Trois Contes

Gustave Flaubert, Un cœur simple
Gustave Flaubert, Un cœur simple

Recueil de trois récits de Gustave Flaubert (1877).

Publiés chacun tout d'abord dans la presse en avril 1877, les trois récits regroupés sortirent en librairie le même mois. Les histoires imposent au lecteur une remontée dans un temps de plus en plus lointain, puisque l'on passe du xixe siècle (Un cœur simple) au Moyen Âge (la Légende de saint Julien l'Hospitalier), puis à l'Antiquité (Hérodias). Le cadre en est successivement la Normandie et la Palestine, en passant par l'Europe féodale de saint Julien, que ses tribulations mènent jusqu'en Abyssinie et en Inde. La sobriété de la touchante première histoire laisse la place au merveilleux de la conversion miraculeuse de Julien, le parricide malgré lui, puis aux splendeurs sulfureuses d'Hérodias.

Un cœur simple

Félicité a été engagée comme servante chez Mme Aubain, à Pont-l'Évêque, après une histoire d’amour malheureuse. Elle s'attache tour à tour aux enfants de la famille, Paul et Virginie, à son propre neveu, Victor, à un perroquet domestique, Loulou, mais les perd tous, qui par un départ pour le collège, qui par une navigation au long cours..., et finalement par une mort prématurée. Lorsque Mme Aubain disparaît elle aussi, la vieille et sourde Félicité est épuisée par ses dévouements successifs, dont il ne lui reste rien. Alors que la procession de la Fête-Dieu fait halte devant le reposoir placé dans la cour de Mme Aubain, Félicité agonise, en plein délire mystique.

Le style n'est pas sans annoncer Maupassant.

Les jours de soleil, elle se tourmentait de la soif ; quand il faisait de l'orage, craignait pour lui la foudre. En écoutant le vent qui grondait dans la cheminée et emportait les ardoises, elle le voyait battu par cette même tempête, au sommet d'un mât fracassé […]. Et jamais elle ne parlait de ses inquiétudes.
Mme Aubain en avait d'autres sur sa fille.

(chapitre III).

La Légende de saint Julien l'Hospitalier

Lorsque naît Julien, dans un château tranquille, deux sages lui prédisent un double destin : il sera empereur, prédit l'un ; il sera un saint, prédit l'autre. Enfant, il est d’une grande cruauté. S'étant enfui pour échapper à la prophétie d'un cerf (dont il a sauvagement tué la biche et le faon) qui lui jure qu’il tuera père et mère, il connaît une vie d’aventures et épouse la fille d’un empereur.

Ayant transpercé deux formes suspectes allongées dans le lit de son épouse, il découvre, horrifié, qu'il vient d'assassiner ses propres parents. Il devient mendiant, puis ermite. Un lépreux recueilli l'étreint, et Julien connaît une apothéose qui l’emporte jusque devant Jésus, au paradis.

Le conte fut inspiré à Flaubert par un vitrail de la cathédrale de Rouen.

Il rechercha les solitudes. Mais le vent apportait à son oreille comme les râles d'agonie ; les larmes de la rosée tombant par terre lui rappelaient d'autres gouttes d'un poids plus lourd. Le soleil, tous les soirs, étalait du sang dans les nuages ; et chaque nuit, en rêve, son parricide recommençait.

(chapitre III).

Hérodias

Reprise d'un épisode du Nouveau Testament, l'histoire se déroule sur une seule journée, avec pour cadre une citadelle, au bord de la mer Morte, du tétrarque (gouverneur) de Palestine, Hérode Antipas.

Hérode tient prisonnier Iaokanann (Jean-Baptiste). Or celui-ci condamne publiquement son union incestueuse et motivée par le pouvoir et l'intérêt, avec sa nièce Hérodias. Lors du festin donné pour l'anniversaire d'Hérode, la danse de Salomé, fille du premier mariage d'Hérodias, ensorcelle le tétrarque, qui lui promet tout ce qu’elle voudra. Elle réclame et obtient la tête de Iaokanann.

Inspiré d'un bas-relief du tympan nord de la cathédrale de Rouen, c'est le plus théâtral des trois récits.

Elle dansa comme les prêtresses des Indes, comme les Nubiennes des cataractes, comme les bacchantes de Lydie […] ; de ses bras, de ses pieds, de ses vêtements jaillissaient d'invisibles étincelles qui enflammaient les hommes.

(chapitre III).