le Bateau-Lavoir

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Le Bateau-Lavoir était situé au flanc de la butte Montmartre, au numéro 13 de la rue Ravignan, sur une petite place triangulaire plantée d'arbres, devenue depuis la place Émile-Goudeau (du nom d'un chansonnier montmartrois). C'est Max Jacob, semble-t-il, qui l'avait ainsi baptisé, mais on l'appelait souvent aussi " la Maison du trappeur ". C'était une assez sordide masure, sans confort ni hygiène, qu'ont décrite de nombreux écrivains tels qu'André Salmon, Maurice Raynal, Francis Carco ou André Warnod. Son étrange distribution intérieure provenait de ce qu'il était construit sur une dénivellation de terrain. De ce fait, la plupart des ateliers donnaient sur l'arrière, et la maison ne présentait, sur la place où l'on accédait par quelques marches, qu'un unique rez-de-chaussée. La description faite par Fernande Olivier (Picasso et ses amis, Stock, Paris, 1933, p. 26) de l'atelier de Picasso donne une idée du décor général : " Un sommier sur quatre pieds dans un coin. Un petit poêle de fonte tout rouillé supportant une cuvette en terre jaune servait de toilette ; une serviette, un bout de savon étaient posés sur une table de bois blanc à côté. Dans un autre coin, une pauvre petite malle peinte en noir faisait un siège peu confortable. Une chaise de paille, des chevalets, des toiles de toutes dimensions, des tubes de couleurs éparpillés à terre, des pinceaux, des récipients à essence, une cuvette pour l'eau-forte, pas de rideaux. "

En réalité, ce n'est pas le pittoresque du Bateau-Lavoir, mais le nombre et la qualité de ceux qui y résidèrent ou y vinrent régulièrement qui firent sa renommée. Picasso, qui reste sans conteste le plus célèbre occupant, y habita d'avril 1904 à l'automne de 1909. C'est là qu'il rencontra, en 1905, sa première compagne, Fernande Olivier, et qu'il exécuta les Demoiselles d'Avignon (1906-1907), comme la plupart de ses premières œuvres cubistes, et donna en 1908 un légendaire banquet en l'honneur du Douanier Rousseau. Juan Gris y habita également de 1906 à 1922, ainsi que Van Dongen, Herbin, Freundlich, Paco Durio, Gargallo, des écrivains tels qu'André Salmon, Max Jacob, Pierre Mac Orlan, Pierre Reverdy. Innombrables enfin furent ceux qui y vinrent plus ou moins régulièrement. Citons notamment : les peintres Braque, Derain, Vlaminck, Metzinger, Marcoussis, Marie Laurencin, Modigliani ; les sculpteurs Manolo, Agero, Laurens, Lipchitz ; des écrivains tels qu'Apollinaire, Alfred Jarry, Paul Fort, Francis Carco, Roland Dorgelès, Maurice Raynal, André Warnod, Maurice Cremnitz, Eugenio d'Ors ; des collectionneurs parmi lesquels Gertrude et Leo Stein, H. P. Roché, Franck Haviland ; des marchands aussi divers que Berthe Weill, le père Soulié, Clovis Sagot, Vollard, Wilhelm Uhde, Kahnweiler ; des acteurs comme Charles Dullin ou Harry Baur, bien d'autres encore qui eurent au moins leur heure de célébrité. Le Bateau-Lavoir a cessé dès la Première Guerre mondiale d'être un centre intellectuel et artistique. Les locaux, encore occupés par des artistes jusqu'en 1970, ont été en grande partie détruits par un incendie en mai 1970.