l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain
Écrit philosophique et historique de Condorcet (1795).
Œuvre posthume, publiée sous la Convention thermidorienne, l'Esquisse est parmi les livres de l'encyclopédiste le plus connu et le plus souvent édité (dans toutes les langues). Condorcet a déjà tenté par deux fois de rédiger un tel tableau historique : d'abord, en 1772, comme discours préliminaire de ses Éloges d'académiciens ; une seconde fois, probablement dans les années 1780. Mais, dans les deux cas, le texte est resté inachevé.
Député à l'Assemblée législative et à la Convention mais n'appartenant à aucun parti, Condorcet est décrété d'accusation en 1793 ; l'année suivante il est arrêté. C'est à l'occasion de cet emprisonnement qu'il décide de reprendre le projet. L'Esquisse (qu'il appelle en fait « Prospectus ») ne forme, dans son idée, que l'introduction synthétique d'un ouvrage beaucoup plus vaste : un grand Tableau historique des progrès de l'esprit humain, c'est-à-dire le panorama des combats de la raison, des Lumières, contre l'ignorance et les préjugés ; cet ouvrage devait être constitué de nombreux volumes, mais Condorcet n'a le temps d'en écrire que quelques fragments, dont certains sont encore inédits.
Une réflexion suggérée pour l'avenir
L'Esquisse se compose d'abord de neuf époques, représentant des étapes successives dans les conquêtes de l'esprit humain : la civilisation grecque, l'invention de l'imprimerie, les œuvres de Descartes et surtout de Newton figurent parmi les moments les plus marquants. La dixième époque, celle des « progrès futurs », insiste notamment sur la « perfectibilité indéfinie » de l'homme.
L'Esquisse n'est pas originale dans sa structure, de nombreux contemporains ont tenté avant Condorcet des fresques de ce style. Alors : œuvre majeure ou mineure ? réaliste ou rêveuse ? révolutionnaire ou banalement réformiste ? Les débats ne manquent pas dès la première édition, et chacun répond aussi à ces questions selon ses propres choix idéologiques. Il reste que par la sûreté du jugement scientifique, par l'étendue du savoir dont il témoigne, par sa capacité à s'abstraire des événements contingents, par ses considérations sur la langue, par ses relations entre instruction publique et organisation de la vie scientifique, ce testament du siècle des Lumières, ce condensé de la pensée de Condorcet arrivée à maturité, apparaît comme un outil de réflexion et de référence pour les générations futures.