Robert Rauschenberg

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre américain (Port Arthur, Texas, 1925 – Captiva Island, Floride, 2008)).

Il étudia (1946-47) au Kansas City Art Institute (Missouri) et, avec Josef Albers, au Black Mountain College, en Caroline du Nord (1948-49), où il connut le compositeur John Cage. Sa première exposition particulière se tint à la gal. Betty Parsons de New York en 1951 ; il passa ensuite deux ans à voyager en Italie et en Afrique du Nord. Dès son retour à New York, les collages l'occupèrent de plus en plus ; Rauschenberg comprit en effet que de cette technique naissaient des associations significatives et une iconographie simultanée d'une étonnante richesse. Dans ses œuvres de 1953 à 1955, il utilisa les matériaux les plus divers, tels que corde, oiseaux empaillés, papier mural. Ces travaux, mélanges d'images peintes, aboutissaient à des objets qu'on appela " combine paintings ", et le titre de l'un d'entre eux, Rebus (1955), suggérait bien la manière métaphorique selon laquelle on devait les lire. Issu de l'Expressionnisme abstrait américain, le style pictural de Rauschenberg, par l'introduction délibérée d'éléments hétérogènes, attaquait en profondeur le concept traditionnel de " peinture abstraite " (Peinture rouge, 1953, New York, Guggenheim Museum). À maints égards, sa conception révolutionnaire, comparable aux théories musicales de John Cage et qui anticipe sur l'une des principales doctrines de Marshall McLuhan, rappela la " simultanéité " telle qu'elle fut formulée à Paris au début du xxe s. par Delaunay, Apollinaire, Barzun, les futuristes italiens.

Les " combine paintings " se transformèrent sensiblement après 1960. L'artiste utilisa alors beaucoup l'impression sérigraphique pour fixer sur la toile des images issues de l'actualité américaine, comme le président Kennedy (Retroactive I, 1964, Hartford, Wadsworth Atheneum) ou le parachutiste, qui revient souvent au moment où la guerre du Viêt-nam se durcit (Creek, 1964), ainsi que des reproductions de tableaux célèbres : la Vénus au miroir de Velázquez (Bicycle, 1963), la Toilette de Vénus de Rubens (Tracer, 1964). Les énergiques rehauts de peinture sur ces images et le processus plus ou moins affirmé de leur apparition sur la toile donnent une impression de tohu-bohu à la fois ordonné et hagard, à l'égal de la vie. " La peinture est en relation à la fois avec l'art et avec la vie ", a dit Rauschenberg, qui ajoute : " J'essaie de situer mon travail dans la brèche qui existe entre les deux. " Il s'est orienté ensuite vers des recherches plus abstraites, notamment avec les Revolvers (1967), grandes plaques circulaires de Plexiglas recouvertes d'impressions et peintes, dont le mouvement accentue l'idée de la simultanéité des perceptions. À partir de 1973, ses constructions d'objets (Early Egyptian Series) sont proches de l'Art pauvre européen. Il travaillera ensuite sur le précaire et le fragile (impressions d'images sur de fines toiles transparentes puis toiles sans images tendues sur des mâts de bois : séries " Jammer ", 1976). Il est revenu depuis à des œuvres où différentes techniques sont combinées et qui constituent une sorte d'encyclopédie de ses thèmes iconographiques (séries des " Spreads " et des " Scales "), sans abandonner toutefois les assemblages d'objets dans l'espace (série " Kabal American Zephyr " commencée en 1981). Il a mis en œuvre depuis 1985 le programme d'expositions du Rauschenberg Overseas Cultural Interchange. Il s'agit d'une exposition de ses travaux des 20 dernières années qui circule depuis cette date dans 22 pays et où, à chaque étape, l'artiste traduit l'identité culturelle du pays dans une nouvelle œuvre réalisée sur place. Cette exposition évolutive termina son périple en 1989 à la N. G. de Washington.

Avec la série des Hoarfrosts (Givres, 1974-75) il explore les qualités de transparence des tissus, allant de la gaze au satin ou à la soie. Accrochés sans être tendus, ils portent les empreintes des photographies caractéristiques de son répertoire. Sans impression d'images, les Jammers de 1975 combinent en général la rigidité de perches appuyées au mur à divers effets de voilage. Les grands panneaux muraux de Rodeo Palace (1975-76) appartenant à la série Spread comprennent trois portes ouvrables séparées par des images transférées sur des séries qui se substituent au papier peint. Une exposition rétrospective organisée à Washington en 1976 a ensuite été présentée dans plusieurs villes des États-Unis.