Roger Bissière
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre français (Villeréal, Lot-et-Garonne, 1886 – Boissiérettes, Lot, 1964).
Après des études aux Beaux-Arts de Bordeaux, il vint à Paris en 1910, où il fut par nécessité journaliste tout en continuant à peindre. Dès 1919, il exposa au Salon d'automne et aux Indépendants.
Très attaché à la tradition française, comme le prouvent les études sur Seurat, Ingres, Corot et Braque, qu'il publia en 1920-21 dans l'Esprit nouveau, la revue d'Ozenfant et de Jeanneret, il tint compte néanmoins, avec circonspection, de la révision des valeurs par le Cubisme (Femmes dans la forêt, 1920, Paris, coll. part.). Après une première exposition avec Favory et Lhote à la gal. Berthe Weill (1920), il entre bientôt à la gal. Paul Rosenberg, qu'il quitta en 1923 pour se lier avec la gal. Druet jusqu'en 1928.
Devenu professeur à l'Académie Ranson (1925-1938), il exerça une très forte influence sur un grand nombre de jeunes artistes par l'exemple de son esprit de recherche et de sa rigueur. Son amitié avec Braque lui fait adopter des solutions parallèles dans des natures mortes et des études de femme étendue dessinées et peintes (1934), d'une expression assez aiguë. Un même souci marque les Crucifixions de 1937, 1938, avec le souvenir des grandes interprétations du thème, des crucifix romans à l'art de Grünewald. En 1938, il décida de retourner dans son pays natal et s'installa avec sa femme et son fils Marc-Antoine (dit Louttre) dans la maison de famille de Boissiérettes, qu'il ne quitta plus jusqu'à sa mort, sinon pour de courts séjours à Paris.
Pendant la guerre, menacé de perdre la vue, il cessa complètement de peindre. Quand il se remit au travail en 1945, il composa, avec l'aide de sa femme, des tentures murales faites avec des fragments cousus de vieux chiffons multicolores. Il peint aussi les premiers tableaux de son œuvre nouvelle. Dès sa première exposition d'après-guerre, en décembre 1947, à la gal. Drouin, qui montrait l'ensemble des tapisseries et une trentaine de peintures, la personnalité de Bissière s'imposa par le dépassement des notions concernant la figuration et l'abstraction qu'il avait réalisé spontanément.
Depuis, à chacune des expositions qui se succèdent à la gal. Jeanne Bucher de 1951 à 1964, son œuvre exprime sa ferveur avec plus de simplicité et de pureté. Après quelques compositions structurées, comme des vitraux romans, il exécute à la peinture à l'œuf sur des supports divers, parfois recouverts d'un papier encollé, la série des Images sans titre (1950-51), petits panneaux animés par de simples taches de couleurs et ponctués de quelques petits signes emblématiques. L'harmonie austère de ces œuvres lui est inspirée par la sobriété chromatique des tapas océaniens. Bientôt, Bissière réintroduit dans son œuvre le sens de la nature et, désormais, ce sont les subtiles variations de la lumière qu'il réinvente dans sa peinture au rythme des saisons, au cours des jours et des heures (Composition aux tonalités vertes, 1955, Paris, M. N. A. M.). Il est bien représenté au M. N. A. M. de Paris : Paysage (1925), Figure debout (1937), le Soleil (tenture, 1946), Pastorale (1946), Vénus noire (1945). Le centenaire de sa naissance fut célébré par une importante exposition présentée successivement au M. A. M. de la Ville de Paris et aux musées des Beaux-Arts de Dijon et de Calais.