Johann Liss

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre allemand (Oldenburg v. 1597  – Venise 1630).

Après un séjour aux Pays-Bas de 1615 à 1619, il arriva à Venise vers 1621 et s'y fixa définitivement en 1625 après être resté longuement à Rome. Formé à l'école de Goltzius, peintre de Haarlem, à celle de Pieter Bruegel, puis à celle de Buytewech ainsi qu'au Caravagisme flamand d'un Jordaens, il introduisit dans la ville italienne, qui traversait alors une période de stagnation, une nouvelle conception d'origine septentrionale. Comme Fetti, il s'attacha essentiellement aux personnages au détriment du décor. Il reprit plusieurs fois le thème de ses tableaux, et peu de ses œuvres sont documentées. Il est toutefois possible d'en établir une chronologie. On constate que, chez lui, le luminisme caravagesque se transforme sous l'influence des maîtres vénitiens du xvie s. en un coloris où les formes se dissolvent. Ses tableaux de genre vénitiens (la Rixe, musée d'Innsbruck ; la Noce, musée de Budapest ; le Fils prodigue, Vienne, Akademie, le Jeu de la mourre musée de Kassel ; et plusieurs autres compositions datant pour la plupart des premières années de son séjour à Venise) mettent en scène des groupes de personnages de caractère flamand évoluant dans des jardins vénitiens à la manière de Fetti et baignés d'une lumière empruntée à Titien. Le Banquet de soldats (Kassel et Nuremberg), peint à Rome, démontre l'influence des cercles caravagesques et surtout de Valentin de Boulogne pour la couleur chaude et la technique picturale. Judith (Londres, N. G.), l'une des œuvres majeures de la période romaine, procède de la fusion d'éléments romains (composition dérivée de Caravage) et flamands (un tableau de Rubens aujourd'hui perdu), de même la Toilette de Vénus (Pommersfelden), où l'influence de Goltzius et de Jordaens est éclipsée par la conception iconographique classique empruntée à A. Carrache. La Vision de saint Paul (musées de Berlin) et l'Inspiration de saint Jérôme (Venise, Saint-Nicolas-de-Tolentino), peintes après son installation définitive à Venise, révèlent, par leur lumière chromatique, l'influence de peintres de la suite de Corrège, surtout Federico Barocci et Ludovico Cigoli. Dans ces dernières œuvres, Liss associe avec une extrême virtuosité la vision céleste, l'extase à la plénitude sensuelle de la vie. L'élément irrationnel, le transcendant, est exprimé par l'espace lumineux, mais les saints sont représentés chargés d'une présence toute matérielle. Le caractère profane des corps est traduit par le dynamisme et la composition en diagonale, que baigne une lumière irisée. Moyen d'expression caractéristique de l'art baroque pour suggérer le mouvement, la diagonale régit toute la composition, de la zone sombre, réservée à la peinture du monde terrestre, à l'étincelante couronne, symbole de la gloire céleste. Ce langage pictural, à la touche légère et dont l'extraordinaire rythme se résout dans la lumière, semble appartenir déjà au xviiie s. Au cours des deux premières décennies du xviie s., Liss renouvela la peinture vénitienne, ouvrant ainsi, aux côtés de Fetti et de Strozzi, la voie à Tiepolo et à Piazzetta. Seules quelques années créatrices lui permirent de réaliser cette synthèse entre la force d'expression nordique, les formes grandioses inspirées par Caravage, le classicisme de Carrache et l'harmonie du coloris vénitien, synthèse qui trouve son expression la plus parfaite dans ces lumineuses visions. Une importante exposition lui a été consacrée à Augsbourg et Cleveland en 1975.