Giovan Battista di Jacopo, dit Rosso Fiorentino
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Florence 1495 – Paris 1540).
De Florence à Venise
Admirateur de Michel-Ange (dessins d'après la Bataille de Cascina), d'une nature indépendante et critique, Rosso se forma peut-être auprès d'Andrea del Sarto. Le 26 février 1516, il entrait dans la corporation des peintres florentins. Après quelques travaux d'ordre décoratif, il peignit près de Sarto et de Franciabigio, au cloître de l'Annunziata, l'Assomption de la Vierge, fresque déjà remarquable par sa couleur et sa lumière (1517). L'exemple de Bandinelli l'aida à perfectionner son dessin au style aigu (les Squelettes, 1517, Offices). De 1518 date la Madone avec quatre saints (Offices) ; commandée pour S. Maria Nuova, selon Vasari, l'œuvre effraya le chapitre. La Descente de croix du musée de Volterra (1521) marque une étape nouvelle vers l'expression lyrique colorée et la construction abstraite, qui caractérisent les œuvres suivantes (Madone avec les deux saints Jean, église paroissiale de Villamagna, près de Volterra, 1521). Pendant une seconde période florentine, Rosso, connu et apprécié, peignit le tableau d'autel de la famille Dei (la Madone avec dix saints, 1522, Florence, Pitti). Quoique d'inspiration plus classique, cette œuvre fut cependant incomprise, comme, peut-être, l'étrange Vierge aux anges de l'Ermitage. Cependant, le Mariage de la Vierge (1523, Florence, S. Lorenzo), merveilleux équilibre de lignes et de couleurs, fut unanimement loué. À cette époque ont été peints sans doute aussi des portraits (l'Homme au casque, Liverpool, Walker Art Gal. ; Jeune Homme, Naples, Capodimonte) et la plus abstraite de ses créations, Moïse défendant les filles de Jethro (Offices). Rosso séjourna à Rome en 1523-24 : pendant ce séjour capital, il put admirer les chefs-d'œuvre de Michel-Ange et de Raphaël, connaître les jeunes artistes novateurs, Perino del Vaga, Parmesan, avec qui il travailla dans un palais de la via Giulia. Ces différentes influences sont sensibles dans le Christ mort entre deux anges (Boston, M. F. A.). À la chapelle Cesi (S. Maria della Pace), il décora à fresque une lunette (la Création d'Ève et le Péché originel, dessins aux Offices et à Édimbourg, N. G.) et travailla pour les graveurs (les Dieux dans les niches, quelques dessins originaux conservés au musée de Besançon, à Lyon, musée historique des Tissus ; les Travaux d'Hercule, gravés par Caraglio) sous l'influence de Bandinelli, de l'école romaine (le Rapt des Sabines) et aussi de Dürer (la Fureur). On a attribué à cette période le très discuté Défi des Piérides (Louvre), mais son chef-d'œuvre reste le Christ mort de Boston (M. F. A.). Le sac de Rome obligea Rosso à fuir vers Pérouse, Borgo San Sepolcro (Déposition à l'orphelinat), Citta di Castello, Arezzo, où son ami l'humaniste Pollastra lui inspira les sujets des 4 cartons pour la voûte de S. Maria degli Lacrime. Rosso dessinait alors beaucoup. Il retourna à Borgo pour y terminer la Transfiguration commencée en 1528 (Città di Castello, Dôme). En 1530, l'artiste se rendit à Venise, où il fut l'hôte de l'Arétin, qui le recommanda à François Ier en lui envoyant un dessin, Mars et Vénus (Louvre), allusion probable à la " paix des Dames ".
Rosso à Fontainebleau
Rosso, cultivé et musicien, plut au roi de France, qui fit de lui son premier peintre, lui accordant, par lettres patentes, privilèges et libertés (1532), puis le nomma chanoine de la Sainte-Chapelle. Les décorations de Rosso à Fontainebleau ont presque toutes disparu : Pavillon de Pomone avec Primatice (1532-1535), détruit (connu par une gravure de Fantuzzi et un dessin [copie ?], Vertumne et Pomone, Louvre) ; salle haute du Pavillon des Poesles (1538-1540) ; Galerie basse (1541-1550). Seule subsiste la Galerie François-Ier (1534-1540), altérée au cours des siècles, mais qui offre encore au-dessus du lambris de Scibec de Carpi l'impressionnant décor de ses 12 fresques dédiées à François Ier (complétées par la Danaé de Primatice), dans un fantastique encadrement de stucs d'une extraordinaire variété de motifs où l'ornement joue un rôle privilégié, soulignant ou complétant le sujet de la fresque principale. Parmi tous ces motifs (masques, guirlandes, putti), l'un d'eux, le " cuir " (ainsi surnommé parce qu'il imite les enroulements d'une bande de cuir), connut un succès tout particulier, dû aux graveurs. Rosso exécuta pour le roi une copie de la Léda de Michel-Ange (carton au British Museum). À l'extrémité de la galerie François Ier se trouvait une composition (Bacchus, Vénus et Cupidon), connue aujourd'hui par un tableau conservé au musée du grand-duché du Luxembourg, et qu'admira Spranger.
Le seul tableau certain de cette période est la Pietà d'Écouen (Louvre), peinte pour le connétable Anne de Montmorency (date très discutée : v. 1530-1535). Selon certains auteurs, Rosso aurait également peint en France (v. 1540) la Sainte Famille de Los Angeles (County Museum of Art), souvent aussi attribuée à la période italienne (v. 1521-1524).
La gravure nous conserve le souvenir de quelques autres œuvres perdues (Judith), les costumes pour les mascarades, les modèles pour les orfèvres (Fantuzzi, Boyvin) : malheureusement, nous ne connaissons plus les projets de Rosso pour les arcs de l'entrée de Charles Quint ni ses miniatures pour le roi. On conserve de cette période de rares dessins : préparation pour des compositions perdues (Pandore, Paris, E. N. S. B. A.) ou même des sculptures (Projet de tabernacle, British Museum). Le 14 novembre 1540, Rosso s'éteignit, probablement de mort naturelle, contrairement au témoignage de Vasari. L'un des chefs de file du premier maniérisme florentin, il est aussi le fondateur de l'école de Fontainebleau, une personnalité puissante et originale qui se révéla en France un extraordinaire décorateur, introduisant à Fontainebleau un répertoire et un style nouveaux. Diffusée par la gravure, son œuvre exerça, une influence capitale à travers l'Europe.