François Morellet
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Artiste français (Cholet 1926).
Après une courte période figurative, François Morellet parvient à l'Abstraction en 1950 sous l'influence de Pierre Dmitrienko (1925-1974) : il pratique alors une peinture très dépouillée, bientôt marquée par l'exemple de Mondrian. Dès 1952, il adopte un langage géométrique composé de formes simples, lignes, carrés, triangles, assemblées dans des compositions élémentaires bidimensionnelles, de type " all over ", qui jouent avec un nombre restreint de couleurs, posées en aplats et sans facture apparente.
Ces œuvres sont surtout exécutées d'après un système : marqué par l'art de Max Bill et les entrelacs de l'Alhambra de Grenade, Morellet entend contrôler le processus de la création et démystifier la conception romantique de l'art et de l'artiste ; il justifie chacun de ses choix par un principe établi au préalable, qui peut aller, à partir de 1958, jusqu'à faire intervenir le hasard dans l'attribution des différentes composantes du tableau (Répartition aléatoire de triangles suivant les chiffres pairs et impairs d'un annuaire de téléphone, 1958, musée de Grenoble). L'œuvre d'art, pour François Morellet, ne renvoie qu'à elle-même et son titre indique la règle de jeu qui a présidé à son élaboration.
Jusqu'en 1960, il établit les différents systèmes d'arrangement des formes qu'il emploie (superposition, fragmentation, juxtaposition, interférences...), en créant notamment sa première " trame ", un réseau de lignes parallèles noires superposées selon un ordre déterminé qui recouvre toute la surface d'une structure homogène (4 Doubles Trames traits minces 0°, 22°5, 45°, 67°5, 1958, Paris, M. N. A. M.). Il est ensuite, de 1961 à 1968, l'un des protagonistes de l'art cinétique avec le G. R. A. V. (Groupe de recherche d'art visuel), qu'il a fondé avec 5 autres artistes (J. Le Parc, H. Garcia-Rossi, F. Sobrino, J. Stein, J.-P. Yvaral). Il participe également au mouvement international de la Nouvelle Tendance. Il cherche dans ce contexte à créer un art expérimental qui s'appuie sur les connaissances scientifiques de la perception visuelle et qui soit élaboré collectivement. En 1963, d'autre part, soucieux de trouver de nouveaux moyens d'expression picturaux, Morellet commence à utiliser des tubes de néon en s'appuyant sur les qualités spécifiques de ce matériau (intensité de l'éclairage, allumage instantané, fabrication impersonnelle). Il continuera d'utiliser ces tubes au néon en lien avec la toile (Relâche n° 2, 1992) ; ou isolément (Gitane n° 2, 1991).
Après 1970 débute une période marquée par la création d'œuvres de plus en plus dépouillées, qui jouent avec leur support et l'espace qui les environne (Lignes horizontales passant sur 3 carrés : 1° de la moitié du côté à la moitié du côté leur faisant face ; 2° de la moitié d'un côté à un angle ; 3° d'un angle à un angle, 1974, F. R. A. C. de Bourgogne). Il réalise alors un grand nombre d'intégrations architecturales (Plateau La Reynie, Paris, 1971 [détruit] ; École supérieure de l'armée allemande, Hambourg, 1977 ; Centre culturel de Compiègne, 1979), qui attestent sa parfaite maîtrise dans le maniement des formes, leur qualité monumentale, leur juste rapport et leur adéquation parfaite avec l'architecture (la Défonse, 1991, Paris, la Défense)
Morellet — qui, dès l'abord, s'est distingué par ses préoccupations de l'Abstraction géométrique traditionnelle — reste le seul créateur français appartenant à cette tendance à pouvoir se mesurer avec les artistes américains du Hard Edge, de l'Art minimal et conceptuel, dont il a largement devancé les propositions. Une importante exposition rétrospective concernant ses dessins lui est consacrée en 1991 (musée de Grenoble ; Reutlingen, fondation pour l'Art concret). Une nouvelle exposition, consacrée à cinquante années de travail, est présentée (Oldenburg, Stadtmuseum) en 1995.