Alfred Serge Balachowsky

Entomologiste français d'origine russe (Karotcha 1901-Paris 1983), spécialiste des cochenilles et des scolytes, pionnier de la lutte biologique contre les insectes nuisibles aux plantes cultivées.

En 1925, des dégâts catastrophiques sont signalés dans la palmeraie de Colomb-Béchar, dans le Sahara algérien. Une cochenille attaque les dattiers et les fait dépérir. Confronté au problème, Alfred Balachowsky découvre, une coccinelle prédatrice de cet insecte. Il en récolte une pleine caisse et les lâche à Colomb-Béchar. Les cochenilles cessent de pulluler, et la palmeraie est sauvée.

Un pionnier de la lutte biologique

Le sauvetage de l'oasis de Colomb-Béchar est l'une des premières expériences de lutte biologique en Afrique du Nord. Combattre les espèces nuisibles aux cultures en utilisant leurs ennemis naturels, qu'ils appartiennent au règne animal (insectes, par exemple) ou au règne végétal (champignons, par exemple), tel est le principe de cette lutte biologique. Ses premiers balbutiements remontent à un lointain passé : dans la Chine ancienne déjà, des fourmis étaient introduites dans les vergers d'agrumes pour protéger ceux-ci contre divers ravageurs ; et, en 1760, on introduisit un oiseau indien dans l'île Maurice en vue de réduire le nombre de sauterelles. C'est seulement à la fin du xixe siècle que la lutte biologique commença à s'affirmer. Son véritable initiateur, l'entomologiste américain Charles Riley, sélectionna et éleva une coccinelle destinée à détruire la cochenille australienne accidentellement introduite en 1868 dans les plantations d'agrumes de Californie.

Si Balachowsky n'a pas inventé la lutte biologique, il en a élargi les limites par les recherches très poussées qu'il a menées. Pour qu'une telle lutte ait des chances d'être efficace, en effet, il faut parfaitement connaître l'origine, les caractéristiques et l'environnement des espèces à combattre, ainsi que les rapports qu'elles entretiennent avec leurs parasites et leurs prédateurs. De longues années sont souvent nécessaires pour arriver à un résultat, comme le montrent les travaux de Balachowsky sur le pou de San José.

Le pou de San José

Cette cochenille originaire du nord de la Chine injecte dans les rameaux des arbres fruitiers une salive toxique qui les fait dépérir. Elle avait été accidentellement introduite aux États-Unis, puis, par les pommes américaines, avait contaminé les vergers français à partir de 1935. N'ayant pas d'ennemis naturels en France, elle se multiplia, résistant aux insecticides et à toutes les tentatives pour la détruire.

Balachowsky avait, le premier, dans les années 1930, attiré l'attention sur le danger. Il fut, trente ans plus tard, l'un de ceux qui contribuèrent à éliminer la cochenille dévastatrice grâce à un parasite spécifique.

Balachowsky combattit aussi avec succès la très nuisible punaise des céréales. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les blés d'une partie de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient en étaient infestés. Chargé par la F.A.O. (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) de s'attaquer à ce problème, Alfred Balachowsky étudia d'abord les modalités de pullulation de l'insecte et les moyens d'y remédier : chaque année, quelque cent mille punaises vivantes parvenaient à son laboratoire de l'Institut Pasteur pour y être élevées. Parallèlement, il testait de nombreux parasites des œufs de ces punaises. Les plus efficaces de ces parasites furent ensuite lâchés dans les zones contaminées.

Balachowsky, qui avait publié en 1935-1936 un gros ouvrage de près de 2 000 pages, les Insectes nuisibles aux plantes cultivées, écrit avec Louis Mesnil, était le grand spécialiste des cochenilles. Il leur consacra sa thèse de doctorat et plus de 200 notes ainsi que sept volumes intitulés Monographie des cochenilles de France, d'Europe, du nord de l'Afrique et du bassin méditerranéen. L'étude de ses insectes de prédilection et de toutes les espèces rares qui pouvaient l'intéresser l'entraîna dans presque toutes les régions du globe, à l'exception de l'Antarctique. Depuis 1953, un mont porte son nom dans le massif du Béna, en Guinée.

A. Balachowsky fut parmi les premiers à dénoncer les dangers de l'emploi inconsidéré des insecticides de synthèse et milita en faveur de la protection de la nature. Il intervint vigoureusement pour que fût classée parc national l'île de Port-Cros, au large des côtes du Var, dont il connaissait particulièrement bien la faune et la flore. Il fut admis à l'Académie des sciences en 1967.