Emil Hansen, dit Emil Nolde
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre allemand (Nolde 1867 – Seebüll 1956).
Il adopta le nom de sa ville natale en 1902. De 1884 à 1889, il apprit la sculpture sur bois à Flensburg, travailla ensuite à Munich, à Karlsruhe et à Berlin, et enseigna le dessin à l'école d'art industriel de Saint-Gall, en Suisse, où il exécuta des aquarelles (1894-1896) pour des cartes postales représentant les montagnes sur un mode burlesque et expressif ainsi que des dessins de masques puissamment caricaturaux (Seebüll, fondation Nolde). Il retourne à Munich, est l'élève de Hölzel à Dachau, commence à graver à l'eau-forte (1898-99) et réalise de très belles aquarelles, technique dans laquelle il excellera toujours (Portrait de jeune fille, 1898, Seebüll, fondation Nolde). À Paris en 1899-1900, il est frappé par Rembrandt, chez les anciens, et Manet, et Van Gogh, chez les modernes, et travaille à l'Académie Julian. Il séjourne ensuite à Berlin, à Copenhague, puis s'installe en 1903 dans l'île d'Alsen. Il expose à Dresde en janvier 1906 et entre en contact avec Die Brücke, dont il se sépare dès l'année suivante. Kirchner, notamment, appréciait ses eaux-fortes, et il commence à graver sur bois en 1906, à lithographier en 1907.
Ses tableaux, alors surtout des paysages, enlevés dans une pâte drue et très colorée, témoignent encore d'un impressionnisme revu par Van Gogh (Roses rouges et jaunes, 1907, Cologne, musée Ludwig). La facture se diversifie à partir de 1909-10, quand Nolde entreprend la suite célèbre de tableaux sur des thèmes religieux et bibliques, œuvres dans lesquelles la ferveur extatique côtoie la sensualité brutale (la Pentecôte, 1909, Seebüll, fondation Nolde ; la Danse autour du veau d'or, 1910, Munich, Staatsgalerie moderner Kunst ; le Christ et les enfants, 1910, New York, M. O. M. A. ; Légende de Marie l'Égyptienne, triptyque, 1912, Hambourg, Kunsthalle, Vie du Christ, 1912, en 9 tableaux, Neukirchen über Niebüll ; Siméon et les femmes, 1915). Le thème de la danse intervient dans un sens religieux et profane (Danse sauvage d'enfants, 1909, musée de Kiel), où l'accent est mis sur le transport frénétique, la morphologie de la danseuse, membres grêles et seins aux énormes bouts rouges (Danseuses aux chandelles, 1912, Seebüll, fondation Nolde ; gravé sur bois en 1917 ; Danseuse, 1913, litho en coul.) D'autres peintures sont consacrées à des scènes urbaines (Au café, 1911, Essen, Folkwang Museum) ; en 1910 prend place une très belle suite de gravures, eaux-fortes et bois, inspirés par le port de Hambourg, ses remorqueurs trapus ; en 1910-11, une série de tableaux sur le thème de la mer, qu'il reprendra régulièrement. Il rend visite à Ensor à Ostende en 1911. Après avoir étudié à partir de 1911 l'art des peuples primitifs au musée d'Anthropologie de Berlin, il accompagne (1913) la mission anthropologique Külz-Deber en Nouvelle-Guinée, d'où il rapporte dessins, aquarelles et peintures enrichis par cette expérience (Soleil des tropiques, 1914, Seebüll, fondation Nolde).
De retour en 1914, il réside alternativement à Alsen (jusqu'en 1917) et à Berlin. Le style de Nolde, désormais fixé, évoluera peu ; mais il utilise maintenant avec plus de hardiesse la couleur, en contrastes de bleus et de jaunes, d'oranges et de violets, aux riches résonances, suit parfois d'assez près le motif (Frères et sœur, 1918, Seebüll, fondation Nolde), revient ailleurs à la stylisation (la Pécheresse, 1926). À partir de 1929, il pratique beaucoup l'aquarelle (études de fleurs, paysages souvent avec figures) et conserve sa vigueur incisive dans ses dernières gravures (Danseuse du feu, 1921), où il admet aussi une certaine grâce (Baigneuse, 1925). En 1926, Nolde passe l'été à Seebüll, près de la frontière danoise, où il séjournera régulièrement et où il s'installera en 1941.
Particulièrement malmené, avec Kirchner, par les nazis, il lui fut interdit de peindre en 1941. Pendant cette période néfaste, il peut pourtant créer maintes petites aquarelles, paysages et figures, " tableaux non peints ", dit-il, où l'imagination de l'artiste se donne libre cours (Couple dans une lumière jaune, Seebüll, fondation Nolde). Les meilleures toiles postérieures à 1930 sont consacrées à des études de fleurs d'une couleur exubérante, des marines amplement composées et d'une vision sereine dénotant une compréhension intime du phénomène naturel (Tournesols, 1932, Detroit, Inst. of. Arts ; Coquelicots, 1942, Seebüll, fondation Nolde ; Marine claire, 1948, id.).
L'œuvre peint comprend, entre 1896 et 1951, 1 112 tableaux ; l'œuvre gravé, pratiquement achevé en 1926 (4 derniers bois en 1937), 231 eaux-fortes, 197 bois et 83 lithographies. La maison de Seebüll, transformée en musée (1957), est le lieu privilégié pour connaître l'œuvre d'Emil Nolde, qui est également représentée dans les grands musées allemands, européens (Bâle, Crépuscule, 1916 ; Paris, M. N. A. M., Nature morte aux danseuses, 1914) et américains. Une exposition rétrospective de son œuvre a eu lieu à Cologne, W. R. M., en 1973. Ses œuvres ont aussi été présentées à Copenhague (M. A. M. Arken) en 1996.