Bernardo Martorell

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre espagnol (documenté à Barcelone de 1427 à 1452).

Il est connu, de 1427 à 1452, par des documents prouvant qu'il fut alors le plus recherché des peintres de Barcelone, succédant dans ce rôle à Borrassá. Un seul de ces documents, daté de 1437, se réfère à une peinture conservée, le Retable de saint Pierre du château de Púbol (musée de Gérone). Mais des comparaisons stylistiques permettent maintenant de lui attribuer avec assurance un groupe d'œuvres longtemps rassemblées sous le nom du Maître de Saint Georges.

À l'exception du Retable de saint Georges (Chicago, Art Inst. ; Louvre), qui valut à Martorell son nom provisoire, les meilleures de ses peintures, des retables à nombreux compartiments illustrant la vie du Christ ou des saints, sont encore conservées en Catalogne. Elles témoignent d'un tempérament très personnel, le plus original peut-être de l'Espagne du temps. Martorell dut sans doute sa formation à Borrassá, mais il enrichit cet enseignement de leçons apprises à des sources plus " modernes " : miniaturistes de Paris (et singulièrement le Maître de Boucicaut et les Limbourg), sculpteurs bourguignons et peintres de la jeune école flamande, peintres toscans et lombards. Il renouvelle ainsi complètement l'héritage catalan. Sans rien sacrifier du goût gothique de l'arabesque, de la fantaisie ornementale et poétique, il cherche à l'équilibrer par un désir nouveau d'expression des volumes d'unité lumineuse et en même temps d'efficacité dramatique, voire d'observation psychologique, ouvrant la voie à Jaime Huguet.

Les œuvres que l'analyse stylistique a attribuées à Martorell sont assez nombreuses et jalonnent les différentes périodes de sa carrière. À la première appartient le Retable de saint Jean-Baptiste provenant de Cabrera de Mataró (Barcelone, musée diocésain), la Vierge entourée des Vertus théologales (Philadelphie, Museum of Art) et le Retable de saint Georges (av. 1435), dont l'Art Inst. de Chicago possède le centre (Saint Georges combattant le dragon) et le Louvre 4 panneaux latéraux. Du Retable de sainte Eulalie et de saint Jean-Baptiste (musée de Vich) subsistent 5 épisodes aux décors agrestes, la sainte, demi-nue, étant attachée à une croix de Saint-André entourée de bourreaux ; le Retable de saint Vincent (Barcelone, M. A. C.) provenant de Menarguens, non loin de Tarragone, porte l'écu du monastère de Poblet ; d'une composition très proche, le Retable de sainte Lucie (Paris, coll. part. ; Barcelone, coll. part.). Un triptyque dont le centre est consacré à la Descente de croix (Lisbonne, M. A. A.) révèle chez Martorell la recherche de la perspective, qu'il résout souvent par l'étagement des figures. Le grand Retable de saint Pierre du château de Púbol, unique peinture documentée, a été entrepris d'après un contrat de 1437. Au centre siège l'apôtre en habits pontificaux et portant la tiare. C'est un personnage dans la tradition des grands retables catalans, et agenouillées à ses pieds se tiennent les figures fort remarquables des donateurs : Bernardo de Corbera, à gauche, sa femme, Margarita de Campllonch, et leur fils, à droite, qui semblent empruntés directement à la réalité. Au revers de ce retable, deux croquis au fusain, une tête de femme, une figure de vieillard, donnent la mesure de l'art spontané de Martorell.

Le grand Retable de la Transfiguration (1449-1452, cathédrale de Barcelone) reste sans doute le chef-d'œuvre de la maturité du peintre ; il est dû aux largesses de l'évêque Simó Salvador († 1445), dont le blason décore la partie supérieure du cadre.

Font encore partie de l'œuvre de Bernardo Martorell deux panneaux, la Sainte Face et la Vierge (Palma de Majorque, Société archéologique lullienne), un retable provenant de Vnaixa, consacré aux deux saints Jean, un Retable de saint Michel provenant de Ciérvoles (cathédrale de Tarragone) et enfin un Retable de sainte Madeleine provenant de l'église de Parrella (musée de Vich). Il serait juste enfin, de tenir compte également des nombreuses miniatures issues de l'atelier du maître, à qui, avec vraisemblance, on attribue les enluminures (Annonciation, Calvaire, David jouant de la cithare) d'un livre d'heures conservé à Barcelone (av. 1444, Instituto municipal de historia).