Armory Show

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Nom donné à l'Exposition internationale d'art moderne qui s'ouvrit à New York dans les locaux de l'armurerie du 69e régiment, sur la 25e rue, le 17 février 1913.

Cette manifestation, décisive pour le développement de l'art américain au xxe s., fut présentée ensuite avec quelques modifications à Chicago et à Boston. La peinture moderne européenne se trouva ainsi introduite aux États-Unis avec une ampleur sans égale. Près de 300 000 visiteurs l'avaient vue quand l'exposition ferma ses portes à Boston. Elle suscita d'innombrables controverses, voire le scandale. Organisée par un petit groupe d'artistes américains antiacadémiques et partiellement assimilés à l'Ash Can School, l'exposition pouvait représenter la version américaine du Sonderbund colonais de 1912, mais elle comprenait des œuvres de nombreux Américains aussi bien que d'artistes du début du xixe s. (au total quelque 1 600 peintures, sculptures et dessins) et fut une révélation brutale pour un public vaste et non averti. Les œuvres des postimpressionnistes (Cézanne, Van Gogh, Gauguin) reçurent un accueil enthousiaste qui éclipsa complètement leurs timides imitateurs américains comme Hassam, Twatchman et même Glackens. Les toiles des cubistes (Picasso, Braque, Gleizes, Metzinger, Delaunay, Villon), celles encore de Matisse, particulièrement bien représenté, et surtout celles de Duchamp et de Picabia retinrent l'attention du public et frappèrent d'inanité les efforts des artistes de l'Association des peintres et des sculpteurs américains. Les organisateurs (Kuhn, Davies, Pach, Myers, Bellows) avaient tous pensé que l'exposition favoriserait la reconnaissance en Amérique de leurs propres innovations ; mais le résultat dépassait de loin leur espérance. L'Armory Show suscita en effet les premières vocations de collectionneurs d'art moderne, notamment celle de Walter Arensberg, dont la collection est aujourd'hui au musée de Philadelphie, celle de Lillie P. Bliss, noyau du futur M. O. M. A. de New York, celles encore du Dr Barnes, de Duncan Phillips, de John Quinn. C'est avec enthousiasme que ces collectionneurs et leurs amis achetèrent des tableaux fauves et cubistes, allant bien au-delà du résultat escompté par les organisateurs américains, qui voulaient seulement souligner leurs sources européennes. Stieglitz acquit, pour 500 dollars, l'une des Improvisations (n° 27, 1912) de Kandinsky. Ces achats massifs eurent pour autre conséquence l'installation aux États-Unis, pendant la Première Guerre mondiale, de peintres comme Picabia, Duchamp, Gleizes, dont la présence influencera le développement de la peinture américaine : Charles Demuth, Charles Sheeler, Joseph Stella, Niles Spenser et bien d'autres furent définitivement marqués par le Cubisme. Ainsi, la peinture américaine commença-t-elle à se libérer des poncifs académiques et à faire admettre le principe de l'exposition à jury libre. Surtout, elle entraîna la collusion irréversible de l'artiste et du collectionneur américains avec le modernisme international. Après l'Armory Show, les États-Unis ne pourraient plus longtemps se contenter du provincialisme insulaire et de l'ambiguïté des critères qui avaient prévalu durant le xixe s. Cette intégration au courant de l'art occidental sera néanmoins lente à s'opérer. Les tendances modernistes restèrent longtemps souterraines et à la remorque de l'Europe ; il faudra attendre 1940 pour qu'apparaissent les fruits réels de cette exposition prématurée.