Juan Carreño de Miranda

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre espagnol (Avilès 1614  – Madrid 1685).

D'une famille noble asturienne, il vint à Madrid à l'âge de onze ans et entra dans l'atelier de Pedro de las Cuevas, puis travailla avec Bartolomé Román, imitateur de Rubens, mais disciple de Velázquez. Ses premières œuvres le montrent entièrement inféodé au style et à la technique des Flamands et dénotent déjà un sens de la composition classique, rare chez les maîtres espagnols. Le Saint François prêchant aux poissons (1646, Villanueva y Geltrú, musée Balaguer) et surtout l'Annonciation (1653, Madrid, hôpital de la Orden Tercera) décèlent des emprunts évidents à Rubens. L'ampleur des formes, l'aisance du dessin, l'éclat des couleurs, la lumière dorée ne doivent rien aux compatriotes de Carreño. Il semble bien que sa production ait augmenté considérablement entre 1650 et 1660, période où apparaissent de nombreuses toiles religieuses signées et datées. Carreño, qui assumait une charge officielle à la cour du roi Philippe IV, rendait souvent visite à Velázquez ; ce dernier, probablement entre 1655 et 1659, selon Palomino, lui proposait de l'aider pour la décoration du salon des Miroirs à l'Alcazar de Madrid. Carreño, qui possédait la technique de la fresque, entreprit deux compositions (disparues dans l'incendie de l'Alcazar en 1734). La coupole de S. Antonio de los Portugueses, exécutée sur un projet de Colonna et fortement retouchée par Giordano, ne permet pas d'évaluer avec précision la science de l'artiste dans ce domaine, de même qu'une coupole de la cathédrale de Tolède, entièrement repeinte au xviiie s. par Maella. En 1657, le maître asturien représentait le Songe du pape Honorius dans l'église du collège Saint-Thomas de Madrid ; cette composition, auj. disparue, avait suscité l'admiration du décorateur italien Michele Colonna, qui déclarait que Carreño était le meilleur peintre de la cour d'Espagne. Sa collaboration étroite et permanente avec Velázquez peut être considérée comme le tournant capital de son évolution ; c'est à ce moment-là que le peintre, sans renoncer à l'esthétique flamande, lui insuffle les sentiments de gravité et de passion qui lui donnent alors un cachet authentiquement espagnol. Seul véritable disciple de Velázquez, Carreño résolut, grâce à lui, les problèmes de lumière, d'atmosphère et d'espace d'une manière tout à fait novatrice. Cette transformation, déjà sensible dans le Saint Dominique (1661, musée de Budapest), devient évidente avec le chef-d'œuvre de Carreño, la Messe de fondation de l'ordre des Trinitaires (1666, Louvre), toile exécutée pour les moines trinitaires de Pampelune. Dans un espace clair et lumineux, défini suivant les conceptions de Velázquez, les personnages sont harmonieusement groupés ; le recueillement, l'expression extatique des visages surprennent par leur intensité ; les couleurs vives et riches — bleu, rouge, ors bruns —, appliquées avec vigueur, font penser au romantisme polychrome de Delacroix. Carreño réalise dans d'autres toiles de la même période un heureux compromis entre l'exemple de Velázquez, le souvenir de Titien et le style septentrional, auquel il demeure attaché : Sainte Anne (1669, Prado), l'Immaculée Conception (1670, New York, Hispanic Society), l'Assomption (musée de Poznań). En 1669, il fut nommé peintre du roi, et en 1671 " pintor de Cámara " ; il s'affirma dès lors comme portraitiste. Outre de nombreux portraits de Charles II enfant (Berlin ; Vienne, coll. Harrach ; Prado), où l'image qu'il a laissée du petit prince débile est saisissante, Carreño de Miranda a représenté à plusieurs reprises la Reine Marianne en costume de veuve (Prado ; Vienne, K. M.). Il a laissé également de prestigieuses effigies de hauts personnages de cour, tels que le Marquis de Santa Cruz (Madrid, coll. part.), le Duc de Pastrana et l'Ambassadeur russe Potemkine (Prado).