Gustave Doré
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre français (Strasbourg 1832 –Paris 1883).
Dès l'enfance, il manifesta des dons de dessinateur et, très tôt, il collabora au Journal pour rire de Philipon. Il fut révélé en 1854 avec l'illustration d'un Rabelais, et l'édition fameuse des Contes drolatiques de Balzac (1855) confirma son autorité. Sa production fut immense. Il donna d'innombrables dessins comiques, illustra une foule d'auteurs anciens et modernes, traita en peinture des sujets religieux et historiques, des scènes de genre, des paysages. Son art, inégal, fut curieusement anachronique et apatride. Indifférent aux nouveautés, Doré prolongea le Romantisme au-delà de l'Impressionnisme, survivance qui, chez lui, doit plus à un penchant esthétique qu'au souci philosophique animant ses imitateurs. En outre, il ne pénétra guère dans les voies tracées par ses compatriotes, mais il ressuscita les premiers romantiques anglais et allemands. Si, illustrateur, il évoqua Dürer (Don Quichotte, 1863), Rembrandt (Sabat des sorcières, étude pour Macbeth, 1863, musée de Strasbourg), il en appela plus souvent aux Anglais. Il fit revivre pour l'Enfer de Dante (1861) le tragique Blake. Dans le Château enchanté (étude pour les Contes de Perrault, 1863, musée de Strasbourg), il transcrivit le médiévisme de Bonington. Les Icebergs (étude pour le Chant du vieux marin, 1875, id.) naquirent des marines hallucinées de Turner, alors que l'Entrée dans l'empire de la Lune (Roland furieux, 1879) démarqua Russel. L'exemple britannique fut aussi déterminant pour son œuvre peint. Ses paysages, qui en constituent la part la plus attachante, témoignent d'une conception très éloignée de celle des écoles de Barbizon et d'Honfleur. Peu soucieux de métaphysique, ne cherchant pas à faire vibrer une atmosphère, Doré transmua une nature vraie en monde imaginaire, lui conférant un aspect lunaire par une lumière décolorée, des tons acides (Paysages aux musées de Carpentras, de Grenoble, de Strasbourg). Il redit ainsi ce qu'un demi-siècle auparavant exprimèrent des Anglais, tels Cozens, Martin, Ward ou Palmer, à qui il emprunta une touche en forme de gouttelettes. De même, il rencontra les Allemands : la Cathédrale dans la montagne de Friedrich (v. 1812, Düsseldorf, K. M.) fut une préfiguration d'un Doré surpassé. Il se voulut artiste universel : il sculpta même. De cette ambition découla son éclectisme et son éparpillement. Peintre incompris du public français, Doré fut adulé par les Anglais, qui édifièrent la " Doré Gallery ", et nombre de ses œuvres demeurent cachées dans les coll. part. d'outre-Manche et d'Amérique. Le Petit Palais à Paris, les musées de Nantes et de Bourg-en-Bresse présentent quelques-uns des immenses tableaux à sujets religieux ou littéraires de Doré, dont le musée de Strasbourg possède un important ensemble de peintures et surtout de dessins et d'aquarelles.