cabinet

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Nom donné à une pièce où l'on conserve une collection, publique ou privée, de tableaux, de dessins, d'estampes, de médailles, de pierres gravées, de documents d'histoire naturelle.

Un cabinet était à l'origine un meuble muni de nombreux tiroirs dans lesquels on renfermait des papiers importants et de menus objets précieux : médailles, gemmes, bijoux ; par extension, le mot désigna ensuite la pièce, généralement de petites dimensions, où l'on conservait des objets de collection. Il fut employé au xviie et au xviiie s. pour désigner à la fois la collection et le lieu (pièce ou galerie) destiné à l'abriter. Aujourd'hui encore, on l'emploie dans les deux sens. En muséologie, il désigne une salle, généralement de dimensions restreintes, dans laquelle sont exposés quelques éléments d'une collection (au Louvre, les " petits cabinets ").

Dans l'Antiquité, il ne semble pas qu'une pièce particulière ait été réservée aux collections. Dans la villa romaine, la " pinacothèque " désigne plus la collection que la pièce.

Au Moyen Âge, les premiers grands collectionneurs, Louis d'Anjou, Jean de Berry, ont des " cabinets ", où s'entassent des richesses de toute sorte : pierres précieuses, ivoires, manuscrits. Si l'on en croit le copiste flamand Guilbert de Metz (première moitié du xvie s.), un " cabinet " abrite aussi bien des instruments de musique, des armes, des pierres précieuses, des fourrures, des tissus que des épices. On y trouve rarement des œuvres d'art.

À la fin du xve s. et au début du xvie, les princes italiens se sont fait construire un studiolo, ou " petite chambre de méditation ", qui est souvent décoré de peintures (studiolo de Frédéric de Montefeltre, à Urbino ; cabinet d'Isabelle d'Este, à Mantoue). On commença par y regrouper des instruments de musique, des instruments scientifiques, des médailles et des monnaies, toutes sortes de curiosités ou " bizarreries ", mêlées à des portraits de philosophes et de contemporains. Cette conception du cabinet de curiosités se confirmera durant le xvie s. partout en Europe, mais surtout dans les pays germaniques. L'un des plus célèbres, celui d'Henri II, à Fontainebleau, conservait des objets d'ethnographie ; Rodolphe II, au château de Hradschin de Prague, rassemblait, au milieu des tableaux d'Arcimboldo, des anamorphoses peintes et toutes sortes de phénomènes naturels, comme des fœtus monstrueux. La plupart des grands palais contenaient alors un cabinet d'armures, ou " Rustkammer ", un cabinet d'objets précieux, ou " Schatzkammer " (celui de la Résidence de Munich en garde le souvenir), et un cabinet de merveilles, ou " Wunderkammer ". Le développement du commerce d'œuvres d'art, la découverte des antiquités ainsi que le goût des collections de portraits amenèrent une transformation de la conception du cabinet. François Ier, qui fonda le premier " Cabinet royal des tableaux ", noyau des Collections de la Couronne, avait rassemblé ceux-ci dans 5 chambres voûtées, richement ornées de stucs, qui constituaient l'appartement des bains à Fontainebleau. À la même époque se répandit la mode des " cabinets des portraits ", tels que ceux qui furent aménagés par Catherine de Médicis en son hôtel de Soissons, dans de petites pièces aux murs entièrement recouverts de ces effigies, souvent encastrées dans des boiseries.

Aux xviie et xviiie s., le goût de la collection se répand dans toutes les classes cultivées de la société ; tout honnête homme se doit d'être un " connaisseur " ou un " curieux " et de posséder son " cabinet d'amateur ". Une pièce de l'appartement est généralement destinée à recevoir tableaux, copies d'antiques et ces divers objets de science physique ou de science naturelle déjà signalés dans les collections du xvie s., le tout pêle-mêle et s'entassant dans un désordre suggestif. Par extension, l'expression désigna aussi des collections plus importantes et plus spécialisées : on parlait du cabinet de M. Crozat ou de M. Mariette, mais le véritable cabinet d'amateur est ce fourre-tout pittoresque dont on trouve tant d'exemples en France et plus encore dans les Pays-Bas, où l'exiguïté relative des maisons ne permettait pas l'installation de grandes galeries comme en Italie. La représentation des cabinets d'amateur devint un des thèmes favoris de la peinture de genre en Flandre, surtout à Anvers. David Téniers, les Francken, Bruegel de Velours, W. Van Haecht, Gillis Van Tilborch et bien d'autres pendant tout le xviie s. ont exploité ce sujet (le Louvre possède un bon exemple de ces œuvres avec le Cabinet d'amateur de Cornelis de Baellieur). Presque tous ces cabinets d'amateur représentent les collectionneurs eux-mêmes, montrant leurs collections. Ces cabinets sont des salles dont les murs sont entièrement recouverts de tableaux, accrochés cadre à cadre, avec parfois quelques moulages d'antiques ; des vitrines et des tables portent des médailles, des livres, des pierres précieuses, tous les objets qui avaient fasciné le xvie s. et que l'amour de la peinture met alors au second plan. Les cabinets ne suffisent plus à abriter les collections importantes rassemblées par les amateurs. Ce sont de véritables galeries, et le sens du mot évolue, si bien qu'il ne désigne plus, la plupart du temps, que la collection proprement dite. Les peintres eux-mêmes collectionnaient les tableaux ou les copies d'œuvres célèbres ; ainsi leurs ateliers, dans lesquels ils se sont souvent représentés, sont de véritables " cabinets ". Les représentations de cabinets d'amateur sont une source importante de renseignements relatifs au goût et à la présentation des œuvres au xviie et au xviiie s.

Au xixe s., la notion de cabinet recoupe quelque peu celle du xvie s. Les amateurs réunissent des collections d'estampes, de médailles, qu'ils rassemblent dans un " cabinet ". Les collections publiques elles-mêmes sont souvent organisées par " cabinet " (cabinets des Manuscrits, des Estampes de la B. N., cabinet des Dessins du Louvre).