Allégorie du triomphe de Vénus

Il Bronzino, Vénus, Cupidon et le Temps
Il Bronzino, Vénus, Cupidon et le Temps

Peinture de Bronzino (1540-1545). National Gallery, Londres.

Élève de Pontormo, Bronzino (1503-1572) devient après 1539 le peintre officiel du duc de Toscane, tandis que ses portraits d'un raffinement glacé répandent sa réputation à travers l'Europe. L'Allégorie du triomphe de Vénus répond d'ailleurs à une commande de François Ier. Sa destination princière et non publique autorise toutes les ambiguïtés de son contenu, érotique et moral à la fois. En compliquant à l'envi la signification de l'œuvre, Bronzino rend habilement hommage au savoir du roi de France.

Car la lecture, au-delà de l'évidence du troublant baiser qu'échangent Vénus et Cupidon, suscite encore des interrogations. On ne peut approcher que globalement son sens, qui fait écho au double aspect de l'Amour : le plaisir et la douleur. À la provocation des postures, à la sensualité des caresses, que symbolise aussi le couple de tourterelles, à la pomme d'or que tient Vénus, annonciatrice de félicités infinies, répond par contraste la présence de signes et de figures qui moralisent autant qu'il se peut ce triomphe des passions charnelles. À gauche, la vieille femme aux mains osseuses incarne la Jalousie, tandis que, à droite, la jeune fille, promise aussi à voir sa beauté se faner, dissimule sous ses atours un corps de griffon maléfique. Dans la partie supérieure du tableau, le Temps dirige ses yeux écarquillés vers la figure de l'Oubli, face crispée dénuée de boîte crânienne. Ensemble, ils s'apprêtent à recouvrir d'un voile, comme pour en effacer jusqu'au souvenir, l'impudeur du couple enlacé. La facture ajoute à la préciosité du sujet un dessin aussi pur que souple et un coloris acide. L'emploi rare d'un rose tyrien réchauffe à peine les carnations de porcelaine –l'abondance froide des verts et des bleus – d'une nuance toujours singulière.

Il Bronzino, Vénus, Cupidon et le Temps
Il Bronzino, Vénus, Cupidon et le Temps