galeries peintes

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Généralités

Les salles beaucoup plus longues que larges, dans les châteaux et les hôtels urbains, sont appelées, en France, " galeries " depuis le début du xive s. Mais ce type de construction est plus ancien. Déjà dans les palais byzantins et carolingiens étaient aménagées des galeries, à l'origine desquelles les portiques et cryptoportiques des villas et des palais de l'Empire romain servirent de modèles. Cette grande tradition est peut-être à la source du développement extraordinaire des galeries autour du xviiie s.

Les galeries, dont la fonction, jamais unique, a évolué au cours des siècles, s'apparentent, par leur histoire et leur typologie, aux loges, aux cryptoportiques et aux berceaux de l'architecture des jardins (treille, pergola, tonnelle). Ce sont des promenoirs (" ambulacrum ", " allée ", " corridor "), des salles de fêtes et de représentations. À partir du xvie s., la galerie sert aussi de lieu de présentation à des collections de peintures et de sculptures.

La décoration des galeries (nos connaissances en ce domaine remontent jusqu'au xive s.) n'est pas spécifique et est soumise à l'évolution des programmes et des systèmes de décor utilisés par chaque époque dans l'architecture seigneuriale. Les galeries peuvent être décorées par des peintures aux plafonds et aux murs, des vitraux, des carrelages précieux. Il existe des galeries sans décoration fixe : elles pouvaient à l'occasion être décorées d'une suite de tapisseries.

L'étymologie du mot " galerie " est incertaine ; le latin classique ne connaît pas ce mot ; il apparaît seulement dans le bas latin (galeria) au xe s. et a la signification, à Rome, de " porche d'église ", qui portait également le nom biblique de galilaea. Galilaea s'est-il transformé en galeria ? Il est possible aussi que le mot grec γαλη, sorte de portique, se soit transformé en " galerie ", par l'intermédiaire de galera. Dans les documents français, le mot galerie apparaît dès le début du xive s. Est-il en rapport avec l'ancien mot français galer, qui signifie " se réjouir " (galerie = réjouissance), puisque les galeries étaient destinées aux divertissements ? Rien de définitif n'a été trouvé sur l'origine du mot.

Le développement de la galerie en France

Au xiiie et au xive siècle

En France existent déjà au xiiie s., voire au xiie s., de nombreuses galeries, mais nous ne savons rien de leur décoration intérieure. Mentionnons seulement la plus célèbre, la galerie des Merciers, dans le palais de la Cité à Paris. Saint Louis la fit construire peu après l'achèvement de la Sainte-Chapelle (1239/40-1248). Elle reliait, au nord, la Sainte-Chapelle aux appartements du roi ; son nom remonte seulement au xve s. Rien n'est connu de son décor original, qui était peut-être semblable à celui de la Sainte-Chapelle. Elle fut démolie en 1777. Les premières galeries sur la décoration desquelles nous possédions des renseignements sont les galeries de l'hôtel de Mahaut, comtesse d'Artois, à Conflans, près de Paris. Les documents les plus anciens remontent à 1315. En 1320, Henriet Haquim reçoit 6 livres parisis " pour toutes les peintures du ciel des grans galeries, des tirans et des lymandes de icelles galeries faites à destempit ", et Guillaume de Calais reçoit 20 livres parisis pour la livraison de 10 000 " quarreaux plommez, dont les grans galeries de l'ostel madite dame à Conflans furent pavées ". Le 20 juin de la même année, Mahaut signe avec le peintre Pierre de Bruxelles un contrat concernant les peintures murales de cette galerie. Le programme de cette décoration, imaginé vraisemblablement par la comtesse elle-même, était consacré au souvenir des exploits de son père, Robert II (qui avait accompagné Saint Louis pendant la deuxième croisade), ou de Othon II, son mari. Les galeries d'Hesdin renfermaient ce qu'on appelait les " merveilles du château d'Hesdin ". Ces galeries sont mentionnées dans les documents pour la première fois en 1325, et pendant plus d'un siècle les comtes d'Artois et les ducs de Bourgogne, leurs successeurs, les firent soigneusement entretenir et restaurer. En 1386, le soin de " peindre les galleryes des engiens d'esbatement " est confié à Melchior Broederlam. Ces galeries, dans lesquelles les comtes d'Artois et les ducs de Bougogne donnaient souvent des fêtes, étaient " richement décorées de peintures murales historiées et de sujets sculptés, statues, lions et fontaines, resplendissant de l'éclat de l'or, de l'argent et de brillantes couleurs. D'ingénieuses machines et des conduits souterrains y produisaient des surprises et des mésaventures à ceux que l'on y introduisait ". On sait qu'en 1355 le château de Vaudreuil possédait une galerie avec des peintures murales représentant des motifs de chasse.

Au xve siècle

À Paris, on trouvait au xve s. un grand nombre de galeries. Sauval, se référant aux " registres des œuvres royaux ", décrit leur décoration : " En 1432, le duc de Bethfort en fit faire une aux Tournelles [...] : on la nomma la gallerie des courges, parce qu'il la fit peindre de courges vertes [...]. Mais dans les siècles passés, il n'y en a point eu de plus magnifique que celle qu'acheva Charles V dans l'appartement de la reine à l'hôtel Saint-Pol. Depuis le lambris jusques dans la voute, était représenté sur un fond vert, et dessus une longue terrasse qui régnait tout au tour, une grande forêt pleine d'arbres et d'arbrisseaux, de pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers, et autres semblables, chargés de fruits, et entremêlés de lis, de flambes, de roses, et de toutes sortes d'autres fleurs : des enfants repandus en plusieurs endroits du bois, y cueillaient des fleurs, et mangeaient des fruits : les autres poussaient leurs branches jusques dans la voute peinte de blanc et d'azur, pour figurer le ciel et le jour [...]. Outre cela, il fit peindre encore une petite allée par où passait la reine pour venir à son oratoire de l'église Saint-Paul. Là, de côté et d'autre, quantité d'anges tendaient une courtine de livrées du roi : de la voute, ou pour mieux dire, d'un ciel d'azur qu'on y croit avoir figuré, descendait une legion d'anges [...]. "

Dans la galerie de son château de Bicêtre, Jean de Berry avait rassemblé une collection de portraits où figuraient, à côté des grands de son temps, laïcs et ecclésiastiques, les princes de France, les empereurs des deux empires d'Orient et d'Occident. Elle brûla en 1411.

Le xvie siècle

France

Les grandes et splendides galeries de l'architecture française du xvie s. trouvent leur origine dans la tradition nationale du Moyen Âge, mais, sous l'influence de la Renaissance italienne, les systèmes de décoration se transforment. La mythologie entre dans les cycles peints, et il devient possible de vanter la gloire du souverain en mettant en parallèle les événements de sa vie personnelle et ceux de la mythologie ou de l'histoire.

En 1528, François Ier fit construire à Fontainebleau, entre la cour ovale et la cour du Cheval-Blanc, la grande galerie qui portera désormais son nom, et il chargea Rosso Fiorentino de sa décoration (1534-1540) qui introduit à Fontainebleau un répertoire et un style nouveaux. La galerie François Ier, longue de 64 m et large de 6 m, couverte d'un plafond à poutres et caissons, est éclairée par 12 grandes fenêtres. Le système de décor que Rosso a créé est original et complexe. La décoration des murs longitudinaux est répartie en 12 travées ; dans chacune de celles-ci, au-dessus des lambris de Scibec de Carpi, le tableau principal est entouré par un riche encadrement de stuc et de peintures, qui se compose d'une variété inimaginable de cartouches, de sculptures, de reliefs et de tableaux, qui s'enchevêtrent les uns les autres et dont le sens iconographique est plus ou moins lié à celui du tableau principal. Le cadre devient parfois plus important que ce qu'il entoure. Ce style de décoration créé par Rosso dans la galerie François Ier, propagé par de nombreux dessins et gravures, devait avoir le plus grand succès dans toute l'Europe. Le programme iconographique de la galerie n'est pas moins complexe. Les sujets des 12 compositions, qui se lisent 2 par 2 (face à face dans chaque travée), portent aujourd'hui les titres suivants : l'Ignorance chassée, le Sacrifice ; l'Unité de l'État, l'Éléphant fleurdelysé ; Cléobis et Biton, les Jumeaux de Catane ; la Mort d'Adonis, la Vengeance de Nauplius ; la Fontaine de Jouvence, l'Éducation d'Achille ; la Bataille des Centaures et des Lapithes, Vénus frustrée.

