Pélasges

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Habitants premiers de la Grèce et de l'Italie.

Venus d'Orient vers 2000 av. J.-C., les Pélasges sont les habitants primitifs de la Grèce et de l'Italie. Ils tirent leur nom de leur roi, Pélasgos qui est, dit-on, fils de Zeus et de Niobé. En Grèce, ils occupent tout d'abord la Thrace et la Macédoine, l'Illyrie, l'Épire, la Thessalie, puis la Grèce proprement dite et le Péloponnèse. De la Thrace, plusieurs tribus descendent vers l'Asie Mineure : ainsi, les Troyens sont d'origine pélasge, tout comme les Méoniens de Lydie. Les Pélasges occidentaux peuplent l'Italie septentrionale ; on les retrouve sous les noms de Tyrrhènes, de Sicules ou Sicanes, d'Opiques, d'Èques, d'Apuli ou Iapyges, de Peligni.

Partout où ils s'installent, les Pélasges finissent par être chassés par des populations nouvelles : les Doriens de Grèce confinent le peuple en Arcadie (Péloponnèse), en Pélasgiotide (Thessalie), en Pélagonie (Macédoine) et en Épire. En Italie, les Pélasges d'Étrurie sont poussés vers les côtes par les Rasena, puis contraints de passer en Sicile, où ils prennent le nom de Sicules ou Sicanes. Par la suite, lors de la colonisation grecque en Italie méridionale (Grande-Grèce), les Pélasges perdent à nouveau leurs territoires.

Les survivants à ces massacres forment une masse d'esclaves (hilotes, pénestes, ménestes), ou retournent dans leurs régions premières (Pélagonie, Pélasgiotide) ; enfin, contraints de se réfugier dans les montagnes, ils se transforment en bandes de pillards (Peligni, Messapiens). D'autres enfin émigrent, en quête d'une nouvelle patrie, vers les îles de Sardaigne, Lemnos, Imbros, Samothrace.

Quoique barbares, les Pélasges connaissent l'architecture et la métallurgie ; ils vivent des produits de l'agriculture. Les murs dits « cyclopéens » caractérisent leur époque. La tradition leur attribue la construction du mur qui protège l'Acropole d'Athènes, vers le xiiie siècle av. J.-C. Cette enceinte de 4 à 6 mètres d'épaisseur est détruite en 510 av. J.-C., après la chute des tyrans. À ce propos, Hérodote, s'appuyant sur Hécatée, rapporte le fait suivant : pour les récompenser du rempart qu'ils ont élevé, les Athéniens autorisent les Pélasges à s'établir sur leurs territoires ; mais quand ils s'aperçoivent dans la suite que de stériles, ces terres sont devenues bien grasses et cultivées, les Athéniens, saisis de jalousie, chassent sans ménagement leurs hôtes. D'après les Athéniens, l'histoire s'est passée autrement : les Pélasges, méprisants et arrogants, maltraitent les jeunes Athéniennes qui sortent pour puiser de l'eau ; dans leur fourberie, ils prévoient même d'attaquer la cité ; mais le complot est éventé et les Athéniens, au lieu de les massacrer, se contentent de les expulser ; ils s'installent sur divers territoires, entre autres à Lemnos.

Les Pélasges vénèrent les forces de la nature. Certains de leurs dieux se combinent avec les divinités orientales (Cabires, Tritopators et Dioscures) ; leurs autres dieux sont les pénates, les Titans, les Géants, Saturne, Vesta, Cérès, Janus. Après l'invasion dorienne, ces divinités s'affaiblissent, ou se mêlent aux mystères (Dodone, Éleusis, Samothrace).

