Mânes
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Chez les Romains, âmes des morts.
Initialement, les mânes désignent les âmes des défunts, que ces derniers aient de bonnes intentions envers les vivants (Lares) ou bien de mauvaises (larves et lémures). Mais, le plus souvent, les mânes, ce sont les bons esprits (manus, « bon »), pour autant qu'ils laissent les vivants tranquilles ; ils reviennent sur terre trois fois par an pour revoir leur famille. Ils sont honorés lors des Parentalia (en février), des Feralia (dernier jour des Parentalia) et des Lemuria (en mai). Ce culte des ancêtres est surtout vivace dans les campagnes. Les morts sont appelés dii manes, les « morts divins », les esprits des parents morts. On leur sacrifie des brebis noires, que l'on apporte ensuite sur leur tombe en même temps que du lait, du vin et des fruits qu'ils sont censés savourer ; on partage leur nourriture, histoire de commémorer les repas de famille, tout en les priant à voix basse d'exaucer quelques souhaits. Cornélie, mère des Gracques peut écrire : « Quand je n'existerai plus, tu m'honoreras par de pieux sacrifices. » La partie inférieure du monde, consacrée aux dieux mânes, est, pense-t-on, fermée en tout temps, excepté en ces jours où on les honore ; c'est pourquoi, à ces moments-là, le Romain ne s'occupe d'aucune affaire concernant l'État, à moins d'une impérieuse nécessité.
Invoqués d'abord collectivement, les mânes finissent par se singulariser ; on honore alors les mânes de tel ancêtre.
Par le terme de « mânes », les poètes désignent le monde souterrain, puis les divinités qui y habitent.
Voir aussi : Feralia
Lettre à Sura. Apparition d'un fantôme
Il y avait à Athènes une maison vaste et spacieuse, mais dangereuse et redoutée. Dans le silence de la nuit, on entendait un froissement de fers, et, en écoutant avec attention, le retentissement de chaînes agitées. Le bruit semblait d'abord venir de loin, et ensuite s'approcher ; bientôt apparaissait le spectre : c'était un vieillard maigre et hideux, à la barbe longue, aux cheveux hérissés ; ses pieds et ses mains étaient chargés de fers qu'il secouait. De là des nuits affreuses et sans sommeil pour ceux qui habitaient cette maison ; l'insomnie amenait la maladie, et, l'effroi s'augmentant sans cesse, la maladie était suivie de la mort ; car, si le jour n'était pas troublé par cette funeste image, le souvenir la rappelait aux yeux, et la terreur durait encore après la cause qui l'avait produite. Aussi la maison fut-elle bientôt déserte, et, dans l'abandon auquel elle était condamnée, elle resta livrée tout entière à son hôte mystérieux. On avait cependant placé un écriteau, dans l'espérance qu'ignorant cette effrayante histoire, quelqu'un pourrait l'acheter ou la louer. Le philosophe Athénodore vient à Athènes, lit l'écriteau, demande le prix, dont la modicité lui inspire des soupçons : il s'informe, on l'instruit de tout. Loin de s'effrayer, il s'empresse d'autant plus de louer la maison. Vers le soir, il se fait placer un lit dans la salle d'entrée, demande ses tablettes, son poinçon, de la lumière : il renvoie ses gens dans l'intérieur de la maison ; il se met à écrire, et attache au travail et son esprit, et ses yeux, et sa main, de peur que son imagination oisive ne vienne à lui créer des fantômes et de vaines terreurs. D'abord un profond silence, le silence ordinaire des nuits ; bientôt un froissement de fer, un bruit de chaînes. Lui, sans lever les yeux, sans quitter ses tablettes, affermit son âme et s'efforce d'imposer à ses oreilles. Le bruit s'augmente, s'approche ; il se fait entendre près de la porte et enfin dans la chambre même. Le philosophe se retourne ; il voit, il reconnaît le spectre tel qu'on l'a décrit. Le fantôme était debout, et semblait l'appeler du doigt : Athénodore lui fait signe d'attendre un instant, et se remet à écrire. Mais le bruit des chaînes retentit de nouveau à ses oreilles : il tourne encore une fois la tête, et voit le que spectre continue à l'appeler du doigt. Alors, sans tarder davantage, Athénodore se lève, prend la lumière, et le suit. Le fantôme marchait d'un pas lent ; il semblait accablé par le poids des chaînes : arrivé dans la cour de la maison, il s'évanouit tout à coup aux yeux du philosophe. Celui-ci marque le lieu où il a disparu, par un amas d'herbes et de feuilles. Le lendemain, il va trouver les magistrats, et leur demande de faire fouiller en cet endroit. On trouve des ossements encore enlacés dans des chaînes ; le corps consumé par le temps et par la terre n'avait laissé aux fers que ces restes nus et dépouillés. On les rassemble, on les ensevelit publiquement, et, après ces derniers devoirs, le mort ne troubla plus le repos de la maison.
Pline le Jeune
