Vicente Aleixandre y Merlo

Poète espagnol (Séville 1898-Madrid 1984).

Il passa son enfance à Málaga, dont le paysage contribua peut-être à façonner le cadre édénique, unique, dans lequel s'inscrit sa poésie. Résidant à Madrid depuis l'âge de onze ans, il fit des études de droit et de commerce. Il abandonna rapidement l'exercice de cette profession, appelé par sa vocation littéraire, déterminée et explicite après sa découverte de la poésie de Ruben Darío, selon ses propres aveux. Une grave maladie, contractée en 1925, suivie de rechutes en 1932 et durant les années de la guerre civile qui l'obligèrent à faire de longs séjours à la campagne, y contribua également.

Il publia son premier livre, Ambito (Climat), en 1928. œuvre en prose, désespérée, placée sous le sceau d'un néo-romantisme influencé par Freud et le surréalisme, les proses poétiques qui composent le volume, Pasión de la tierra, (Passion de la terre), écrit entre 1928 et 1929 mais qui ne fut publié qu'en 1935, sont le fruit d'une phase d'exploration subjective et de recherche expressive. L'expérience du surréalisme, intense également chez d'autres poètes de sa génération qui comptaient parmi ses amis (García Lorca, Cernuda, Alberti), apparaît également dans Espadas como labios (Épées comme des lèvres, 1932) et La destrucción o el amor (la Destruction ou l'Amour, 1935), œuvres significatives de la pleine maturité poétique de l'auteur. On y découvre un érotisme passionné et insatisfait, ainsi qu'une vision panthéiste du paysage, éloignés des traditionnels présupposés chrétiens. L'aimée et la nature apparaissent alternativement, se fondant l'une dans l'autre mais, en même temps, l'amour est une force destructrice qui s'identifie dans l'imaginaire avec des armes homicides ou avec la mort elle-même. En 1935, Aleixandre collabora, avec Pablo Neruda, à la revue Caballo verde para la poesía.

Il resta en Espagne après la guerre civile et exerça, à partir de cette date, un magistère positif, poétique et personnel, sur les nouvelles générations de poètes. Son livre, Sombra del paraíso (Ombre du paradis, 1944), dans la lignée de ses orientations esthétiques antérieures, pousse jusqu'à ses dernières extrémités le pessimisme vitaliste du poète : évocation magique du « paradis » et exil de l'homme. Lauréat du prix national de littérature, Aleixandre fut élu à l'Académie royale de la langue en 1949. En 1950, il publia Mundo a solas (Monde solitaire, 1934-1936), composition très pessimiste, et, en 1953, Nacimiento último (Dernière naissance).

Une citation significative de Goethe (« Seul l'ensemble des hommes vit l'humain. »), en exergue de son livre, Historia del corazón (Histoire du cœur, 1954), annonce une attitude plus confiante et plus communautaire. L'ouvrage tente une approche de la vie quotidienne et de l'histoire. À cette nouvelle facette de son œuvre, moins brillante sur le plan esthétique que la précédente, appartiennent, outre le livre signalé : En un vasto dominio (En un vaste domaine, 1962), Presencias (Présences, 1963), Retratos con nombre (Portraits avec nom, 1965), le volume en prose, Los encuentros (les Rencontres, 1958), galerie de portraits d'écrivains contemporains, Poemas de la consumación (Poèmes de la consommation, 1968) et Diálogos del conocimiento (Dialogues de la connaissance, 1974).

En 1977, Vicente Aleixandre reçut le prix Nobel de littérature. Si l'on excepte ses derniers poèmes, surtout spéculatifs, la singulière expression poétique d'Aleixandre se caractérise par un somptueux baroquisme, une perception un peu abstraite ou symbolique des objets – particulièrement perceptible dans l'adjectivation –, l'enchaînement libre des images – « l'image visionnaire continuée », selon les mots de C. Bousoño, son meilleur exégète – et une grande maîtrise du vers libre, de préférence hendécasyllabe.

Écrite dans une langue imposante et puissante, son œuvre, qui a fortement marqué la jeune poésie espagnole, traduit l'ascension vers la lumière d'un chantre angoissé de l'amour et des forces cachées de la nature,