Corps et Biens
Recueil de poèmes de Robert Desnos (1930).
Bilan de la décennie surréaliste de Desnos, ce recueil, publié en 1930 et composé de divers sous-recueils, suggère par son titre même plusieurs pistes interprétatives : non seulement ce titre est constitué d'une de ces expressions toutes faites (« périr corps et biens ») que le surréalisme appelait à relire et à recharger de sens – et il affiche par là même une insolence constitutive à elle seule de la poésie moderne –, mais encore il évoque la matière textuelle, le corps et les corps désirés, les biens qu'on peut aller quérir dans les limites verbales ou dans les espaces du sommeil.
Aphorismes, contrepèteries dans « Rrose Sélavy » (le personnage inventé par Duchamp à partir du jeu de mots : « C'est la vie ! », Rose étant le prénom féminin le plus banal pour l'époque), à-peu-près, ambiguïtés de « l'Aumonyme » (« Jetez le lest vers l'est, lestes ballons »), prodigieuses jongleries de « Langage cuit », où le travail de réfection des expressions reçues, l'emploi des jeux de mots enfantins, des charades, fait exploser la langue (« Je la hais d'amour comme tout un chacun ») . Dans « À la mystérieuse », dans « les Ténèbres », en revanche, un lyrisme très pur, romantique à condition d'ôter au qualificatif tout relent de sensiblerie larmoyante, se laisse deviner : « J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. / Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère ? »