Arno Hintjens, dit Arno

Chanteur belge d'expression française (Ostende).

Celui qu'on surnomme souvent le « Tom Waits belge » cite en bonne place parmi ses références Brel et surtout Piaf. À force de tourner, d'étonner, sans, ou presque, l'appui des médias, Arno, le fou d'Ostende, a fini par se faire admettre, par être reconnu. Ses premiers disques remontent à 1969. Trois ans plus tard, il enregistre son premier album. Il y a d'abord le groupe TC Matic, de superbes compositions comme Elle adore le noir, mais l'audience ne dépassera jamais le cercle d'une chapelle, certes large mais insuffisante pour continuer sereinement.

En 1986, c'est la rupture. Le guitariste Jean-Marie Aerts continue l'aventure, tandis qu'Arno sort, chez Virgin, un premier album homonyme. Arno est l'auteur de la plupart des dix morceaux dont l'extraordinaire When The Rock préfigurant la carrière à venir. La voix est plus déchirée que jamais, les compositions, torturées à l'extrême, jusqu'à donner à ce rhythm and blues des allures de musique de kermesse.

Déconstruction. Le compositeur continue son œuvre de destruction systématique, de déstabilisation. Plus encore dans les disques à venir quand il s'empare du Bon Dieu de Brel, des Filles du bord de mer d'Adamo ou du Pull-over blanc, le tube de Graziella de Michel. Des cymbales, un accordéon, un piano viennent ajouter une note discordante, d'autres cassures, dans cette grande réécriture musicale d'un rock autant affranchi des codes habituels que dévastateur. Bon an, mal an, Arno, qui chante indifféremment en anglais et en français, continue de donner une centaine de concerts dans différents pays européens.

Comme il l'avait fait jadis à l'Opéra, il s'est offert un intermède le temps d'enregistrer, en une semaine, sous un autre nom, un album délibérément bastringue, Charles et les Lulus. Depuis 1993 et le disque Idiots savants, Arno est passé chez Delabel, label marginal dépendant de Virgin plus en rapport avec ses préoccupations.

Puis suit l'album Water sous le nom d'Arno & The Subrovnicks. En 1995, il sort l'album à la française, et, l'année suivante, Arno reçoit le prix du meilleur chanteur de l'année au Humo Pop Poll en Belgique. A partir de 1998, l'irréductible artiste s'investit dans la formation Charles and the White trash European Blues Connection, puis sort dans la foulée deux albums solo, A poil commercial et le European Cowboy, 1999. Après un Best Of sorti chez Delabel, en 2000, Arno reçoit le titre de chevalier des Arts et des Lettres en 2001 (étant ainsi le premier artiste flamand à recevoir cette distinction), puis signe son retour avec l'album Charles Ernest, Delabel, 2002; où ressortent notamment les reprises de Mother's Little Helper (Rolling Stones) et Elisa (Serge Gainsbourg) en duo avec Jane Birkin. Début 2004, Arno revient avec l'album French Bazaar, Delabel/EMI, où la langue de Molière se taille la part du lion. Le Canada, les États-Unis, l'Asie, l'Europe, Arno chante pendant près d'un an et demi sur tous les continents, avec la noblesse, la grandeur et l'humilité qui caractérise les grands artistes de ce monde. Grande reconnaissance de la profession, il est récompensé aux Victoires de la Musique 2005 dans la catégorie Meilleur album pop-rock.

Jus de Box, son dernier album, s'intitule ainsi « parce qu'il est comme un juke-box, dans le sens où chaque morceau est différent » raconte le chanteur. La diversité musicale (rock, blues, métal…) caractérise cet album où il collabore exceptionnellement avec Faf la Rage, rappeur français auteur, entre autres, de la bande son du générique de Prison Break. En 2008, sa voix rauque et sensuelle parcourt les chemins de la nostalgie sur l'album Covers Cocktail, où il rend hommage à nombre de ses pairs, de Nougaro à Nina Simone en passant par Gainsbourg ou Queen.