grande partie de son travail au monde de Tintin : il supervisa tous les travaux publicitaires et la réalisation des longs métrages d’animation (Tintin et le temple du Soleil, d’Eddie Lateste, 1969 ; Tintin et le lac aux requins, de Raymond Leblanc, 1972), travailla sur les décors de nombreux albums (Hergé et lui entreprirent en 1956 une traversée de la mer du Nord en cargo afin d’effectuer des repérages pour Coke en stock) et participa à la modernisation de l’Île Noire en 1966 (à la demande d’un éditeur anglais).

Avec Jacques Martin, autre célèbre membre du Studio Hergé, il réalisa en 1965 une fausse planche de Tintin, alors que Hergé était en vacances, pour répondre à la demande d’un journaliste suisse du journal l’Illustré qui désirait connaître le nouvel album en cours. Simple canular aux yeux de certains, ce coup d’éclat pourrait avoir été une pique provenant de deux auteurs à qui une partie du succès des aventures du jeune reporter était dû sans que jamais leurs noms ne soient mentionnés.

Les héritages

Véritable caméléon graphique, Bob De Moor réalisa en 1970 le Repaire du loup de la série Lefranc, du même Jacques Martin. C’est également lui qui, après la mort d’Edgar P. Jacobs, termina le second tome des Trois Formules du Professeur Satô (1989). Dans la même logique, il espérait que Fanny, la veuve de Hergé, lui confierait la réalisation de Tintin et l’Alph’Art, resté à l’état d’ébauche après le décès du père de Tintin en 1983. Mais le vœu testamentaire de Hergé ne fut pas rompu, malgré quelques malentendus, et l’ultime album demeura inachevé.

De 1989 à sa mort en 1992, Bob De Moor endossa à la fois le rôle de directeur artistique pour les éditions du Lombard et de président du conseil d’administration du Centre Belge de la Bande Dessinée. Sa dernière réalisation, Cori et les Barbaresques, restée inachevée après son décès, fut terminée par son fils Johan De Moor – lui aussi membre du Studio Hergé dans les années 1980 et auteur de la série la Vache avec le scénariste Stephen Desberg –, sous le titre Dali Captain (1993). Cori, le héros, y retrouve enfin son père, alors que Johan vient de perdre le sien.

Auteur éclectique, enthousiaste et modeste, Bob De Moor fut une figure marquante de la bande dessinée franco-belge et un des maîtres de la « ligne claire » sublimée par Hergé. Resté dans l’ombre du maître une grande partie de sa carrière, il aurait avoué, à la fin de sa vie, avoir apprécié un peu plus de reconnaissance. Ses nombreux héritiers, dont Ted Benoît, lui ont permis de ne pas sombrer dans l’oubli.