Dans les 4 premières compositions, François Ier apparaît en personne, mais sous des allégories différentes : comme un roi faisant une entrée joyeuse dans les cieux, comme un chef idéal sur terre, comme un petit enfant, comme un éléphant. Les allégories glorifient le roi comme le souverain le plus sage et le plus vertueux, comme un héritier envoyé par Dieu sur le trône, comme un " Nouveau Vercingétorix " et un " Nouvel Alexandre ". À partir de la 5e travée, l'allégorie, qui concernait jusqu'alors la mystique de la royauté, s'oriente vers la vie et le caractère du roi.

La décoration de la galerie était à peine achevée quand le roi fit construire en 1540, toujours à Fontainebleau, une autre grande galerie, qu'on a nommée, d'après son décor, la " galerie d'Ulysse ". Malheureusement démolie en 1736, elle fut pendant deux siècles la gloire de Fontainebleau. De même largeur que la galerie François-Ier, elle s'étendait sur une longueur de 150 m environ et bordait sur le côté droit la cour du Cheval-Blanc. Elle était couverte d'une voûte et éclairée de nombreuses fenêtres. Primatice y travailla jusqu'à sa mort avec le concours de toute une équipe d'artistes, parmi lesquels, à partir de 1552, Nicolò Dell'Abate. À la mort de François Ier, les murs et la moitié de la voûte étaient déjà peints.

La galerie était divisée en 15 travées, dont l'ordonnance à la voûte se répétait une fois en symétrie de celle du milieu, en sorte que la 15e composition répétait la 1re, la 14e la 2e. Chacun de ces compartiments de la voûte contenait, sur un fond d'arabesques, plusieurs tableaux représentant des personnages et des scènes mythologiques : la Danse des heures occupait le milieu de la voûte à la 8e travée et était entourée par 92 compositions. Le souvenir de quelques-unes nous est conservé par des dessins de Primatice : Apollon dans le signe du Lion, Jupiter, Neptune et Pluton, les Heures environnant le Soleil, Neptune créant le cheval, Vénus et les Parques, Bellone portée par deux génies, Junon descendant du ciel, Minerve chez Jupiter, Neptune apaisant la tempête, le Parnasse, l'Olympe. Les personnages figuraient sur un fond de ciel ouvert, vus " da sotto in su ", suivant un jeu audacieux de perspectives ; sur les murs étaient peints 58 sujets de l'Histoire d'Ulysse ; les 4 saisons étaient peintes aux 2 bouts de la galerie ; dans une lunette était représenté Charles IX recevant la reddition du Havre. La splendeur de cet immense ensemble de Primatice a été vantée par Poussin, qui disait qu'il ne connaissait rien de plus propre que la suite des sujets de la galerie d'Ulysse à former un peintre et à échauffer son génie. Rubens a copié plusieurs compositions. Van Thulden, son élève, a gravé les tableaux de l'Histoire d'Ulysse. À Gaillon, il existait au début du xvie s. une galerie des Cerfs, qui fut peinte de " verdures ". Une autre devait avoir selon un devis " les ogives et les rencos d'or et d'azur, les rondeaux et lettres qui sont et seront semés en toute ladite gallerie ". La décoration de la galerie du château du Verger était consacrée à Vénus. La galerie des Cerfs, qu'Antoine de Lorraine faisait aménager au Palais ducal de Nancy, était décorée par des tableaux de chasse au cerf, et au plafond était représenté le ciel. La galerie de l'aile ouest du château d'Écouen avait des vitraux consacrés à l'histoire d'Amour et Psyché (1542), les ébrasements des fenêtres étaient peints de grotesques, et le sol pavé de " carreaux de terre cuite et émaillez de couleurs " (1542). La galerie de l'aile est du même château, dite " galerie Ronde ", aménagée vers 1548, avait des vitraux peints de grotesques et des carreaux " représentant divers chiffres, armes et devises de la maison de Montmorency ".

À l'hôtel de Montmorency à Paris, on voyait, dit Sauval, une galerie peinte par Nicolò Dell'Abate sur les dessins de Primatice. Le thème était, semble-t-il, les Vertus. Après la galerie François-Ier, la galerie du château d'Oiron est la plus importante et la mieux conservée des galeries peintes du xvie s. qui existent encore en France. Longue de 55 m et large de 6,50 m, elle occupe le premier étage de l'aile gauche du château. Entre 1546 et 1549, elle fut peut-être décorée par Noël Jallier. Ces décorations sont inspirées par Fontainebleau ; 14 grandes fresques couvrent entièrement les murs ; leurs sujets sont tirés de l'Illiade et de l'Énéide. Elles sont accompagnées d'inscriptions et parsemées de chiffres, devises et emblèmes de Claude Gouffier et de ses épouses, de François Ier et de Henri II. Le plafond a été refait au xviie s.

Le château d'Ancy-le-Franc (1546) possède une galerie dont les peintures représentent la Bataille de Pharsale.

La galerie du château d'Anet (1549-51), démolie au début du xixe s., est décrite en 1640 par Denis Godefroy : " Une longue gallerie, toute remplie de plusieurs excellents tableaux de païsages et autres représentations, de pourtraicts de la susdite Diane de Poitiers, tantost peinte en chasseresse, en la forme et nuë comme la Diane des Anciens, tantost richement vestue et en grande pompe à la mode du temps, tantost comme estoit en ses plus jeunes ans, et tantost plus aagée, bref en plusieurs postures et équipages. Au bout de cette galerie, en un fort grand tableau, se voit tiré au naturel, le Roy Henri second à cheval, vestu de gris, blanc et noir, une petite toque avec panache sur la teste, fort vifvement représenté, et autour, quantité d'autres pourtraicts des plusieurs Rois et Reines de France, et plusieurs tableaux de parents et parentes de la susdite Diane. "

Le cryptoportique, ou galerie basse, de l'hôtel du Faur, dit " Torpanne ", à Paris, fut décoré entre 1567 et 1571 par Nicolò Dell'Abate d'une série de fresques qui représentaient des paysages et des scènes mythologiques dont le sens exact n'a pas encore été déchiffré.

Italie

L'étude des galeries italiennes du xvie s. se heurte à une difficulté de terminologie. Pendant la première moitié du siècle, le mot galerie n'apparaît que très rarement dans les documents (en 1523, la loggia della Villa Farnesina à Rome est appelée " galleria ") et ensuite, à partir de 1560 env., le mot est employé parfois pour désigner des salles voûtées de modestes dimensions (1561, " galleria " du casino de Pio IV ; 1563, " galleria " du Palazzo dei Penitenzieri ; 1568, " galleria " du palais Farnèse). Sous l'influence française, l'usage du mot " galleria " devient général vers la fin du siècle. Compte tenu de cette situation, il ne faut pas passer sous silence le projet du Belvédère de Jules II, imaginé par Bramante. Ce grandiose projet, réalisé à partir de 1504 et modifié par la suite, prévoyait de relier le palais du Vatican au Belvédère par 2 immenses porticus triplices. On pourrait appeler les 3 étages de ces portiques un cryptoportique, une galerie et une loggia, mais, dans les documents concernant leur construction, ils sont toujours appelés " corridors ". Ceux-ci devaient être décorés avant 1513, il existait déjà une série de 17 " quadri " (vraisemblablement de grandes fresques) " nel choridore che va a Belvedere " (localisé dans l'aile est de la cour supérieure). Le mot galleria y fut pour la première fois employé dans les années 1570-1573 lorsqu'on construisit dans l'aile ouest, devant les chapelles superposées de Santo Stefano, San Pietro Martire et San Michele, deux ou trois petites galeries.

Chronologiquement, citons les principales galeries peintes au xvie s. en Italie. Le palais Capodiferro-Spada à Rome possède au premier étage une sorte de passage, ou loggia fermée (13 m sur 2,50 m), qui fut décoré dans les années 50 de fresques mythologiques entourées de stucs. C'est peut-être l'une des premières galeries de Rome.

La petite " galleria " au-dessus du vestibule du casino de Pio IV fut peinte en 1561-62 par Federico Zuccaro et Giovanni da Cherso Venetiano : peintures décoratives (grotesques) encadrant des sujets bibliques.

La galerie du palais Sacchetti, mentionnée déjà en 1556, fut décorée vers 1574 par des copies des fresques de Michel-Ange de la chapelle Sixtine. La galerie de la Villa Médicis à Rome, construite v. 1580, devait être peinte (dessins conservés au V. A. M. de Londres), mais le projet ne fut jamais exécuté.

Vers 1580, le pape Grégoire XIII fit aménager au deuxième étage de l'aile ouest du Belvédère la célèbre " galleria delle carte geographiche ", probablement l'œuvre d'Ottaviano Mascherino. Lonque de 120 m et large de 6, elle est couverte d'une voûte en plein cintre et éclairée de chaque côté par 17 fenêtres. Le soin de la décorer fut confié au cosmographe Ignatio Danti et à Girolamo Muziano, ce dernier dirigeant avec Cesare Nebbia une équipe importante de peintres. Entre les fenêtres, les murs sont peints de 32 fresques représentant des cartes géographiques de différentes régions d'Italie, parmi lesquelles figurent l'" Italia antica " et l'" Italia moderna ". Des vues en perspective des villes les plus importantes sont incorporées à ces grandes fresques, ainsi que des représentations de batailles. La voûte est divisée par des centaines de cadres en stuc doré contenant des fresques.

