Pierre Narcisse, baron Guérin
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre français (Paris 1774 – Rome 1833).
Fils d'un marchand quincaillier du Pont-au-Change, il fut admis dès onze ans à l'école de l'Académie royale de peinture et de sculpture ; élève de Taraval, de Brenet, puis de Regnault, il concourut en 1793 pour le grand prix avec le Corps de Brutus rapporté à Rome. La suppression de l'Académie et la gravité des événements suspendirent les concours jusqu'en 1797, année pendant laquelle Guérin remporta, avec la Mort de Caton d'Utique (Paris, E. N. B. A.), l'un des 3 grands prix de peinture attribués. Au Salon de 1799, le Retour de Marcus Sextus (Louvre) connut un succès tout à fait extraordinaire pour des motifs sentimentaux et politiques. Pour répondre à l'obligation des travaux à exécuter au titre de " pensionnaire de la République ", Guérin présenta Orphée au tombeau d'Eurydice (musée d'Orléans). Des manifestations enthousiastes accueillirent, en 1802, Phèdre et Hippolyte (Louvre).
Avant de partir pour l'École française des beaux-arts à Rome, en décembre 1803, le peintre livra l'Offrande à Esculape ou la Piété filiale (musée d'Arras), prix d'encouragement obtenu en 1800 ; le public appréciera le tableau au Salon de 1804. Guérin séjourna jusqu'en novembre 1805 en Italie : pendant ce temps, deux voyages à Naples lui apportèrent l'éblouissement d'une Antiquité imprégnée de poésie virgilienne. Au Salon de 1808 furent exposés Bonaparte pardonnant aux révoltés du Caire (Versailles) et les Bergers au tombeau d'Amyntas (Louvre) ; l'opinion du public se révéla nuancée ; il en fut de même en 1810 pour Pyrrhus et Andromaque (id.) et pour l'Aurore et Céphale (id.) ; Guérin, qui avait exécuté ce dernier tableau pour le comte de Sommariva, en effectua, pour le prince Youssoupoff, une variante (Moscou, musée des Beaux-Arts-Pouchkine), à laquelle le tableau Iris et Morphée (Ermitage) servit de pendant.
Les circonstances ne lui permirent pas d'achever la Mort du maréchal Lannes (musée de Valenciennes). Le gouvernement de la Restauration confia à Guérin des travaux qui restèrent à l'état de projets ou d'ébauches (Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, autref. au musée d'Angers) ; celui-ci mena cependant à terme des portraits de généraux vendéens, qui décorèrent la salle des gardes au château de Saint-Cloud : Henri de La Rochejaquelein (musée de Cholet), présenté en 1817, et Louis de La Rochejaquelein (id.), en 1819 ; il peignit aussi le Prince de Talmond (château de Serrant). Énée et Didon (Louvre) attira, avec Clytemnestre (id.), l'attention générale au Salon de 1817. Un peu plus tard, Guérin réalisa, comme modèle de bannière pour les Gobelins, Sainte Geneviève bergère (chapelle du château de Compiègne), puis il termina en 1822, pour la sacristie de la basilique de Saint-Denis, une commande passée en 1811, Philippe le Hardi apporte à Saint-Denis le corps de son père, Saint Louis. Il avait ouvert un atelier, que fréquentèrent Géricault, Delacroix, Alaux, Cogniet, Scheffer, Périn, Orsel. Membre de l'Institut en 1815, il devint professeur à l'École royale des beaux-arts en 1816. Chargé d'établir, en commission, un rapport sur la lithographie, il produisit quatre essais, dont le Paresseux et le Vigilant. Nommé en 1816 à la direction de l'Académie de France à Rome, il y renonça, puis en accepta la charge en 1822 ; durant les six années de sa fonction, il ne put guère peindre. En 1829, il fut fait baron par Charles X et reprit à Paris son activité de professeur aux côtés de Gérard, Gros et Ingres, tout en ébauchant sa grande toile de la Mort de Priam ou la Dernière Nuit de Troie (musée d'Angers), dont il avait médité la composition à Rome. En février 1833, après une grave maladie, il partit pour la Villa Médicis, où il mourut le 16 juillet. Son tombeau est à Saint-Louis-des-Français.
Pierre Guérin fit une brillante carrière de peintre d'histoire ; il connut la faveur des gouvernements sans en rechercher les commandes ; il préférait les thèmes librement choisis et longuement élaborés. Son art, formé dans un atelier qui perpétuait des traditions de métier solide, refléta d'abord les préoccupations " romaines " de la période révolutionnaire ; le Retour de Marcus Sextus termina cette phase par un appel à la réconciliation. Désormais, le peintre se consacra surtout à l'expression des passions sur des sujets empruntés à la tradition classique. Admirateur de l'Antiquité, de Raphaël et de Poussin, il fut proche de l'esthéticien Quatremère de Quincy. Son style présente des formes épurées, sur un schéma géométrique de composition, une unité faite de la convergence des composantes en vue de signifier une idée, et des effets scéniques peut-être empruntés au théâtre. La discipline que s'imposait Guérin cachait une ardeur extrême, que décela Baudelaire : la Dernière Nuit de Troie clôt dans un fantastique final l'œuvre de ce dramaturge, qui occupe une place tout à fait originale dans la peinture française du début du xixe s. Les tableaux et dessins de Guérin sont notamment conservés à Paris (Louvre et E. N. S. B. A.), Angers, Arras, Bayeux, Bayonne, Bordeaux, Boulogne-sur-Mer, Caen, Cholet, Compiègne, Coutances, Dijon, Lille, Orléans, Rouen, Thiers (hôpital), Valenciennes, Versailles, La Orotava (hôtel de ville, île de Tenerife, Canaries), Saint-Pétersbourg, Moscou, Cambridge (Mass.), Hartford et Louisville (États-Unis).