Gaspare Traversi
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Naples v. 1722 – Rome 1770).
Il est sans doute l’un des peintres les plus subtils du xviiie s. napolitain. Par rapport à ses contemporains, il occupe une position d’une originalité absolue due à sa recherche audacieuse de valeurs narratives et psychologiques : tout en se référant à la tradition de l’école napolitaine et caravagesque du premier seicento, il étend en effet cette quête à une foule d’intérêts ignorés des artistes de l’époque.
Dans des œuvres de jeunesse comme les toiles (3 Scènes de la vie de la Vierge) de l’église S. Maria dell’Aiuto à Naples (1749), il reprend le style de Solimena pour exprimer les faits les plus significatifs de la vie quotidienne, et cela sans que la notation incisive de la réalité n’effleure jamais le vulgaire. Il maintient la même rigueur dans ses compositions religieuses : dans les Scènes bibliques de l’église S. Paolo fuori le Mura (1752), exécutées à Rome même, où il s’installa v. 1750, comme dans les trois toiles (Ecce homo, Couronnement d’épines, Pietà) de la collégiale de Castell’Arquato ou dans le Chemin de croix de l’église S. Rocco à Borgotaro, qui lui a été commandé en 1753.
Toute cette production a pour dénominateur commun l’influence du milieu artistique romain, fondamental pour la définition de la personnalité de Traversi. Au tempérament napolitain de cet artiste, sensible aux influences les plus variées, de Preti à Cavallino ou à Giordano, se superpose la rupture volontaire avec les schémas traditionnels, déterminés en grande partie par une admiration pour Benefial. À travers l’œuvre de ce peintre, inspirateur d’un néo-Carrachisme interprété en sens moderne, précurseur de peintres académiques de stricte observance tels que Subleyras et Mengs, mais riches d’intérêts humains et sociaux, se renforce chez lui ce talent d’observateur profond de la vie quotidienne qui caractérise sa peinture profane. R. Longhi a rapproché ses sujets des pièces de théâtre écrites à la même époque par le baron de Liveri. Dans les faits de chronique qu’il rapporte avec une fidélité absolue – de cette production abondante, retenons des toiles comme la Rixe (Naples, Capodimonte), la Vieille Ivrogne (Brera) ou les Concerts, Rixes, Leçons, Contrats, Parties de cartes ou autres scènes truculentes des musées de Rouen, Dijon (musée Magnin), Kansas City, Sarasota, San Francisco, de Rome (G. N., Gal. Corsini), du Wadsworth Atheneum de Hartford, de Naples (Capodimonte) ou encore les deux pendants du Louvre (1754) la Séance de pose et la Rixe – ou dans ses portraits (Portrait d’un moine augustin, musée de Strasbourg), Traversi ne s’abandonne pas aux facilités du « genre » : avec une rigueur souvent voilée d’ironie, il analyse le tempérament du personnage et reconduit à la réalité toutes les suggestions que peut lui offrir sa lecture très savante (sous une apparence désinvolte) des grands maîtres du passé.