La galerie du palais Rucellai-Ruspoli est, par ses dimensions (28 m sur 7,50 m) et sa décoration de J. Zucchi (v. 1586), l'une des plus importantes galeries du xvie s. à Rome. La voûte est dans sa partie centrale divisée en 5 grands tableaux représentant Jupiter, Mars, Apollon, Vénus et Mercure. Autour d'eux, les autres dieux de la mythologie classique et les signes du zodiaque. Sur les murs, entre les fenêtres et la corniche, figurent les héros et héroïnes de l'histoire romaine alternant avec des allégories sur les empereurs, dont les bustes sont exposés dans les niches qui se trouvent aux trumeaux. Des vues de Florence font allusion aux origines des Rucellai.

Le palais Giustiniani possède une galerie (20 m sur 8) décorée v. 1585-1587 pour le cardinal Ferdinando de Médicis. Les fresques de la voûte sont de plusieurs peintres, dont, peut-être, Francesco Vanni, Giovanni-Battista Ricci et Ludovico Lanzone. Le décor du plafond se présente en 3 zones longitudinales avec des scènes compartimentées ; la fresque du centre représente la Rencontre de Salomon et de la reine de Saba, accompagnée de la Religion, l'Industrie, la Vigilance, l'Éloquence.

En Italie septentrionale, d'importantes galeries ont été construites à Mantoue, à Sabbioneta et à Turin. Vers 1571, Guillaume Gonzague fit transformer la " loggia dei Mesi " du palais ducal de Mantoue en une galerie : les arcades furent remplacées par des fenêtres, on orna les niches de 12 bustes d'empereurs romains et on renouvela en partie les décorations peintes. Par la suite, la loggia fut appelée " galleria dei Mesi ". L'autre grande galerie du palais ducal, la " galleria della Mostra ", a été aménagée également dans une loggia, longue de 64 m. Les travaux commencèrent sous la direction de Datari en 1592, furent poursuivis en 1595 par A. M. Viani et durèrent une dizaine d'années. La galerie devait recevoir la collection de tableaux et de sculptures de Vincent Gonzague.

En 1582-1584, Vespasien Gonzague fit ériger dans la ville de Sabbioneta (fondée par lui-même en 1550) une grande galerie, appelée à l'origine " il corridor grande " et devenue ensuite la " galleria degli Antichi ". Ce corps de bâtiment, qui est seulement relié par un pont avec le palais du jardin, a au premier étage un " corridor " long de 100 m. Dans un premier temps, la galerie fut vraisemblablement peinte d'une série d'" antichi condottieri ". En 1589, Vespasien fit appliquer des cornes de cerf et remplacer les fresques par une décoration peinte de colonnes, frontons et autres motifs architecturaux qui ouvre et prolonge les côtés de la galerie par un jeu de perspective dans une colonnade. Les Allégories des Arts et des Vertus complètent cette décoration.

En 1606, Emmanuel Ier de Savoie chargea Federico Zuccaro de la décoration de la " galleria grande " qui fut construite à Turin pour relier le " palazzo vecchio " au château. Zuccaro fixa le programme, dirigea une équipe de plusieurs peintres, parmi lesquels Moncalvo. Sur la voûte en plein cintre figuraient 48 images du ciel. Sous la corniche et entre les fenêtres étaient représentés 32 princes à cheval de la maison de Savoie et 4 autres à côté des 2 portes de la galerie, habillés de costumes contemporains. Au-dessus, dans les lunettes, figuraient 5 empereurs et 4 papes. De plus, les trumeaux étaient décorés d'une niche flanquée de 2 colonnes et de paysages illustrant les hauts faits des princes de Savoie. Sur le pavé étaient dessinés en mosaïque des " formule matematiche " et des espèces de la faune maritime ; des têtes de quadrupèdes étaient peintes sur le soubassement des murs, et des volatiles figuraient au-dessus des niches. Sur les vitraux étaient représentée " la cosmografia di tutto il mondo ". En 1667, la galerie fut en partie détruite par le feu.

Le xviie siècle

Italie

La galerie Farnèse

Au cours du xviie s., un nombre considérable de palais à Rome furent ornés de décorations peintes à fresque. Un exemple majeur est réalisé dès 1597-1604 avec la galerie du palais Farnèse, peinte par Annibale Carracci, assisté de son frère Agostino et de plusieurs collaborateurs (Dominiquin, Lanfranco). On a suggéré que la galerie fut peut-être décorée pour le mariage du duc Ranuccio avec Margharita Aldobrandini, en 1600. Cette hypothèse a le mérite de ne pas rejeter entièrement le patronage de l'ouvrage sur le cardinal Odoardo Farnèse, car il faut se souvenir que la Contre-Réforme n'est pas loin. De toute façon, la galerie avait été conçue comme une salle où devaient être disposés des antiques de la collection Farnèse, et A. Carracci s'en souvint dans la structure décorative. La décoration eut lieu en deux temps, celle de la voûte (v. 1597-1600), celle des murs (v. 1603-1604). L'iconographie est celle du pouvoir et de la domination universelle de l'Amour conquérant : " Omnia vincit Amor ", illustrés par des exemples tirés de la mythologie. La fresque du centre de la voûte, le Triomphe de Bacchus et Ariane, illustre le triomphe de l'Amour sensuel, ennobli par les dieux de l'Antiquité.

La décoration est complexe, combinant plusieurs systèmes. Longue d'un peu plus de 20 m, large de 6,50 m, la galerie est couverte par une voûte entièrement peinte. Un des principes de la décoration réside dans l'utilisation de " quadri riportati ", c'est-à-dire de tableaux peints dans des cadres feints, imitant, à la voûte, un tableau de chevalet. L'utilisation de " quadri riportati " est régie par une des grandes lois de la peinture décorative post-Renaissance, à savoir que la peinture mythologique doit être rendue dans des cadres isolés (à un sujet " noble " correspond un cadre " noble "). Ainsi Annibale juxtapose plusieurs systèmes, celui de la frise peinte à la base de la voûte, le cadre architectonique général de celle-ci et les " tableaux rapportés ". La frise est composée de " quadri riportati ", de médaillons feints et de compartiments peints entourés par des termes qui supportent une corniche architectonique ; dans la partie centrale sont installés des " quadri riportati ", dont le grand tableau du centre. Le plafond de la Sixtine fut pour Annibale une source abondante d'idées, témoins les ignudi assis de chaque côté de médaillons en " bronze ". Aux angles, des percées illusionnistes discrètes (souvenir des fresques de Tibaldi au palais Poggi de Bologne). À la voûte, les atlantes " en pierre ", les médaillons " en bronze ", les " cadres " dorés des tableaux montrent son amour de l'illusionnisme.

Autres galeries

Paradoxalement, le parti pris décoratif d'ensemble de la galerie Farnèse n'eut pas à proprement parler d'imitateur. Il était trop complexe, trop riche pour être suivi d'emblée. S'il rallia pendant plusieurs générations les tenants du Classicisme et Baroque, il n'a influencé que partiellement et de façon diverse le mode de décoration des galeries peintes.

En 1609, le marquis Vincenzo Giustiniani commanda à l'Albane le décor de la galerie de son palais à Bassano Romano. L'Albane s'entoura de collaborateurs comme Giaciomo Stella, Prospero Orsi et Viola. Au plafond, il représenta la Chute de Phaéton et le Conseil des dieux. Il rejeta la récente solution d'A. Carracci à la galerie Farnèse au profit d'un traitement unifié de la voûte ; 8 épisodes sur les murs (tapisseries feintes) racontent les événements tragiques de l'Histoire de Phaéton.

Le palais Chigi sur la piazza Colonna, à Rome, offre une galerie ornée par un artiste anonyme des années 1620 ; il s'agit de fresques dans des rectangles et dans des médaillons sur le thème de la Création d'Ève et du Péché originel.

Lanfranco reçut en 1619 la commande, pour le pape Paul V Borghèse, du décor de l'immense loge des Bénédictins à Saint-Pierre. Ses projets gravés révèlent, par la division tripartite de la voûte, par l'emploi dans des zones marginales de tondi en camaïeu et de figures d'encadrement, atlantes et " ignudi ", des souvenirs de la galerie Farnèse ; les " sfondati " dans la zone supérieure de la voûte et les profils maniéristes archaïsants des édicules des zones inférieures trahissent, eux, des souvenirs d'Alberti et du cinquecento, mais, par sa puissance et son dynamisme, par le traitement enthousiaste du mouvement ascensionnel, par l'élan pour la première fois réellement baroque, l'œuvre de Lanfranco est nouvelle et révolutionnaire ; la mort de Paul V en 1621 empêcha le commencement des travaux. La voûte fut finalement décorée de caissons en stuc doré.

