colonie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Cité-fille d'une métropole.
Chez les anciens Grecs, le terme « colonie » n'a pas le sens que nous lui prêtons aujourd'hui : le territoire colonisé n'est ni une dépendance, ni une annexe. La colonie est libre et indépendante. Les rapports sont ceux de la fille envers la mère. La fondation d'une colonie passe par les dieux dont il faut obtenir l'assentiment, puis la protection. L'oracle de Delphes désigne le chef du groupe ; les volontaires au départ se font ensuite connaître ; si leur nombre est insuffisant, un tirage au sort est effectué parmi les plus pauvres de la population. Avant de partir, les colons prennent du feu sur l'autel sacré ; arrivés sur le territoire, ils dressent un autel, puis un temple à Apollon, où le feu sacré sera conservé. Celui qui a accompli la cérémonie est le fondateur, qui devient dès lors un personnage sacré et auquel, après sa mort, la colonie élève un sanctuaire ; un culte lui est rendu comme à un héros.
Métropole et colonie honorent les mêmes divinités, observent les mêmes mœurs, vivent sous les mêmes institutions. Si la métropole intervient dans les affaires privées de la colonie, c'est à la demande expresse de cette dernière. La notion de lien politique entre ville-mère et colonie apparaît à Athènes au ve siècle av. J.-C.
Fuyant un pays en proie à des dissensions de toutes sortes, mais aussi en quête de terres fertiles et de sous-sols, de montagnes riches en métaux précieux, les Grecs fondent de nombreuses colonies sur les côtes de la Méditerranée, depuis les rivages de l'Espagne jusqu'à ceux du Pont-Euxin. Seuls les territoires du Sud-Est, des Phéniciens et des Égyptiens, leur sont interdits : ces deux peuples civilisés et puissants refusent de se laisser spolier par des étrangers. Les plus anciennes colonies sont fondées en Asie Mineure, vers le xie siècle, après les invasions des Thessaliens et des Doriens. Les Éoliens (de Béotie) s'établissent sur le territoire compris entre le Méandre au sud et l'Hermos au nord ; ils occupent l'île de Lesbos ; ils forment douze peuples, ayant chacun une cité pour centre, les plus importantes étant Mytilène, Méthymne, Cymé et Smyrne. Plus au sud, les Ioniens s'installent sur les îles, la côte et les plaines à l'embouchure des fleuves : Phocée, Milet, Éphèse, Colophon, Téos, Samos, Chios ; chaque année a lieu la fête fédérative des Panionia, dans le temple de Poséidon situé sur le promontoire de Mycale. En descendant encore, on trouve les Doriens, dans les îles de Rhodes et de Cos, sur la presqu'île de Cnide et à Halicarnasse, mais également à Théra, Mélos, Carpathos et en Crète ; les six villes doriques, fédérées, s'assemblent annuellement dans le temple d'Apollon Triopien, sur le promontoire Triopium, pour délibérer et célébrer des sacrifices et des jeux.
Au nord, la Thrace, riche en or et en argent, attire les Grecs d'Andros, de Paras, de l'Eubée et de Chalcis. À l'entrée de l'Hellespont (aujourd'hui, Dardanelles), les Milésiens fondent Abydos, puis plusieurs villes, plus au sud le long de la côte, dont Cyzique. En face d'Abydos se trouve Sestos, occupée par les Éoliens ; les Phocéens s'installent à Lampsaque.
En Adriatique, les Corinthiens établissent des colonies dans les îles ; la plus puissante est Corcyre ; les habitants s'enrichissent tant, par un commerce très florissant, notamment avec l'Épire, qu'ils concurrencent les Corinthiens eux-mêmes.
En Afrique, le roi égyptien Amasis accepte qu'une cité grecque soit fondée : Naucratis, peuplée par des colons venus d'Asie ; plus à l'ouest, Cyrène est bâtie sur deux collines.
Au viiie siècle av. J.-C., Chalcidiens et Naxiens s'établissent en Sicile. Ils y fondent maintes villes, dont Naxos, Léontini, Catane et Syracuse ; plus tard, Rhodiens et crétois viennent y fonder Géla ; les habitants de Géla fondent eux-mêmes Agrigente ; des Mégariens construisent Sélinonte. Venus de Chalcis, les colons fondent Zancle, renommée plus tard Messine par des Messéniens émigrés. La plus ancienne colonie grecque italienne (Grande-Grèce) est Cumes, fondée par les colons de l'île d'Eubée, ainsi appelée en souvenir d'une de leurs villes du même nom, tôt détruite ; les habitants de Cumes fondent Naples ; des Achéens fondent Sybaris et Crotone ; et les Laconiens, Tarente.