Variante

D'après Denys d'Halicarnasse, les Pélasges sont un peuple de race grecque, originaire du Péloponnèse ; ils errent en permanence, à la recherche d'une patrie. En premier lieu, ils peuplent l'Achaïe ; six générations plus tard, ils émigrent vers l'Hémonie (Thessalie), sous la conduite de leurs chefs Achaïos, Phthios et Pélasgos, fils de Larissa et de Poséidon. Six générations plus tard, chassés de Thessalie par les Courètes et les Lélèges (Étoliens et Locriens), ils se dispersent : en Crète, dans les Cyclades, dans les régions de l'Olympe et de l'Ossa, en Béotie, en Phocide, en Eubée, en Asie. La plus grande partie, cependant, s'installent dans l'intérieur des terres, autour de Dodone. Obéissant ensuite à un oracle, ils font voile vers l'Italie ; le vent les mène près de l'une des embouchures du Pô. Les uns s'y établissent, qui sont finalement chassés par des peuplades barbares ; les autres s'enfoncent dans les terres, en pays ombrien ; bientôt attaqués par une multitude d'ennemis, ils passent dans le territoire voisin, celui des Aborigènes. Ces derniers s'apprêtent alors à les expulser ; mais les Pélasges, reconnaissant en cet endroit celui indiqué par l'oracle, vont à la rencontre des Aborigènes en suppliants, annoncent leurs intentions pacifiques et expliquent que c'est la divinité qui les guide. Les deux peuples s'allient, notamment contre les Ombriens de Crotone et les Sicules. Plusieurs villes sont ainsi habitées par les Aborigènes et les Pélasges, entre autres Caere et Pise.

Les Pélasges

En ce qui concerne les Pélasges, presque tous les auteurs s'accordent pour admettre que c'était une antique tribu qui se répandit dans toute la Grèce et surtout chez les Étoliens de Thessalie. Éphore affirme qu'Arcadiens d'origine, ils choisirent de s'adonner à la vie militaire, et qu'ayant converti de nombreux peuples à leurs coutumes, qui dès lors portèrent leur nom, ils acquirent une grande renommée non seulement en Grèce, mais partout ailleurs, là où le hasard les avait envoyés. De fait, comme le mentionne Homère, ils eurent des colonies en Crète. Ainsi Ulysse dit-il à Pénélope :

« On y parle des langages différents, et on y trouve des Achéens, de magnanimes Étéocrétois, des Cydoniens, trois tribus de Doriens et les divins Pélasges »

Par ailleurs, on appelle Argos Pélasgique la partie de la Thessalie comprise entre les embouchures du Pénée et les Thermopyles, jusqu'au massif du Pinde, les Pélasges ayant conquis ces territoires. Homère lui-même qualifie de Pélasgique Zeus de Dodone : « Zeus ! Roi Dodonéen, Pélasgique, qui habites au loin ».

Les peuplades de l'Épire sont également qualifiées de pélasgiques par de nombreux auteurs ; ces derniers estiment en effet que les Pélasges avaient étendu leur domination jusque-là. Ayant en outre donné le nom de Pélasges à de nombreux héros, ces noms sont ensuite passés à leurs peuples ; ainsi Lesbos est-elle qualifiée de « pélasgienne ». Et Homère de faire des Pélasges les voisins des Ciliciens de Troade : « Et les tribus pélasgiques habiles à lancer la pique, et ceux qui habitaient Larissa aux plaines fertiles, étaient commandés par Hippotoos. »

D'après Éphore, Hésiode fut le premier à reconnaître que cette nation eut une origine arcadienne. Il dit en effet : « Ils furent les fils de Lycaon semblable à un dieu qu'autrefois conçut Pélasge. »

Dans les Suppliantes ou dans les Danaïdes, Eschyle fait de la ville d'Argos, voisine de Mycènes, le lieu d'origine de leur race. Éphore, pour sa part, affirme que le Péloponnèse fut appelé Pélasgie et Euripide, dans son Archélaos, s'exprime ainsi : « Danaos, père de cinquante filles, / Arrivé à Argos fonda la cité d'Inachos ; / Et ceux qui jusqu'alors étaient appelés Pélasges / – C'était sa décision – devaient dans toute la Grèce être appelés Danaens. »

Anticlidès affirme que les premiers ils colonisèrent Lemnos et Imbros, et que certains d'entre eux se joignirent à l'expédition d'Italie de Tyrrhénos, fils d'Atys.

Pour finir, les auteurs des Atthides parlent des Pélasges comme s'ils avaient existé également à Athènes : parce qu'ils étaient nomades, et qu'à l'image des oiseaux ils se rendaient là où le hasard les menait, ils reçurent des habitants de l'Attique le nom de Pélarges.

Strabon