Pierre de Cortone et son influence

Pierre de Cortone peignit de nombreuses galeries, de 1622 à 1654. Une de ses premières réalisations est la galerie du palais Mattei di Giove, décorée en 1622-23 pour le marquis Asdrubale Mattei. L'organisation décorative du plafond, traité en surface plane, fut attribuée à Bonzi. Cortone peignit 4 scènes de l'histoire de Salomon (2 " quadri riportati " au centre et 2 hexagones sur les 4 des côtés séparés par un fond de décoration en grisaille). Les lunettes aménagées par la voûte à pénétrations sont décorées de paysages attribués à Paul Bril représentant les Domaines de la famille Mattei. À la base de la voûte, sous la corniche, une série de bas-reliefs en stuc fait le tour de la galerie.

Quelques années plus tard, il travailla à Castelfusano à la décoration de la villa du marquis Sacchetti (1626-1629), avec Camassei et Sacchi. La galerie est située au 2e étage ; le programme (cycle de faits mythologiques, historiques, allégoriques) illustre les rapports entre les grands de l'Antiquité et la nature. Aux murs, des cartes de géographie. Le décor de la voûte est conçu en 3 grandes zones longitudinales, avec un assemblage de " quadri riportati " et seulement quelques ouvertures illusionnistes aux 4 coins du plafond ; le système de décoration s'inspire de la galerie Farnèse, mais Cortone l'a rendu plus simple, plus léger, mieux adapté au cadre d'une villa de campagne.

Dans les années 1630-31, Cortone décora le plafond de la galerie de la Ville del Pigneto (détruit ; gravé par G. Audran), où il s'intéressa au même problème des rapports entre " quadri riportati " et percées illusionnistes.

À la fin des années 1630, Giovanni-Battista Ruggieri peignit une galerie au palais de Santa-Croce-ai-Catinari, en collaboration avec Agostino Ciampelli. Au centre est peinte l'histoire de Sarah et l'ange ; des lunettes aménagées par la voûte à pénétrations, décorées de paysages, occupent la partie supérieure des murs latéraux. La galerie du palais Peretti-Almagia sur le Corso a été peinte v. 1640. Le schéma décoratif de l'ensemble, dû à François Perrier, rappelle la galerie de Castelfusano et son compartimentage régulier ; Perrier peignit à fresque l'Aurore (centre du plafond) entourée de Junon et Éole, Naissance de Vénus, Vénus dans les forges de Vulcain et Cérès devant Jupiter ; Grimaldi, 4 Paysages ; Ruggieri, les figures des " Virtù ", allégories féminines devant les paysages.

La galerie du palais Pamphili, place Navone, construite par Borromini (1646-47) pour Innocent X et peinte par Pierre de Cortone (1631-1654), est située au premier étage et disposée transversalement dans le corps de bâtiment. Les portes, dessinées par Borromini, rythment les longs murs ; la galerie est éclairée par des petits côtés. Les différentes scènes retracent la Vie et l'apothéose d'Enée. Toute la voûte est peinte, sans recourir aux ouvrages de stuc. La voûte, très longue, ne se prêtait pas à une représentation unitaire ni à une vision directe et globale que peut percevoir le spectateur, comme au plafond du salon Barberini. Cortone divisa l'espace en 7 compartiments ; il représenta les scènes avec les dieux de l'Olympe dans des " quadri riportati ", les scènes de la vie d'Énée dans un espace plus large.

La décoration peinte de la galerie du Quirinal, exécutée en 1656-57 sous la direction de Pierre de Cortone durant le pontificat d'Alexandre VII Chigi, ne subsiste plus qu'en partie. Sous Napoléon, la galerie fut divisée en 3 salles (sala Gialla, sala del Trono, sala degli Ambasciatori) et plusieurs remaniements à l'intérieur la défigurèrent (décoration du plafond détruite, cadres des tableaux modifiés). Actuellement ne subsistent que 20 fresques (18 sur l'Ancien Testament, 2 sur le Nouveau Testament) réparties dans les 3 salles. Les fresques sont de forme ovale, carrée ou rectangulaire, peintes au-dessus des fenêtres par une nombreuse équipe de peintres. À la suite des remaniements, les tableaux ont l'air d'avoir été disposés en frise ; en fait, les tableaux et leurs cadres étaient agencés dans un système de décoration qui structurait toute la surface des murs. Le projet de P. de Cortone (Berlin, Kunstbibliothek) révèle un mur aux somptueuses articulations architectoniques et plastiques où des colonnes jumelles encadrent les fenêtres et supportent un entablement ; entre les colonnes, on devine un paysage. Un projet de Cortone pour le plafond est conservé au Vatican.

La dernière grande galerie du siècle à Rome est peut-être celle du palais Colonna, décorée par Giovanni Coli et Filippo Gherardi dans les années 1675-1678. Au plafond, 3 scènes illustrent des événements tirés de la vie de Marc Antonio II Colonna, dont celui de la bataille de Lépante. Le cadre architectural peint, de style cortonesque, qui entoure les fresques fut exécuté quelques années auparavant par Schor. Les trumeaux entre les fenêtres sont ornés de miroirs peints par Maratta et Mario de Fiori (Putti et Fleurs).

Signalons hors de Rome, vers 1650, la galerie de Bacchus au palais ducal de Sassuolo (Modène), résidence d'été des ducs d'Este qui fut peinte par plusieurs artistes, dont Giovanni Boulanger. Les murs sont ornés de tapisseries feintes : en dessous, des motifs décoratifs peints (cartouches, blasons). La voûte présente une zone centrale (grandes compositions peintes entourées de grisailles par Giovanni Boulanger) et 2 zones latérales (P. F. Cittadini ; B. Bianchi et G. Monti). À Florence, le marquis Riccardi avait fait construire une galerie destinée originellement à recevoir sa collection d'objets précieux. Giordano peignit la voûte à fresque (1682-83) sur le thème de l'Allégorie de la vie humaine et de la dynastie des Médicis. Le peintre répartit habilement dans sa fresque 5 scènes mythologiques et 4 allégories : la Justice, la Tempérance, le Salut public et la Gloire.

France

La galerie du xviie s. conserve la triple fonction des galeries du xvie s., celle de salle destinée aux réceptions et aux fêtes, celle de promenoir et celle de lieu d'exposition pour les collections. La vie mondaine, qui se développe, la naissance de grandes fortunes allaient contribuer à la multiplication des galeries. C'est là qu'est concentré le luxe. Les rois donnèrent l'exemple, suivis très vite par les princes, les ministres, les financiers, les magistrats, la bourgeoisie. Les hôtels, les châteaux de quelque importance veulent avoir leur galerie, à Paris ou en province. La capitale en posséda un fort grand nombre. Installées plutôt dans les ailes que dans le corps central du bâtiment, elles en occupent en général la largeur. Autant de galeries, autant de conceptions différentes. Variété de la structure : les galeries sont éclairées d'un ou de plusieurs côtés, par les longs ou les petits côtés ; elles sont voûtées ou couvertes d'un plafond à caissons. Parfois au nombre de deux dans le même château, elles se répondent, se succèdent ou se superposent : Paris offre au xviie s. de nombreux exemples de cette dernière solution. Variété de la distribution : elles sont enserrées entre 2 cabinets, sont conçues pour elles-mêmes ou alors conduisent à une chapelle. Variété de l'iconographie : sujets mythologiques, allégoriques, portraits, épisodes historiques récents ; s'il y a de nombreux compartiments à remplir, il faut choisir en conséquence une histoire qui se prête à un cycle. Variété du décor enfin : tout juste construite, la galerie est livrée aux peintres ; ces derniers peignent à fresque ou à l'huile sur toile (plus fréquemment) des paysages ou des scènes secondaires à la partie inférieure, tandis que les trumeaux et le plafond sont consacrés à un thème développé en de nombreux épisodes ; il n'y a pas toujours correspondance de sujet entre les trumeaux et le plafond.

Le début du siècle. Henri IV et Marie de Médicis

Des édits contre le luxe interdisent les galeries somptueuses aux ornements dorés. Seul le roi bâtit. Henri IV confie à une équipe d'artistes franco-flamands le soin d'aménager les intérieurs du Louvre, de Fontainebleau et de Saint-Germain-en-Laye.

