Priape
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Dieu de la fertilité.
Lorsque le temps allait entraîner chez Hadès Statyllios, moins homme que femme, vieux chêne énervé de débauches, il consacra ses légères étoffes d'été teintes en safran et en pourpre, ses cheveux d'emprunt tout parfumés de nard, les mules blanches qui paraient ses pieds, la boîte où reposaient son fard et ses pommades, les flûtes dont le souffle charmait ses orgies avec ses compagnons ; de tout cela il fit don à Priape, il en décora son portique.
Si certains font de Priape le fils d'Aphrodite et d'Adonis, de Dionysos et d'une nymphe nommée Naïade ou Chionée, d'Hermès ou bien encore d'Adonis et d'Aphrodite, il est couramment admis que cet être, au phallus immense, est le fruit des amours d'Aphrodite et de Dionysos. C'est parce qu'elle veut la punir de ses (trop) nombreuses aventures sexuelles qu'Héra fait naître l'enfant d'Aphrodite difforme, affublé d'un sexe démesuré qui devient sa marque distinctive.
Voyant l'enfant si laid, Aphrodite se détourne du berceau et abandonne le nouveau-né à Lampsaque, sur l'Hellespont, où la divinité a son culte (vers 300 av. J.-C.), qui se répand ensuite à Rome.
À Lampsaque, le dieu devenu adulte séduit toutes les femmes ; il s'attire ainsi l'hostilité des maris qui le chassent. Il se réfugie dans une ville de Troade, qui prend son nom, Priapis (ou Priapos). Pour se venger, Priape rend les Lampsacéniens malades à l'endroit où justement lui est le plus fort. Les malheureux consultent alors l'oracle de Dodone : Priape est ensuite rappelé dans la cité et honoré comme il se doit. Il devient le dieu tutélaire de la ville et des médailles sont frappées en son honneur.
Symbole d'énergie virile et reproductrice, Priape au sexe érigé est le dieu de la fertilité. Les vergers et les animaux d'élevage sont sous sa protection ; les Anciens placent dans leurs jardinets des statuettes du dieu, en bois de figuier ou de saule, dont le seul membre viril disproportionné éloigne les oiseaux et les voleurs. Parfois sa figuration se réduit, si l'on peut dire, à un tronc d'arbre dont une branche, particulièrement bien située, reproduit son aspect caractéristique. On le trouve également sous la forme d'un hermès manchot, rouge, auquel on attache une faux ; il est alors placé sur les chemins ; son phallus, qui sert à indiquer la direction, préserve le voyageur d'un quelconque accident de parcours. D'où, peut-être, la croyance qu'il est également une divinité protectrices des ports ; il existe un Priape à l'entrée du port de Tarente.
Paradoxalement Priape, avec son sexe éternellement en érection, n'a pas de succès en amour, que ce soit avec Vesta ou avec Lotis – transformée en jujubier pour lui échapper.
Dans le Satiricon, le héros Encolpe, maudit par Priape qu'il a offensé, ne peut assouvir sa passion avec Circé et se laisse à imaginer que plus jamais il ne sera un homme.
L'âne, animal ithyphallique, lui est consacré. À ce fait, deux explications sont données :
Priape trouve un jour Vesta ou Lotis profondément endormie sur l'herbe. Il se dispose à jouir d'elle quand un âne surgit ; par ses braiements, il réveille la déesse qui s'enfuit aussitôt.
Priape entre en compétition avec l'âne de Silène, monté par Dionysos qui se rend alors en Inde. Priape affirme que la nature l'a mieux pourvu que l'animal. Après comparaison, l'âne sort vainqueur. Le dieu en est si irrité qu'il tue son rival ; mais on dit aussi que l'âne est vaincu et placé parmi les constellations.
Parmi ses autres attributs figure la corne d'abondance, qui déborde de fleurs et de fruits, productions des jardins. On lui offre des fleurs, du miel, des œufs, du blé, des branches de myrte ; on verse du lait ou du vin sur son sexe démesuré, on y accroche des couronnes de fleurs ; les plus fervents y déposent... des baisers et vraisemblablement quelque partie de leur anatomie. Dans les campagnes, les offrandes varient selon les saisons : des rosés au printemps, des épis de blé en été, du pampre en automne, des branches d'olivier en hiver. Les fêtes données en son honneur s'appellent les Priapées.
Outre Lampsaque, Priape est honoré dans plusieurs autres villes ; Ornée, près de Corinthe, dans l'île de Priapos en mer d'Éphèse, à Colophon, ville d'Ionie. Strabon mentionne que Priape, enfant de Dionysos, a été naturellement adopté par les gens du territoire de Priapos, où la vigne est d'une richesse incomparable. Priape finit par devenir un objet de dérision et de critique chez les poètes latins d'abord, puis chez les auteurs chrétiens. Cependant, son culte ne s'éteint jamais complètement.
Priape, gardien des ports
Sur ce rocher que battent les flots, des matelots m'ont placé, moi Priape, comme gardien du Bosphore de Thrace. Que de fois, passant, je suis venu à leur aide quand ils m'invoquaient, amenant le doux zéphyr dans leur voile ! Aussi tu verras que mon autel, et c'est justice, ne manque ni de fumée des sacrifices ni de couronnes printanières, mais que le feu y brûle sans cesse, que sans cesse l'encens le parfume. Or ce que les dieux préfèrent aux hécatombes, c'est un culte permanent.
Archias
Priape épouvantail
J'étais jadis un tronc de figuier, un morceau de bois ne pouvant servir à rien : un ouvrier se demandait s'il ferait de moi un banc ou un Priape : il se décida pour le dieu. Je devins donc dieu, terreur des voleurs et des oiseaux ; les voleurs, je les tiens en respect par mon bras et par ce pieu rouge et obscène qui se dresse au bas de mon ventre ; le roseau qu'on m'a placé sur la tête est un épouvantai ! pour les oiseaux importuns et les empêche de s'abattre dans les jardins nouveaux.
Horace