Les Phocéens, marins et pirates, d'Asie Mineure, naviguent vers 600 av. J.-C. jusqu'en Gaule et s'établissent à Marseille.
Bien après les Phéniciens, les Grecs découvrent l'Espagne : Empurias, Rosas, Pyréné, Malaga, Héméroscopion, sont les principales colonies.
Les colonies de Sicile
Les premiers Grecs qui s'établirent en Sicile furent les Chalcidéens venus d'Eubée, sous la conduite de Thuclès. Ils fondèrent Naxos, ainsi que l'autel d'Apollon Archégétès, où les théores partant de Sicile offrent leur premier sacrifice. L'année suivante, Syracuse fut fondée par l'Héraclide Archias, venu de Corinthe. Il chassa d'abord les Sicules de l'île maintenant reliée à la terre ferme et qui forme le quartier intérieur. Avec le temps, la ville extérieure devint aussi fort peuplée.
Cinq ans après la fondation de Syracuse, Thuclès et les Chalcidéens, partant de Naxos, chassèrent les Sicules par la force des armes, et fondèrent premièrement Léontini, puis Catane. Les habitants de cette ville choisirent l'un d'eux comme fondateur, Évarchos.
À la même époque, Lamis arriva en Sicile à la tête d'une colonie de Mégariens, et fonda, près du fleuve Pantacyas, une place nommée Trotilos. Il l'abandonna ensuite pour s'associer aux Chalcidéens de Léontini ; mais quelque temps après, chassé par eux, il alla fonder Thapsos. Après sa mort, ses compagnons furent expulsés de cette ville ; et, sur l'invitation d'Hyblon, roi des Sicules, qui leur céda des terres, ils allèrent fonder Mégara-Hybléa. Après une occupation de deux cent quarante-cinq ans, ils furent chassés de cette ville et de son territoire par Gélon, tyran de Syracuse. Mais, avant leur expulsion et cent ans après leur premier établissement, ils avaient envoyé Pamillos fonder Sélinonte. Celui-ci était venu de Mégare, leur métropole, pour présider à la colonisation.
Géla fut fondée, quarante-cinq ans après Syracuse, par la réunion de deux colonies, l'une de Rhodiens, sous la conduite d'Antiphémos, l'autre de crétois sous la conduite d'Entimos. Le fleuve Géla donna son nom à la ville. Le quartier qui maintenant forme la citadelle et qui fut bâti le premier s'appelle Lindies. Cette ville reçut des institutions doriennes. Il y avait près de cent huit ans qu'elle subsistait, lorsque ses habitants fondèrent Agrigente, dont ils empruntèrent le nom au fleuve Acragas. Les fondateurs en furent Aristonoos et Pystilos. Ils donnèrent à cette ville les institutions de Géla.
Zanclé dut sa fondation à des pirates de Cymé, ville chalcidéenne du pays des Opiques. Plus tard une troupe partie de Chalcis et du reste de l'Eubée vint partager le territoire avec eux ; les fondateurs en furent Périérès et Crataeménès, l'un de Cymé, l'autre de Chalcis. À l'origine, les Sicules avaient donné à leur ville le nom de Zanclé, parce qu'elle avait la forme d'une faux, et que le nom de la faux, en dialecte sicule, est zanclon. Dans la suite, les habitants furent expulsés par des Samiens et par d'autres Ioniens, qui, fuyant les Mèdes, vinrent aborder en Sicile. Ces Samiens furent chassés à leur tour par Anaxilas, tyran de Rhégion, qui établit dans la ville une population mélangée, et l'appela Messine du nom de son ancienne patrie.
Himéra, colonie de Zanclé, fut peuplée par des Chalcidéens, sous la conduite d'Euclidès, de Simos et de Sacon. La majeure partie de ces colons était chalcidienne, mais il vint s'y adjoindre des exilés de Syracuse, vaincus dans une émeute et appelés Mylétides. Leur idiome fut un amalgame du chalcidéen et du dorien ; mais la législation chalcidéenne prévalut.
Acrae et Casmènes furent fondées par des Syracusains, la première soixante-dix ans après Syracuse, la seconde vingt ans après Acrae. Camarine fut originairement fondée par des Syracusains, environ cent trente-cinq ans après Syracuse. Mais elle fut détruite par les Syracusains parce qu'elle s'était révoltée. Dans la suite, Hippocratès, tyran de Géla, reçut le territoire de Camarine pour rançon de prisonniers Syracusains, et devint le nouveau fondateur de cette ville. Plus tard, elle fut dépeuplée derechef par Gélon, puis restaurée pour la troisième fois par les habitants de Géla.
Thucydide