Bien peu de chose subsiste de l'œuvre du peintre décorateur Toussaint Dubreuil, premier peintre du roi. L'artiste a peint les " emblêmes et devises " des lambris de la galerie d'Ulysse à Fontainebleau, sous les compositions de Primatice et de Nicolò ; il a peint v. 1600, à la galerie des Cerfs du même château (en place, mais fortement restaurée), 15 grands tableaux représentant des vues à vol d'oiseau des maisons royales, alternant avec la collection royale des bois de cerf ; le plafond est orné des chiffres dorés d'Henri IV et de Marie de Médicis et d'attributs de chasse. Le même principe de décoration était appliqué à la galerie des Chevreuils (Fontainebleau), détruite par Louis-Philippe. Nous possédons encore moins de renseignements sur les décorations des galeries du Roi et de la Reine à Saint-Germain-en-Laye.

Au Louvre, Dubreuil collabore v. 1600, avec Jacob Bunel, au décor de la Petite Galerie (brûlée en 1661 ; actuelle galerie d'Apollon). Aux trumeaux figuraient des " grands portraits " des rois et des reines de France peints par Pourbus, Bunel et sa femme, Marguerite Bahuche. Nous n'en connaissons plus qu'un seul vestige, le portait de Marie de Médicis par Pourbus (Louvre). À la voûte, divisée en compartiments, étaient associées des scènes des Métamorphoses d'Ovide et de l'Ancien Testament. Particulièrement célèbre était une Gigantomachie célébrant, sous le voile de l'allégorie (Jupiter foudroyant les Titans), la victoire du roi sur la Ligue ; Sauval décrit avec admiration une figure de géant debout qui semblait percer la voûte, rappel, semble-t-il, de Giulio Romano et des figures plafonnantes du Primatice.

Ambroise Dubois réalisa la décoration de la galerie de Diane dans l'appartement de la reine à Fontainebleau ; détruite au xixe s., elle nous est maintenant seulement connue par des descriptions, des aquarelles de Percier et quelques fragments du décor original, une vingtaine de tableaux restaurés transportés dans la galerie des Assiettes sous Louis-Philippe. La voûte offrait un ensemble de compositions mêlées parmi des fonds d'arabesques ; Dubois célébra les victoires du roi et montra au-dessus des cheminées le roi en Mars et la reine en Diane. À Nancy, Jacques Bellange travailla pour les ducs de Lorraine à 2 galeries, la galerie des Cerfs, avec la représentation d'une chasse, et la galerie Neuve, toutes deux disparues.

Rubens et la galerie Médicis

Dans le palais récemment construit par Salomon de Brosse pour Marie de Médicis (actuel palais du Luxembourg), 2 galeries offraient leurs murs pour la décoration, dans des ailes parallèles et perpendiculaires au corps central du bâtiment et entourant la cour d'honneur. Marie de Médicis commanda à Rubens 2 suites de 24 tableaux pour ces galeries. Rubens ne devait terminer que la galerie de droite (1622-1625, détruite au xviiie s.), dite " de Médicis ". Quant à la décoration de la galerie Henri-IV, qui par son programme iconographique devait constituer une introduction à la galerie voisine, elle ne devait jamais aboutir. J. Thuillier à souligner en quels termes se posait pour Rubens la décoration à réaliser : une vingtaine de tableaux occupant l'espace des trumeaux entre les fenêtres ; en effet, Salomon de Brosse avait prévu un plafond plat " à sollyves et poultres dorées et peinctes ". Solution presque archaïque, qui refusait le décor de la voûte. L'Italie, pour ce système français, n'avait jamais proposé de solutions. Rubens résout les difficultés du programme iconographique et peint 24 toiles (Louvre), réalisant un chef-d'œuvre de " peinture politique " dans la narration d'événements récents et délicats, comme la mésentente de la reine mère avec son fils Louis XIII. La galerie de Thorigny-sur-Vire, peinte par Vignon en 1651, s'inspire de la galerie de Rubens pour le système du décor.

1625-1640. Simon Vouet

Le rétablissement de l'économie, v. 1620-1625, favorise l'éclosion de somptueuses galeries, que tout château se devait de posséder. Simon Vouet, revenu de Rome en 1627, allait être le décorateur auquel firent appel les grands mécènes. Les nombreuses galeries qu'il a peintes — une dizaine — ont toutes disparu. C'était l'essentiel de son œuvre en France. Certes, leur iconographie est connue : sujets mythologiques à la galerie du château de Chilly (Lever du soleil et Lever de la lune, v. 1630-31) et à celle de l'hôtel Bullion (Histoire d'Ulysse, 1634-35), sujets allégoriques à la galerie des Objets d'art du Palais-Cardinal et à la galerie supérieur de l'hôtel du chancelier Séguier ; portraits, de Suger à Richelieu, à la galerie des Hommes illustres au Palais-Cardinal (en collaboration avec Philippe de Champaigne, v. 1632). Mais que penser du système de décoration ? Faut-il voir une évolution des 4 Vertus cardinales (v. 1637) de Versailles, ornant probablement à l'origine des compartiments octogonaux d'un plafond, à la fameuse voûte de la " librairie " du chancelier Séguier ? Vouet part du champ restreint du plafond à caissons, où il installe des toiles dans des compartiments en stuc sculptés par Sarrazin (qui est présent à Chilly et à l'hôtel Bullion), puis il se libère du plafond " à la française " pour annoncer, vers 1640, les solutions de Perrier et de Le Brun.

1640-1665. Le Louvre et l'hôtel Mazarin

Poussin, Romanelli et Le Brun, des dernières années du règne de Louis XIII († 1643) jusqu'au début du règne de Louis XIV (1661), travaillent au Louvre et à l'hôtel de Mazarin. La genèse de la décoration de la Grande Galerie du Louvre est bien connue. Le roi confie cette décoration à Nicolas Poussin, revenu de Rome en 1640 : construite par Henri IV, la Grande Galerie a été créée pour servir de passage entre le Louvre et les Tuileries ; longue de 266 m, c'est une des plus grandes galeries du monde. Avant l'arrivée de Poussin, Lemercier y a déjà travaillé, mais il voit arrêter les travaux qu'il avait commencés. Poussin choisit pour sujet de la voûte la vie héroïque d'Hercule. À la voûte, au-dessus de chaque fenêtre, se dressaient 2 atlantes encadrant un médaillon et soutenant un fronton circulaire ; les actions d'Hercule, peintes en grisaille simulant les bas-reliefs, s'inscrivaient dans les médaillons et dans des cartouches rectangulaires. Des moulages en plâtre des bas-reliefs de la colonne Trajane et de l'arc de Constantin (projet postérieur au départ de Poussin ?) devaient être insérés au milieu de la voûte. Sur les murs était appliqué un ordre de pilastres corinthiens de bois doré entre lesquels Fouquières devait peindre des Vues de diverses villes de France. La réalisation fut abandonnée avant que le quart n'en fût achevé ; il fut détruit par la suite. Poussin avait élaboré un système classique où le décor respecte la surface architecturale sur laquelle il est apposé. Trop tôt disparu, il n'exercera pas d'influence.

Le cardinal Mazarin, qui avait loué l'hôtel du président Tubeuf (auj. B. N.), confia à Mansart la construction de 2 galeries superposées, la galerie basse (" Mansart ") et la galerie haute (" Mazarine "), pour l'installation de ses collections. Il fit appel pour la décoration à Romanelli plutôt qu'à Vouet (1646-47). Du décor de la galerie basse subsistent seulement les niches et la partie centrale de la voûte, décorée par Grimaldi d'une colonnade peinte à l'huile et de grisailles représentant des scènes antiques. La galerie haute offre le mélange intéressant de Paysages, peints par Grimaldi dans les embrasures des fenêtres et dans les niches sur le mur opposé, et de peintures mythologiques à la voûte ; celle-ci est couverte d'un réseau de compartiments, rectangulaires au centre, ovales de chaque côté, à cadres de stuc en partie doré que Romanelli a meublé de fresques, sans raccourcis illusionnistes. Les compartiments sont ici plus larges que d'habitude et leurs formes simples donnent à la voûte un aspect unifié. L'iconographie offre un mélange de scènes tirées de l'Histoire romaine et des Métamorphoses d'Ovide.

La galerie d'Apollon remplace la galerie des Rois, brûlée en 1661. Elle est relevée aussitôt par Le Vau, et la décoration est confiée à Le Brun en 1663. Longue de 60 m et large de 9,50 m, la galerie ne prend jour que par les 12 fenêtres donnant sur le jardin de la Reine et sur la Seine. Le plafond, intérêt majeur de la galerie puisque l'actuelle décoration des murs date d'une reconstitution complète du xixe s., une voûte, est divisé en tableaux de forme et de dimensions différentes ; au centre, un rectangle incurvé par la voûte, où Le Brun devait peindre le Triomphe d'Apollon (exécuté seulement par Delacroix en 1849) ; de chaque côté, dans le sens de la longueur, des tableaux ovales, encadrés de panneaux où Gontier peignit des arabesques, puis un octogone et un cul-de-four peu profond. Le Brun ne réalise que 2 peintures, Diane ou la Nuit, et le Triomphe des eaux (ce dernier en tapisserie feinte). De chaque côté de la partie centrale alternent d'autres tableaux et des médaillons représentant les Occupations des mois, que peignit Jacques Gervaix et que J.-B. Monnoyer entoura de fleurs, ainsi que des stucs représentant des dieux, les signes du zodiaque, les Muses, des captifs, sculptés par Marsy et Regnauldin. Les trumeaux étaient couverts d'arabesques, les portes étaient ornées de trophées sculptés et dorés.

