Salomon Van Ruysdael

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre néerlandais (Naardem apr. 1600  – Haarlem 1670).

Frère d'Isaack Van Ruisdael et, par là, oncle du grand Jacob Van Ruisdael, Salomon (dont le nom s'écrit avec un y, à la différence de celui de son oncle et de son neveu) se spécialisa lui aussi dans le paysage et se forma chez un maître inconnu, sans doute à Haarlem ; en tout cas, dès 1623, selon Vincent-Laurensz I Van de Vinne (dont Houbraken a souvent utilisé les renseignements), il aurait été inscrit à la gilde de cette ville, dont il est commissaire en 1647 et en 1669 et doyen en 1648. À Haarlem, il paraît avoir joui d'une position aisée, comme le prouvent le chiffre de ses impôts et les frais élevés d'enterrement de son épouse en 1660. On sait enfin qu'il professait sur le plan religieux des opinions mennonites. Ses plus anciennes œuvres connues — datées de 1627 — montrent l'influence conjointe d'Esaias Van de Velde et de Molyn, deux paysagistes initiateurs, avec Van Goyen, de la tendance naturaliste monochrome et l'un et l'autre liés à Haarlem (Velde y séjourna jusqu'en 1618, Molyn y fit toute sa carrière). Mais les affinités avec Van Goyen ne sont pas moins évidentes, au point que Wurzbach, sans preuves, a fait de Salomon un élève de Van Goyen et que les œuvres des deux peintres, au moins dans leurs débuts, sont souvent confondues.

Comme Van Goyen, ses motifs privilégiés sont des bords de fleuve aux eaux calmes où se reflètent des arbres et des maisons (surtout dans les années 30), ou des vues de dunes ou de routes animées par de fines silhouettes d'arbres (fréquentes à partir de 1640). Le modelé des feuillages est rendu, à l'instar de Van Goyen, par un pignochage de touches punctiformes, et Salomon recourt au même usage de couleurs liquides et de tons gris-vert ou bruns, mais sa technique est généralement plus mécanique et plus monotone que celle de Van Goyen. Curieusement, leur évolution est inversement symétrique : Van Goyen vise à l'effet général, tend à une monochromie de plus en plus poussée, mais tenue dans une lumière assez chaude à base de bruns et d'ors ; davantage sensible aux détails, au graphisme sinueux des troncs d'arbres, à l'animation pittoresque des bestiaux et des personnages, qu'il dessine d'une façon beaucoup moins sommaire que Van Goyen (sous l'influence d'Esaias Van de Velde ?), Salomon Van Ruysdael joue aussi d'une polychromie plus riche, mais froide, surtout après 1640. Ses ciels deviennent alors plus animés et plus colorés, notamment dans les tons bleu clair, et les arbres, plus élevés, se détachent avec davantage de nervosité. Ses œuvres tardives, tel le beau paysage fantaisiste des Ruines de l'abbaye d'Egmond (1664, musée de La Fère), revêtent même certain caractère décoratif et dramatique qui invite à les comparer avec celles des italianisants comme Berchem, Both ou Moucheron. Une nette et significative tendance à l'agrandissement des formats et à la monumentalité de la mise en page s'observe ainsi chez lui à partir de 1650. Des mêmes années tardives datent quelques rares essais de natures mortes : l'un des exemples les plus remarquables, assez récemment découvert, est le fascinant Dindon du Louvre, daté de 1661, d'un sentiment parfaitement " rococo " et très proche des réalisations contemporaines d'un Van Aelst, d'un Lelienbergh ou d'un Jan Baptist Weenix (une autre nature morte de Salomon est visible au musée Bredius de La Haye). Les œuvres de Ruysdael, très souvent signées et datées, figurent dans tous les musées importants : en France seulement, en dehors du Louvre, qui en possède une belle série de six, citons ceux d'Amiens, de Bordeaux (1635), de Caen (1661), de Dieppe, de Grenoble (1633, bel exemple dans cette coloration vert acide qui est si typique de l'artiste), de La Fère (1664, 1670), de Lille, de Metz (1633), de Strasbourg (1642) et des Arts décoratifs à Paris (1648).