Fray Juan Rizi ou Fray Juan Ricci
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre espagnol (Madrid 1600 – Mont Cassin 1681).
Fils d'Antonio Rizi, Bolonais, l'un des peintres mineurs attirés en Espagne par les travaux de l'Escorial, Rizi se forme à Madrid et entre, en 1627, dans l'ordre bénédictin au monastère de Montserrat. Désormais, il passera d'un couvent à l'autre pour peindre des cycles d'histoires monastiques, notamment à San Martín de Madrid, à San Millán de la Cogolla, en Vieille-Castille, à San Juan de Burgos ; il peint également dans cette ville sept tableaux (Saint Paul ermite, Saint François, divers saints martyrs), pour le " trascoro " de la cathédrale. Après avoir exercé plusieurs charges dans son ordre — notamment celle d'abbé à Medina del Campo —, il passe en Italie à partir de 1662 ; nommé évêque en Italie du Sud, il termine sa vie au monastère du mont Cassin. On ne connaît aucun tableau de cette dernière période italienne. En revanche, les œuvres de l'artiste conservées en Espagne font apprécier un style très personnel, d'un réalisme viril, d'une touche moelleuse et rapide, d'une couleur riche et sévère, où les rouges sombres et les carmins jouent un rôle prédominant. Fray Juan Rizi est le meilleur peintre castillan des thèmes monastiques, qu'il traite avec une gravité monumentale (Repas de saint Benoît et Saint Benoît bénissant le pain, Prado ; Dernière Messe de saint Benoît, Madrid, Académie San Fernando), souvent avec de violents contrastes lumineux qui rappellent sa formation ténébriste.
Il apparaît comme une sorte de Zurbarán castillan, qui remplace les blancs des moines de la Merci et des Chartreux par les noirs puissants de l'ordre bénédictin, mais avec une égale intensité dans l'individualisation des visages, dont beaucoup semblent des portraits. Son habileté de portraitiste est attestée par le Don Tiburcio de Redin du Prado et par l'admirable (et assez vélazquézien) Fray Alonso de San Vítores du musée de Burgos.
Par malheur, comme pour Zurbarán, ses grands ensembles ont été en majorité dispersés. Seuls restent en place le " trascoro " de la cathédrale de Burgos et le cycle imposant de San Millán de la Cogolla (1653-1655), assez difficile d'accès, mais qui groupe autour du grandiose Saint Millán du retable principal — solitaire vénérable mué en guerrier pour mettre les Maures en fuite — une vingtaine de remarquables peintures. Ce cycle est pour Rizi l'équivalent du cycle de Guadalupe pour Zurbarán.
Fray Juan Rizi fut aussi un savant et un théoricien de son art. Professeur de dessin de l'infant Baltazar Carlos et de la duchesse de Béjar, il écrivit pour cette jeune femme un traité de perspective, de géométrie et d'anatomie artistique qu'il illustra de beaux dessins (De pintura sabia).
Son frère cadet, Francisco (Madrid 1614 -l'Escorial 1685) , fut également un peintre réputé. Élève à Madrid de Carducho, mais influencé certainement par Rubens, les Vénitiens et les Génois, il fut un des initiateurs de la peinture baroque madrilène et reste un de ses maîtres les plus dynamiques et les plus somptueux. Après le succès de la Bénédiction de la cathédrale de Tolède par l'archevêque Jiménez de Rada (1653), cathédrale de Tolède, il fut nommé peintre de la cathédrale. Peintre du roi en 1656, il se spécialisa dans la peinture décorative et dans la fresque (chapelle du Miracle aux Descalzas Reales de Madrid), collaborant parfois avec Carreño (Madrid, S. Antonio de los Portugueses). Mais il exécuta surtout de très nombreux décors pour le théâtre et les fêtes royales. Travaillant en même temps pour les églises de Madrid et des environs, il peignit de grands tableaux d'autel à la composition très mouvementée, au riche coloris, servi par une technique toujours brillante et facile, parfois hâtive et négligée (la Vierge avec saint Philippe et saint François, 1650, couvent du Pardo ; la Libération de sainte Léocadie, Madrid, San Jerónimo ; Martyre de saint Pierre, église de Fuente del Saz ; de nombreuses Immaculées). Deux portraits d'une grande vivacité, Un général d'artillerie (Prado) et le Chasseur de renard du roi (Madrid, coll. d'Albe), dénotant une forte influence flamande, révèlent son talent encore mal connu de portraitiste. Sur un plan mineur, il faut rappeler le tableau qui représente l'Auto da fe de 1683 sur la Plaza Mayor de Madrid (Prado) comme un documentaire d'une rare valeur.