Les galeries privées au milieu du xviie siècle

Les galeries prolifèrent, mais beaucoup d'entre elles seront détruites. Qui se souvient des galeries qu'Errard peignit au château du Dangu chez Sublet de Noyers (Histoire de Tobie, 1643) et avec Loir à l'hôtel de La Ferté-Sennecterre, des galeries de Fresnes, du Plessis-Guénégaud (Loir et Anguier), de l'hôtel de Lionne à Paris ? Évoquons les galeries dont nous connaissons le mieux le décor, parfois conservé : celles de l'hôtel de La Vrillière (1645), de l'hôtel Lambert (v. 1630-1658) et de l'hôtel de Bretonvilliers (1663). Dans l'âge d'or de ces galeries parisiennes, celle de l'hôtel de La Vrillière est une des premières en date. Louis Phélypeaux de La Vrillière fit construire par François Mansart, à Paris, dans le quartier du Palais-Royal, un fastueux hôtel particulier (1635-1638), aujourd'hui siège de la Banque de France, dont la galerie pouvait rivaliser avec celles des plus grands seigneurs de son temps (Mazarin, Séguier, Richelieu...). Les dimensions (50 X 8 m) en sont plus imposantes que celles de la galerie Farnèse. En 1645, le décor de la voûte fut confié à un " Romain ", François Perrier. Pour l'iconographie et le schéma du décor, Perrier s'est souvenu de la galerie, beaucoup plus petite, qu'il avait peinte, avec Grimaldi et Ruggieri, à Rome au palais Peretti-Almagia. Il décora le plafond sur le thème de Junon et Éole avec une suite de " quadri riportati ", selon les règles de l'école des Carrache ; les Quatre Éléments, disposés transversalement et installés dans des cadres flanqués par des satyres et des " ignudi ", encadrent une fresque centrale consacrée au Triomphe du Soleil. Si l'idée de galerie est traditionnelle, la décoration est tout à fait nouvelle, en particulier celle des murs, où le propriétaire, Louis de La Vrillière, organisa autour d'un tableau " moderne " qu'il venait d'acheter, l'Enlèvement d'Hélène (1631) de Guido Reni, une collection de tableaux italiens dus à Guerchin, Pierre de Cortone, Poussin, C. Maratta et A. Turchi. Au total, dix tableaux d'" histoire " de grandes dimensions (chacun 250 X 265 cm environ) étaient l'ornement majeur de cette galerie décorée de lambris et de stucs dans les tons blanc et or, le tout distribué dans une rigoureuse symétrie. Lors d'une exposition tout à fait remarquable (Seicento, Paris, Grand Palais 1988-1989), le décorateur italien Pier Luigi Pizzi a tenté la recréation nécessairement schématique de l'ordonnance de cette galerie, avec la présence des tableaux aujourd'hui dispersés, qui se situe dans la droite ligne du décor romain (galerie Farnèse ou chapelle Sixtine). En effet, nous ne jugons plus aujourd'hui cet ensemble que par des copies ; de même, le réseau décoratif de la voûte a été modifié au xviiie s. par Robert de Cotte. Cette galerie fut celle d'un homme de goût (antiques dans les niches, etc.), d'un mécène, d'un amateur avisé qui possédait à la fin de sa vie quelque trois cents tableaux.

La date de la décoration de la galerie de l'hôtel Lambert n'est pas connue de façon précise (v. 1630-1658). Elle constituait à son époque la réalisation la plus ambitieuse d'illusionnisme baroque qui fût exécutée en France. La galerie, construite par Le Vau en 1640, est basse et éclairée par 8 fenêtres cintrées, donnant sur le jardin (long côté) et la Seine (petit côté). Le Brun l'a dédiée au thème d'Hercule, dont les exploits sont répétés sous des formes habilement variées. Aux murs, les trumeaux sont ornés d'une série de médaillons ovales et octogonaux de stuc bronzé et doré, sculptés par Van Obstal et représentant les Travaux d'Hercule ; en face alternent des tableaux de P. Rousseau (architectures dans des paysages) et les médaillons de Van Obstal, placés au haut du trumeau, supportés par des termes et couronnés par des angelots. La plinthe est ornée de motifs de rinceaux et de contre-courbes. À la voûte, Le Brun peint un cadre architectural illusionniste, divisant la surface en 4 parties ; dans 3 de celles-ci, l'architecture feinte est comme une fenêtre ouvrant la galerie au ciel ; mais l'impression d'un espace unifié ouvert au-delà de celui de la galerie est rompue par le centre, où Le Brun a peint deux tapisseries en trompe-l'œil soulevées par le vent. Pour unifier les différentes compositions, il a imaginé des figures volantes peintes sur les doubleaux (motif pris au plafond " Barberini " de P. de Cortone) et placées entre le spectateur, la voûte " réelle " des tapisseries et l'espace imaginé derrière la voûte. Une autre originalité du système réside dans la façon dont il a donné de la hauteur à sa galerie, relativement basse. L'architecture illusionniste crée l'impression que les murs de la galerie continuent au-dessus de la corniche, et le peintre augmente l'illusion de verticalité dans la voûte en plaçant des ornements de stucs feints (" ignudi ") contre l'extension supposée du mur. Un jeu d'illusionnisme aussi complet, l'emploi à la voûte de tapisseries feintes qui violent les règles de la perspective, l'utilisation de nombreux points de vue viennent à l'encontre des théories de Bosse, ami du mathématicien Desargues, partisan convaincu de la " mise en perspective géométrale ", soutenant l'application des procédés géométriques pour la grande peinture décorative, en un mot défenseur de la logique dans le parti décoratif. Le Brun refuse de soumettre l'art à la géométrie et crée des décors reflétant sa sensibilité aux prestigieux modèles italiens.

Bénigne Le Ragois, propriétaire de l'hôtel de Bretonvilliers, passa la commande du décor à Sébastien Bourdon (1663 ; détruit au xixe s.). La galerie avait un peu plus de 33 m de long, 6 m de large et 8 de hauteur ; des 2 longs côtés de la galerie, un seul était percé de fenêtres, donnant sur le jardin. Tout le décor était peint, murs et voûte, et à fresque. Les 7 trumeaux sur le jardin étaient consacrés à l'évocation des Sept Arts libéraux (peints en grisaille), les 7 faux trumeaux, en face, aux Trois Vertus théologales et aux Quatre Vertus cardinales (peintes également en grisaille) ; au-dessus, précise Guillet, se trouvait " un tableau de coloris dont le sujet convient en particulier à chaque vertu et à chaque art " (gravé). Guillet ne précisant pas quel était le décor sur les travées en face des fenêtres, on pense qu'il devait y avoir, parti habituel de ce temps, comme à l'hôtel Lambert ou à la galerie Mazarine, de grands paysages. On suppose, sur une phrase de Guillet, que des pilastres d'ordre ionique, peints en trompe-l'œil et s'élevant du sol à la corniche, encadraient les allégories. À la voûte, 9 compositions retraçaient la Légende de Phatéon, séparées par des arcs soutenus à chaque extrémité par des termes accouplés, placés au-dessus de la corniche. Brice a analysé l'aspect italien de cette galerie : " Les côtés, au lieu de menuiserie, sont couverts de peintures à fresque qui occupent longtemps les curieux par l'extrême plaisir qu'ils ont de voir dans ces pièces, ce que l'on va chercher en Italie avec tant d'empressement... "

Deux autres exemples montrent, au milieu du siècle, le prestige de l'Italie et de la galerie des Carrache du palais Farnèse. Aux Tuileries, la galerie des Ambassadeurs offrait au plafond des copies exécutées d'après les Carrache sous la direction de Charles Errard (1665-66). De même, le cardinal-archevêque de Lyon commanda à Pierre Mignard (pour une galerie ?) des copies d'après les " quadri riportati " des Carrache.

