Mademoiselle Rivière
Peinture de Jean Auguste Dominique Ingres (1805). Louvre, Paris.
Bien qu'il ait toujours répugné à leur réalisation, Ingres a commencé très tôt à exécuter les portraits qui seuls ont perpétué sa célébrité jusqu'à nous. Considérant qu'ils relèvent d'un genre inférieur, il y introduit par compensation toute la noblesse possible de son style, mais aussi sa secrète sensualité et son robuste réalisme. À la manière des portraits anglais de la fin du xviiie s., ce tableau place le modèle dans un paysage dont la sérénité et la limpide fraîcheur s'accordent avec l'âge, la féminité à peine éclose de la jeune fille. Mais la facture s'éloigne du vénétianisme moelleux de Reynolds ou de son élève Lawrence, et se nourrit au contraire de la minutie, du chromatisme délicat des primitifs flamands et italiens, qu'Ingres interroge en ces années-là. À cette exécution serrée, qui privilégie la netteté des contours et le souci du dessin sur les effets de clair-obscur, le peintre associe de subtils échos rythmiques, afin d'équilibrer la légère raideur de l'attitude par l'appel plus aimable des sinuosités vestimentaires. Quant au visage lui-même, avec ses yeux en amande au regard lourd, il est l'œuvre d'un peintre qui a appris des maîtres de la Renaissance italienne comment simuler une présence.