photomontage

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Nom allemand donné par les dadaïstes berlinois au lendemain de la Première Guerre mondiale à des œuvres constituées entièrement ou partiellement d'éléments photographiques découpés et assemblés selon un nouvel ordre à la manière des collages. Le terme " Montage ", en allemand, signifie " ajustage " ou " chaîne de montage " et évoque la technique et la mécanique. Les dadaïstes entendaient par là clairement montrer leur mépris pour l'artiste traditionnel en se présentant comme des ingénieurs. Ils tenaient à inclure le monde de la mécanique dans leurs œuvres aussi bien en tant que technique qu'en tant qu'imagerie. Pour lutter contre l'œuvre unique et sacralisée, Dada inventa le procédé, utilisé dans les arts visuels aussi bien qu'en littérature, qui consiste à détourner de leur contexte original des images ou des textes souvent fragmentés, empruntés aux répertoires les plus communs (journaux, affiches, dictionnaires, ouvrages de vulgarisation, catalogues publicitaires). L'assemblage d'images photographiques était cependant pratiqué depuis longtemps à des fins humoristiques, sur les cartes postales en particulier. Les définitions varient selon que le photomontage est considéré comme un simple procédé de photocollage ou comme une opération de transformation du sens de la photographie initiale telle que la définit Heartfield : " Par l'adjonction d'une quelconque tache de couleur, la photographie peut devenir photomontage, œuvre d'art d'un genre bien défini. " Par la priorité qu'il donne à la représentation et à sa signification, il se distingue du collage cubiste, dont les préoccupations sont d'ordre plus strictement esthétique.

Une discussion devait s'élever plus tard entre les protagonistes de Dada à Berlin, Hausmann et Höch d'une part, Grosz et Heartfield d'autre part, pour savoir qui était l'inventeur du photomontage, sans qu'il soit possible de trancher. Les photomontages de Hausmann sont soit des restitutions d'espaces clos imprégnées d'un onirisme issu de De Chirico (Tatlin lebt zu Hause [Tatlin vit à la maison], 1920), soit des combinaisons de photos et de mots ou de poèmes phonétiques (A B C D, 1923-24, Paris, M.N.A.M.). Ceux de Hannach Höch sont soigneusement composés. Les corps et les visages, mêlés aux engrenages et aux scènes de rues, sont souvent soumis à des déformations grotesques (Coupe au couteau de cuisine à travers la première ère allemande de la culture du ventre à bière pendant la république de Weimar, 1919, musée de Berlin). Grosz fit plusieurs photomontages très efficaces pour illustrer des revues de mode dada, mais il réalisa une série de dessins aquarellés au coloris raffiné, au graphisme incisif, rehaussés de quelques morceaux photographiques qui s'intègrent admirablement à l'ensemble et en font des chefs-d'œuvre du genre (le Monteur Heartfield, 1920, New York, M.O.M.A.). Son ami Heartfield, surnommé Dada monteur, avec qui il réalisa plusieurs œuvres en commun, amena le genre à son apogée. Après la période dada, il fit du photomontage un instrument de combat politique contre le nazisme en réalisant de très nombreuses maquettes pour des journaux (en particulier Arbeiter Illustrierte Zeitung).

Parallèlement à Berlin, un petit groupe dada s'agitait à Cologne. Baargeld et Ernst y pratiquaient le photomontage. Violemment opposé aux préoccupations idéologiques des Berlinois, Ernst livrait ses " Fatagagas " minutieusement conçus jusque dans les détails afin de faire surgir une poésie toute particulière du merveilleux et de l'étrange (Ici tout flotte encore, 1920, M.O.M.A.).

Selon Klutsis, qui en fut l'un des instigateurs, le photomontage fit son apparition en U.R.S.S. en 1919-20, sans doute sans qu'il y ait eu de contact avec Berlin. Il apparaissait comme un moyen de propagande militante et politique par l'image (affiches, couvertures de livres) particulièrement adapté à l'immense tâche d'information et d'éducation à laquelle devait faire face le gouvernement révolutionnaire. C'est surtout à travers la revue LEF, organe des constructivistes, que se diffusa la nouvelle technique. Rodtchenko, qui était l'un des responsables de la publication, en exploita de nombreuses possibilités, l'une d'entre elles étant la suite d'illustrations du poème de Maïakovski " De Ceci " (1923). De même, Lissitsky y eut souvent recours, parfois à une grande échelle, pour les vastes fresques décorant des pavillons d'expositions.

Dans l'Allemagne autour de 1920, le photomontage était enseigné au Bauhaus (Herbert Bayer). Il connut également une grande vogue dans la publicité (Domela). Moholy-Nagy, chercheur inlassable, sut en tirer un parti des plus originaux, en combinant sur une page blanche les images découpées et souvent répétées à une structure linéaire abstraite (le Stand de tir ; Jalousie, 1925).

À la suite des dadaïstes, les surréalistes s'emparèrent de ce procédé qui permettait de multiplier à l'infini les associations absurdes ou étranges. Ce furent, en France, Breton, Fraenkel, Duchamp, Man Ray ; en Belgique, Marcel Mariën ; en Tchécoslovaquie, Styrsky, Teige et Toyen.

Depuis les années 30, le photomontage a été si largement utilisé qu'un inventaire serait impossible, aussi bien dans le domaine de la publicité et de la propagande (affiches républicaines pendant la guerre d'Espagne, 1936) que dans les activités purement artistiques, où il est devenu une technique graphique au même titre que le dessin.