La province offre, dans ses nombreuses galeries, des exemples variés ; là aussi, beaucoup de destructions empêchent d'écrire l'histoire des galeries peintes. Le château de Beauregard possède une galerie historique de 363 portraits disposés, au-dessus du lambris à hauteur d'appui, sur 3 rangées ; à la partie inférieure alternent emblèmes, natures mortes et panneaux d'arabesques (exécuté v. 1635). Toulouse avait, au Capitole, 4 galeries, aménagées de 1674 à 1685 sous la direction de Jean-Pierre Rivalz. Dans l'une d'elles (qui n'est pas la galerie des Illustres), il avait restauré 44 portraits de capitouls et peint 2 dessus-de-porte. La galerie de peinture fut décorée de 1684 à 1723 de compositions sur l'histoire de Toulouse, inspirées des dessins de La Fage, et peintes par Bon Boullogne, Jouvenet, Coypel et Antoine Rivalz.

Le château de Tanlay possède, au premier étage, une galerie, réduite à 21 m de long après l'incendie de 1761, et qui a été décorée par des artistes italiens de camaïeux gris en trompe-l'œil qui représentent des caissons, des rosaces, des bas-reliefs et des scènes de la mythologie antique.

On peut relever deux cas d'utilisation de " quadratura " : le Lyonnais Sarrabat avait peint une galerie avec arcade ouvrant sur une perspective ; d'autre part, au château de Charentonneau, près de Paris, la galerie avait son plafond peint " d'ornements feints " et ses murs de fausses statues antiques alternant avec des paysages. La variété des exemples cités montre la diversité des partis adoptés.

La fin du xviie siècle. La galerie des Glaces

Les galeries de cette époque relèvent principalement du domaine de la Couronne. La réalisation de la galerie d'Apollon au château de Saint-Cloud, par Mignard (1677-1679), précède de quelques années sa rivale, la galerie des Glaces de Versailles ; la galerie d'Apollon fut exécutée pour Monsieur, frère du roi, et fut détruite en 1870. Précédée du salon de Mars, elle avait un long mur percé de 13 fenêtres auxquelles des niches répondaient en face ; aux murs des médaillons et des tableaux des maisons royales ; à la voûte divisée en compartiments, la partie centrale, consacrée au thème d'Apollon, était entourée de grands tableaux sur les Saisons et de 8 groupes de figures peintes en camaïeu, stuc et bronze. Les contemporains furent émerveillés par la galerie, que nous ne connaissons plus que par des gravures de J.-B. de Poilly, les tapisseries des Gobelins (les Saisons) et quelques dessins de Mignard. Des tableaux sur les trumeaux et au-dessus des niches montrent l'intérêt de Mignard pour les parois latérales, alors que, pour Le Brun, le problème de la galerie se pose avant tout en termes de décoration de voûte.

La réalisation de Clagny est de la même époque (1677-1681) ; ce château, aujourd'hui détruit, fut construit non loin de Versailles par Jules Hardouin-Mansart pour Mme de Montespan. Dans l'aile gauche, et seulement sur la moitié de sa largeur, se trouvait la galerie, enserrée entre deux salons. Le Mercure galant de 1686 nous apprend que " la voûte est ornée de divers compartiments, qui renferment des quadres où doivent être des tableaux qui représentent l'histoire d'Énée ". Le projet, qui aurait dû être exécuté par La Fosse, ne fut jamais réalisé. Le Hongre avait fourni les modèles de la corniche en stuc, des captifs et des trophées ornant les pendentifs qui soutiennent la voûte.

Œuvre de Jules Hardouin-Mansart et de Le Brun (1678-1684), la galerie des Glaces se développe entre les deux avant-corps de Le Vau, où Mansart installa les salons de la Paix et de la Guerre. Longue de 76 m, elle est ouverte sur le jardin de 17 portes-fenêtres en plein cintre auxquelles répondent en face des glaces installées dans des arcades. Le reflet des jardins dans les miroirs donne l'illusion d'une double série de fenêtres. Mansart donna aux longs côtés un décor architectural, par un système de pilastres et de niches. La galerie de Clagny se caractérisait aussi par un fort parti architectural, et L. Hautecœur a pu écrire de la galerie des Glaces : " Cette décoration, Mansart aurait voulu la tirer des seules formes architecturales et avait songé à laisser partout apparaître la pierre. " Mais le roi fit appel à Le Brun pour la décoration : celle-ci est une illustration de tous les hauts faits du règne, depuis 1661 jusqu'en 1678. Le tableau central représente le Roi qui gouverne par lui-même (1661) et le Faste des puissances voisines. De part et d'autre, 10 compositions racontent les faits militaires du souverain depuis 1671. Les premier exploits du roi sont peints dans 12 ovales et 6 carrés aux angles abattus, traités en camaïeux verdâtres sur fond d'or, tous encastrés dans les architectures feintes et séparant les compositions dans le sens de la largeur (L'ordre est établi dans les finances, le Peuple soulagé dans la famine). Les médaillons sont entourés d'" ignudi " qui supportent des frontons circulaires. L'histoire se poursuit dans les 2 salons qui entourent la galerie. Dans cette dernière, la décoration sculpturale est plus sobre que dans la galerie d'Apollon, où trophées, guirlandes, soleils ne dépassent pas la corniche ; à peine les médaillons et les camaïeux sont-ils entourés d'un modeste cadre de stuc doré ; tous les autres cadres sont peints. C'est le triomphe du trompe-l'œil, du faste servi par une invention originale et puissante. La galerie des Glaces, sorte de modèle de galerie princière, eut un immense retentissement et fut souvent imitée ou copiée (notamment par Louis II à Herrenchiemsee, près de Munich). Mignard réalisa à Versailles à partir de 1685 le décor du plafond de la Petite Galerie (détruite en 1752) sur le thème d'Apollon et Minerve.

De la galerie que Jacques IV Gabriel construisit pour Mademoiselle au château de Choisy, on sait seulement qu'elle fut décorée vers 1686 par Le Hongre, Blanchard et Lemoyne. Au Trianon de marbre (1687), Mansart construisit une galerie dans une aile perpendiculaire. Le désir de l'union la plus étroite possible avec la nature domine les aménagements intérieurs de Trianon. La galerie, située entre le salon frais et le salon des jardins, entourée de jardins, fut décorée de 3 paysages de J.-B. Martin l'Aîné et de E. Allegrain et de 21 toiles de Cotelle (1688-89), en général des vues du parc de Versailles.

Le xviiie siècle

France

Après la mort de Monsieur (1701), le nouveau duc d'Orléans commande à Antoine Coypel le décor de la galerie du Palais-Royal sur le thème de l'Histoire d'Énée (détruite en 1781-1783). La galerie fut réalisée en deux temps, ce qui explique le manque de liaison dans les sujets de la voûte et des murs : les peintures de la voûte (1702-1705 ; détruites) et des murs (1714-1717 ; Louvre et différents musées de province). En fait, l'Histoire d'Énée, que Coypel avait peinte en 7 épisodes à la voûte, constituait une suite cohérente en elle-même. Un décor de pilastres, de pyramides, de trophées, réalisé par Oppenord, enrichit les murs latéraux. On lui substitua dix ans plus tard une série de 7 toiles, également par Coypel, sur le même sujet. La largeur de la voûte était divisée par 6 doubleaux fictifs, qui retombaient sur des cariatides. Une grande percée centrale (Vénus suppliant Jupiter) était encadrée de 2 peintures décoratives en camaïeu verdâtre et de 6 " quadri riportati ". On retrouve l'association de percées inscrites dans des architectures fictives et de " quadri riportati ", mais la prépondérance de la percée assure la transition entre les galeries compartimentées de la période antérieure et les nombreuses œuvres unifiées du xviiie s., dans lesquelles l'architecture fictive sera presque totalement éliminée. De l'importante œuvre décorative de Charles de La Fosse tout a pratiquement disparu. Pierre Crozat se fit construire en 1704, par l'architecte Sylvain Cartaud, un palais somptueux rue de Richelieu et chargea La Fosse de peindre sa galerie (démolie durant la seconde moitié du xviiie s.). Le peintre peignit au plafond une fresque sur le thème de la Naissance de Minerve et de l'Exaltation des Arts et des Sciences. Une fois de plus, Brice nous sauve d'une complète ignorance : " Cette galerie qui a 10 toises de long sur 22 pieds de large est d'une très belle proportion. Elle est richement décorée, d'un goût sûr et sans ornement superflu. Le plafond, peint avec toute l'intelligence imaginable, est un des beaux ouvrages de La Fosse, qui mit la dernière main en 1707. " Quatre ans de travail aboutirent à un chef-d'œuvre, influencé par Rubens et la galerie de Médicis.

