imagerie d'Épinal

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

La fabrique d'images d'Épinal a été fondée par Jean-Charles Pellerin (Épinal 1756 – id. 1836), graveur en taille d'épargne (les premières images étaient obtenues par l'impression de bois fruitiers gravés en taille d'épargne et le coloriage de 3 ou 4 couleurs au maximum par le procédé du pochoir) et directeur d'un atelier qui connut la plus extraordinaire célébrité.

Comme dans la plupart des centres imagiers d'expression populaire, en France (Chartres, Orléans, Le Mans), c'est au xviie s. que naissent, à Épinal, les premières " feuilles de saints ", ou images de préservation. Avant elles, l'imprimeur Pierre Houion réimprima, en 1617, les Rois et les ducs d'Aquitaine depuis Théodoric Ier avec des portraits d'Ambroise-Ambroise taillés dans le bois.

Ces œuvres sont du même esprit et annoncent les 2 images de Claude Cardinet, premier imagier spinalien. Imprimeur-libraire et fournisseur de la Maison de ville, celui-ci vivait avec peine de son commerce et, ainsi que plusieurs de ses compatriotes, il quitta Épinal pour y revenir, en 1672, à la condition d'être amodié. L'une de ces images, Saint Nicolas, est datée de 1664 ; les images étaient alors vendues imprimées en noir, et les acquéreurs, faisant office de décorateurs, découpaient certaines parties de la composition pour y coller des morceaux de tissus et de papiers coloriés, parfois argentés ou dorés. L'imagerie populaire, tant à Épinal qu'ailleurs, est essentiellement de préservation, donc religieuse : cette protection des saints s'attachait non seulement aux personnes, mais aussi à leurs biens, maisons et bestiaux pour les ruraux. Jean Bouchard, à l'extrême fin du xviie s., exécuta une magnifique xylographie, la Sainte Famille, taillée vigoureusement dans la planche de poirier. Au xviiie s., la Lorraine se remet des terribles années de guerre et, à Épinal, l'imagerie continue : elle est l'œuvre de fabricants de cartes à jouer, ou cartiers ; Jean-Nicolas Vatot, né à Nancy en 1705, s'établit en 1731 comme imprimeur et marchand-libraire à Épinal. De sa production d'imagier subsiste une seule œuvre, Cantique spirituel à la louange du très saint sacrement, parfaitement équilibrée dans la xylographie et le coloriage à 3 couleurs, qui " chantent " remarquablement. Puis, venus de la Meuse, les Didier laissèrent un bel œuvre ; leurs images, tant par la qualité audacieuse du graphisme que par la beauté des taches de couleurs, véritables enluminures, donnent un renom mérité à la ville d'Épinal ; l'aîné des frères, Jean-Charles, voit lui-même l'aîné de ses six enfants, Jean-Charles Didier II, lui succéder dans son commerce d'images. Antoine-Marcel Raquin, né à Épinal en 1756, exerce d'abord la profession de " chamoiseur " et devient imagier en épousant la fille de Jean-Charles Didier ; n'étant pas breveté imprimeur, il grave lui-même les lettres des complaintes ou cantiques encadrant le sujet de ses images. Bastien n'est connu que par une seule image, la Crucifixion, magnifique xylographie aux couleurs chantantes ; cet imagier, qui fut horloger, est mort à Épinal en 1785. La Révolution provoqua, à Épinal comme ailleurs, la disparition de l'imagerie religieuse et entraîna la destruction des bois gravés et des réserves d'images. Les petits imagiers ne purent supporter cette suppression de leur gagne-pain, et le Concordat permit aux centres de Rennes, d'Épinal, de Metz, de Nancy, de Montbéliard, de Strasbourg de continuer à produire à la fois des images religieuses, historiques et militaires. Mais, dans la seconde moitié du xixe s., Épinal seule demeure, avec Jean-Charles Pellerin, créatrice de l'" industrie " de l'image populaire : c'est lui qui comprendra le besoin d'une imagerie enfantine, à la fois instructive et amusante.

Il grava lui-même, à ses débuts, puis engagea des graveurs professionnels, dont Réveillé, Georgin, Canivet, Vernoeil, Boulay, Victor Roy, Thiébault. Georgin grave, de 1830 à 1845, l'épopée impériale : batailles et grands personnages du premier Empire ; après sa mort, en 1863, Charles Pinot, graveur-dessinateur, instaure une imagerie encore pleine de charme, mais très loin de la rude beauté exprimée par ses prédécesseurs. L'imagerie Pellerin, toujours aux mains de la même famille, accepta la lithographie, nouvellement inventée, qui multiplie les sujets les plus divers : contes et légendes, chansons, alphabets, rébus, imagerie militaire de tous régiments, théâtres, cerfs-volants, métiers, loteries, cris de Paris, ombres chinoises, jeux divers. De 1854 à 1856, le plumiste Jules Chaste est l'auteur de nombreuses feuilles volantes ; en 1858 apparaît le procédé du gillotage ; les presses modernes remplacent les anciennes ; en 1860, Pinot, en démêlés avec Pellerin, fonde avec Sagaire une nouvelle imagerie, qui fonctionnera jusqu'en 1888 pour être rachetée par Charles Pellerin. Actuellement, la maison Pellerin reste la seule " imagerie " au monde.