Gregorio De Ferrari
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Porto Maurizio 1644 – Gênes 1726).
Arrivé à Gênes v. 1665, il entra dans l'atelier de Domenico Fiasella, mais subit en réalité l'influence des œuvres de Valerio Castello. À la mort de Fiasella, en 1669, il se rendit à Parme, où il resta jusqu'en 1673, étudiant et copiant Corrège (Copie de la coupole du dôme de Parme, Gênes, Accad. Ligustica) et montrant déjà son goût pour les couleurs claires, les formes légères et les draperies tourbillonnantes, qui annoncent nettement l'esprit du xviiie s. Il est probable qu'il se trouvait à Parme en même temps que Baciccio, qui dut lui faire connaître les nouveautés romaines et lui inspirer cet usage des touches lumineuses que l'on n'expliquerait pas sans son intermédiaire. Gregorio De Ferrari, lorsqu'il cède ainsi aux suggestions de Baciccio et n'est pas insensible à l'art du Marseillais Pierre Puget (présent à Gênes en 1666-67), subit d'ailleurs une orientation analogue à celle des sculpteurs de la génération 1660-1670 (les Schiaffino, les Parodi).
De retour à Gênes en 1673, il travailla auprès de son ami Domenico Piola, dont il épousa la fille (1674) et dont il marquera profondément l'art ; en 1674, il peignit ainsi à S. Siro la fresque de la Gloire de S. Andrea Avellino, beaucoup plus lumineuse et proche de Corrège que la composition voisine due à Piola, encore très inspirée de la manière de G. B. Carlone. Il produisit aussi à cette époque des tableaux d'autel où sa dette à l'égard de Parme est évidente et où il définit son style prérococo, caractérisé par des tons pastel et une atmosphère tendre : le Repos pendant la fuite en Égypte (1676, commandé par les théatins de Sampierdarena, auj. à Gênes, S. Siro) ; Tobie donnant la sépulture aux cadavres (Gênes, Oratorio della Morte ed Orazione) ; Extase de saint François (Gênes, S. Siro).
Bientôt, il applique ce style à la grande décoration à fresque des palais génois : au palais Cambiaso Centurione, à Fossatello (1684), il représente les allégories des Arts libéraux et de la Gloire militaire, alliant étroitement stucs et fresques, utilisant les guirlandes de fleurs à l'imitation de B. Guidobono ; au palais Balbi, à Zerbino (devenu ensuite palais Groppalo), il peint le Temps, les Saisons et la Salle des Ruines, où il se libère de la tutelle stylistique de Carlone et de Piola. De la même époque datent les fresques du palais Balbi Senarega (plafonds avec les Scènes de la vie d'Hercule, Céphale et l'Aurore, Triomphes), où avaient travaillé V. Castello, Fiasella et Piola, rencontre qui permet de suivre la transformation du goût survenue depuis 1650 : il revient à Gregorio d'avoir assimilé la poésie raffinée du maniérisme émilien et d'en avoir donné une version qui annonce le xviiie s. Chez lui, point de recherches scénographiques, mais une luminosité chromatique riche en jaunes et en bleus dignes de Gaulli. Les décorations qui annoncent le mieux le style fleuri du xviiie s. français sont celles qu'il exécuta au Palazzo Rosso après 1690 (le Printemps, l'Été ) et surtout au palais Granello (Amour et Psyché et Neptune et Amphitrite). On sait qu'il travailla à Turin (Triomphe d'un guerrier, Palais royal), sur la Riviera et qu'il se rendit à Marseille. Il est possible qu'il ait peint pour le maréchal de Noailles, la toile (Junon et Argus) aujourd'hui au Louvre.
Au cours de ces dernières années, il donna une traduction rococo des sculptures tardives de Bernin dans des tableaux tels que la Mort de sainte Scolastique (Gênes, S. Stefano) et tenta des recherches nouvelles (Allégorie musicale, Madrid, musée Lazaro Galdiano). Dans la dernière décoration qu'il exécuta, avec l'aide de son fils Lorenzo et de Francesco Costa, à l'église S. Camillo (S. Croce) de Portoria, il fut le premier à introduire la conception unitaire de l'ornementation de la coupole et de la voûte du chœur.
Maître le plus original de la tendance décorative à Gênes, il instaura un style riche de la leçon de Puget, stimulé par l'exemple de Castiglione et réalisant une interprétation prérococo de Corrège. Il illustre un moment du renouveau de la culture génoise, où peinture et sculpture s'enrichissent mutuellement ; la vie artistique était alors concentrée à la Casa Piola, véritable académie à partir de 1650, dont la collection de peintures (auj. à Gênes, Palazzo Bianco) témoigne des rapports culturels qui s'y nouèrent. Gregorio n'eut pas grande influence sur son fils Lorenzo (Gênes 1680 - id. 1740) , totalement tourné vers Rome et s'inspirant de la manière de Conca et de Benefial. Mais certains peintres français du xviiie s. comprirent et assimilèrent son art, en particulier Fragonard, qui fut enthousiasmé, lors de son deuxième voyage en Italie (1773), par sa visite au Palazzo Balbi.
Les galeries des Palazzi Bianco et Rosso, à Gênes, conservent plusieurs toiles importantes de Gregorio De Ferrari, ainsi qu'un bel ensemble de dessins.