land art

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

En 1967, aux États-Unis, quelques artistes décident de quitter le cadre contraignant de l'atelier, qui les isole de la réalité, et d'aller travailler directement dans la nature (à la campagne, dans le désert, plus rarement en mer et en ville). Parallèlement, en Angleterre et en Hollande, d'autres tentent la même expérience. Ainsi se développe une nouvelle forme d'expression : le " Land Art ". Réalisés souvent dans des lieux inaccessibles au public, les travaux sont montrés à l'aide de documents : des photos, des plans et des films. Détruits ou corrodés par l'action du temps, ils remettent en question la notion de pérennité attachée à l'œuvre d'art, mais, paradoxalement, les documents sont là pour assurer la relève. Soigneusement présentés, considérés parfois comme l'œuvre elle-même, ils sont diffusés dans le circuit habituel des galeries et des musées, réintégrant ainsi des espaces auxquels ils avaient tenté d'échapper. Au sein du Land Art, deux tendances se dessinent. Pour certains artistes, comme les Néerlandais Marinus Boezem et Jan Dibbets et l'Anglais Barry Flanagan, la nature est un lieu d'expérimentation comme un autre, dont le seul intérêt est d'offrir une plus grande liberté d'action. D'autres, au contraire, principalement aux États-Unis, abordent la nature en tenant compte de ses caractéristiques intrinsèques, même si, pour eux aussi, elle reste l'extension de la toile ou de tout autre matériau. Là, le Land Art atteint sa dimension la plus esthétique et spectaculaire. Dennis Oppenheim dessine dans la neige des cercles concentriques de part et d'autre d'une rivière (Annual Rings, 1968). Michael Heizer fait creuser dans le Nevada deux énormes dépressions, qu'il comble avec des blocs de granit. Robert Smithson et Walter de Maria apparaissent comme les figures les plus importantes du Land Art. L'un et l'autre considèrent la nature comme le lieu d'un engagement total, d'une expérience vitale et radicale.

Mort accidentellement en 1973 au cours du repérage de sa dernière œuvre, Amarillo Ramp, qui sera achevée par son épouse Nancy Holt et le sculpteur R. Serra, R. Smithson réalise en 1970 son œuvre la plus célèbre : Spiral Jetty : une immense spirale faite de boue ocre, de cristaux de sel et de rochers de 500 m de large, emprisonnant les eaux roses du Grand Lac Salé dans l'Utah. Aujourd'hui recouverte d'eau, cette œuvre emblématique témoignait du désir de Smithson de retrouver le sens de l'histoire à travers la sédimentation du temps, l'usure de l'énergie et de la matière.

Si Double Parallel Lines (deux lignes parallèles tracées à la craie, longues d'un mille dans un désert du Nevada sur lesquelles Walter de Maria se proposait de faire édifier deux murs) est encore dans l'esprit du mouvement Fluxus dont l'artiste est issu, Lightning Fields (1977), est au contraire une des œuvres majeures du Land Art. Dans une région isolée du Nouveau-Mexique, 400 paratonnerres sont plantés à 67 m de distance chacun dans un champ de 1 km sur 1 mile de long, l'œuvre ne fonctionnant qu'en période d'orage et sur une durée de 24 heures.

L'Anglais Richard Long, se considérant avant tout comme un sculpteur, estime que son œuvre, longtemps assimilée au Land Art : Cut Daisies (1967) — deux lignes se coupant dans un champ de pâquerettes —, a plus à voir avec la tradition de l'art du paysage anglais, préférant au spectaculaire et au monumental, la trace éphémère et accidentelle d'un geste dans la nature : Cercle de pierre dans les Andes (1972), Ligne de pierre dressée en Écosse (1985)...

Ni sculpture en plein air ni art écologique ou d'environnement, le Land Art est avant tout l'expression d'une tentative de symbiose entre la nature et l'homme et sa question sur la place dans l'univers. L'artiste renoue avec la dimension du mythe, de l'imaginaire et du temps.