Des 150 plafonds et décorations d'hôtels et de châteaux que nous connaissons par des documents, pour le premier quart du xviiie s. en Europe, évoquons quelques-unes des décorations exécutées par des Italiens à Paris au début du siècle. Paolo de Matteis, par exemple, pendant ses trois ans passés à Paris (1702-1704), orna plusieurs galeries, pour Antoine Crozat, pour Jean Thévenin, pour le marquis de Clérambault. Champion du " fa presto ", Pellegrini peignit une galerie de 40 m de long en 80 jours. En 1720, le Vénitien obtint la commande du plafond de la galerie de la Banque royale à Paris, au grand dépit de Lemoyne, qui avait espéré le contrat. Le plafond, peint à l'huile, fut perdu deux ans après son exécution, ce qui fait douter de l'opinion communement admise selon laquelle le plafond de Pellegrini aurait exercé une influence déterminante sur la peinture française contemporaine.

Les galeries, au cours du siècle, passent de mode. Les petites pièces se multiplient ; on aménage des galeries plutôt qu'on en construit (de Cotte transforme la galerie Dorée de l'hôtel de La Vrillière). Les rares galeries construites sont disposées de façon transversale dans le corps du bâtiment (hôtel de Lassay à Paris) ou sur le côté du bâtiment (hôtel de Soubise, rue de l'Arcade à Paris). Elles tendent d'ailleurs à devenir de grands salons. L'heure est aux petits châteaux de plaisance, comme Marly, La Ménagerie, Meudon, où l'on préfère, à la grande peinture d'histoire, aux grands programmes décoratifs, des dessus-de-porte et des tableaux de chevalet.

Italie

À Rome

Soulignons que l'on se heurte à une difficulté de vocabulaire. Le mot galerie continue à être employé au xviiie s., mais certaines pièces que les Italiens appellent " salone " (différent de " sala ") sont manifestement des galeries.

La galerie des miroirs du palais Doria Pamphili est située dans l'aile du palais, donnant sur le Corso. À l'intérieur, la voûte fut décorée de fresques peintes par Aureliano Milani (1732) sur le thème de la Chute des géants et de l'Histoire d'Hercule ; les deux murs longitudinaux sont percés de fenêtres, et les trumeaux recouverts de grands miroirs installés dans des cadres dorés. La décoration riche et opulente de l'ensemble offre un exemple typique du goût des grandes familles romaines de l'époque.

Le casino de la Villa Albani renferme au premier étage une galerie (toujours appelée ainsi, mais qui a en fait les dimensions d'un salon) ; le cardinal Alessandro Albani commanda à Mengs le décor de la voûte ; le peintre y peignit à fresque, en 1756, le Parnasse.

Sur le Corso, le palais Rondinini possède une galerie qui occupe seulement la moitié de la largeur d'une aile. Gamelin décora en 1772 le plafond sur le thème de la Chute de Phaéton. Il ne compartimenta pas la voûte, préférat un traitement unitaire de la surface, avec des effets de lumière et des raccourcis. Les murs des petits côtés sont creusés d'une grande niche, entourés de statues ; tableaux et sculptures ornent les longs murs. Il faut remarquer qu'à la limite de la galerie est une pièce parmi les autres, et que d'autres salles du même palais Rondinini, comme la " stanza " di Flora, la salle de Bal, le salon (jadis chambre de l'alcôve), sont presque aussi importantes de dimensions et aussi richement décorées.

Hors de Rome

Les entreprises décoratives sont nombreuses et dispersées ; citons, entre autres, le " salone " du palais Citterio à Brignano Gera d'Adda (Bergame), le " salone " du palais Durini à Milan (sans aucun doute une galerie), le " salone " de la Villa Burlamacchi à Gattaiola (Lucques), la galerie du palais Giugni-Fraschetti à Florence, la " sala dei Fiumi " dans le palais ducal de Mantoue (sur les murs, représentations des Fleuves de la province de Mantoue peints par Giorfio Anselmi, 1776, et au plafond une Allégorie en l'honneur de Marie-Thérèse), la " galleria Beaumont " du palais royal de Turin.

Un très grand peintre aborda la décoration des galeries. Il s'agit de Giambattista Tiepolo, qui peignit les galeries du palais de l'archevêché à Udine et du palais Clerici à Milan. La décoration de la galerie d'Udine est une des plus importantes entreprises de Tiepolo jeune. Il peignit dans le même palais le grand escalier et la " sala Rossa ". Dans la galerie, plafond et murs sont peints à fresque (1727). Sur le mur principal sont peints l'Ange apparaissant à Sarah, Rachel cachant les idoles (entouré de 2 médaillons) et les Anges apparaissant à Abraham ; entre les scènes, 2 prophétesses (statues feintes) ; sur les trumeaux du mur opposé, 4 prophétesses (également statues feintes) ; Tiepolo peignit la voûte en collaboration avec G. Mengozzi-Colonna pour les parties d'illusionnisme et de perspective. Les 3 scènes Sacrifice d'Abraham, Hagar dans le désert, Rêve de Jacob correspondent aux 3 scènes du mur principal. Tiepolo raconte l'histoire en 6 épisodes principaux : il les fait alterner avec des scènes secondaires (grisailles) ; ainsi, il n'appesantit pas l'ensemble.

Le plafond du " salone " du palais Clerici à Milan date de 1739. La commande fut passée par le marquis Giorgio Clerici, général de l'impératrice Marie-Thérèse. Les murs des longs côtés sont décorés de tapisseries et de glaces. Le plafond, peint à fresque, est de vastes dimensions (22 m sur 5,40 m). Au centre est représentée la Course du char du Soleil dans l'Olympe. Le soleil, irradiant la lumière, domine l'espace central occupé par les divinités de l'Olympe. Tiepolo a peint le long des bords du plafond des groupes importants de figures (Allégories des Quatre Continents), voulant donner un aspect aérien à sa voûte.

Le xixe siècle

L'histoire de la décoration des galeries au xixe s. constitue un autre chapitre. Les initiatives privées diminuent : un des rares exemples à citer est celui de la décoration du château de Dampierre : le duc de Luynes passe commande à Ingres du décor d'une grande pièce située au premier étage. Ingres ne réalise que 2 grandes compositions : l'Âge d'or et l'Âge de fer (1842-1849, peintes à l'huile sur le mur), ornant les tympans qui occupent la partie supérieure des petits côtés de la galerie ; avec l'architecte Duban, Ingres surveille la décoration des murs, confiée à plusieurs de ses élèves (Pichon, Flandrin).

L'État prend le relais : chaque roi, chaque régime, conscients de leur rôle de mécène, ont autant souci du somptuaire que Paul III ou Louis XIV. Bien souvent, on aménage dans un bâtiment déjà existant : décor de la galerie de Diane aux Tuileries sous le premier Empire : décor de la galerie de Diane au palais de Fontainebleau, avec au plafond des peintures de Blondel et aux murs l'un des plus importants ensembles de tableaux " troubadours " de l'époque, réalisé entre 1818 et 1826 pour Regnier, Granet, Richard, Bouton, Revoil, Laurent. Delacroix décora les voûtes de 2 bibliothèques (qui ont la forme de galeries) au Sénat (palais du Luxembourg) en 1845-46 et à la Chambre des députés (Palais-Bourbon) en 1846-47. La galerie des Batailles au château de Versailles (avec la célèbre Bataille de Taillebourg par Delacroix : Salon de 1837) est une des belles réalisations du musée de l'Histoire de France de Louis-Philippe, consacrée " à toutes les gloires de la France ". On restaure, on complète également des galeries : à l'hôtel de La Vrillière, où les frères Balze remplacent les originaux de Perrier par des copies sur toiles marouflées ; à la galerie d'Apollon du Louvre, où Delacroix, assisté de Pierre Andrieu, peint le compartiment du centre en 1850-51 (Apollon vainqueur du serpent Python).

La galerie, pièce plus longue que large, se retrouve sous d'autres noms, mais bien souvent avec la même fonction, dans des bâtiments publics : foyer à l'Opéra, salle des fêtes à l'Hôtel de Ville, salle des Pas-Perdus au palais de Justice. Et en ce siècle qui eut la passion du décor monumental, il semble naturel que l'architecte prévoie pour les peintres des surfaces à recouvrir : la galerie reste par définition, pour eux, un morceau de choix. À l'Opéra de Paris (construit par Charles Garnier, 1862-1875), la voûte du grand foyer est ornée de peintures allégoriques dues à Paul Baudry, Félix Barrias et Élie Delaunay ; à l'Hôtel de Ville, reconstruit entièrement après l'incendie de 1871, la décoration de la grande salle des fêtes (qui a la forme d'une galerie) fut confiée à Benjamin Constant, Gervex, Aimé Morot et Gabrier Ferrier ; Constant représenta au centre la Ville de Paris conviant le monde à ses fêtes ; dans le même bâtiment, la galerie Lobau fut également décorée. Mais la plus célèbre galerie du siècle reste celle des Illustres, au Capitole de Toulouse, décorée par Benjamin Constant et Jean-Paul Laurens.