Livres sibyllins

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Recueils d'oracles conservés dans le temple de Jupiter Capitolin.

Les Livres sibyllins sont consultés à Rome par les décemvirs alors qu'une situation extraordinaire se présente et qu'on ne sait pas quoi faire pour apaiser les dieux ; ils donnent en somme la solution au problème. L'introduction des Livres à Rome remonte à Tarquin le Superbe. Une vieille femme, que nul ne connaît, apporte un jour à Tarquin le Superbe neuf livres qu'elle présente comme des oracles divins ; elle ajoute qu'elle désire les vendre. Le roi veut en connaître le prix. La vieille réclame une somme si exorbitante que le roi ne trouve pas mieux que d'en rire. Alors la vieille allume un petit foyer et jette trois livres dans les flammes. Puis elle veut savoir si le roi accepte de se procurer les six livres restants au même prix. Décidément, songe Tarquin qui ne peut cacher son hilarité, cette femme est folle ! La vieille brûle trois autres livres et interroge de nouveau le roi : est-il disposé à acheter les trois derniers au même prix ? Cette fois, Tarquin ne rit plus. La détermination de la vieille femme le laisse plus que perplexe. Il paye donc, pour les trois livres, le prix demandé pour les neuf. La vieille disparaît comme elle est venue et personne ne la revoit plus. Les trois ouvrages sont appelés Livres sibyllins et placés en un lieu sacré. Pour beaucoup, cette vieille femme n'est autre que la sibylle de Cumes.

Les Livres sibyllins sont consultés à maintes reprises : lors de l'introduction à Rome de divinités grecques (Asclépios après une pestilentia, Déméter-Dionysos-Coré...), pendant la deuxième guerre punique... En fait, chaque fois qu'il est nécessaire de connaître la volonté des dieux au nom de l'État. Les Livres sibyllins sont brûlés au début du ve siècle apr. J.-C.

Les Livres sibyllins

Le troisième jour des ides de janvier, Fulvius Sabinus, préteur urbain, s'exprima ainsi : « Nous soumettons à vos lumières, pères conscrits, l'avis des pontifes, et la lettre de l'empereur, ordonnant l'inspection des livres sibyllins, lesquels nous donnent l'espoir de terminer la guerre, conformément à la sainte volonté des dieux. Vous savez déjà que, dans toutes les guerres importantes, on les a consultés, et que le terme des calamités publiques est ordinairement dans les sacrifices qu'ils prescrivent. » Alors Ulpius Syllanus, qui opinait le premier, se levant : « Pères conscrits, dit-il, nous avons trop tardé à nous occuper du salut de l'État, trop tardé à consulter les arrêts du destin : semblables à ces malades qui n'envoient qu'en désespoir de cause chercher les grands médecins ; comme si les hommes habiles devaient être réservés pour les cures dangereuses, tandis qu'il est bien plus sûr de les appeler dans tous les cas. Vous vous souvenez sans doute, pères conscrits, que depuis longtemps déjà, quand on nous annonçait l'invasion des Marcomans, je vous ai conseillé d'ouvrir les Livres sibyllins, d'user des bienfaits d'Apollon, et d'obéir à l'ordre des dieux immortels ; mais quelques-uns ont repoussé ce conseil, ils l'ont repoussé outrageusement, disant, pour flatter l'empereur, sans doute, qu'avec un si grand général on n'avait pas besoin de consulter les dieux : comme si ce grand prince n'était pas le premier à les honorer, à compter sur leur appui ! Enfin, on vous a lu la lettre où il implore le secours des dieux, dont l'aide ne saurait avoir rien de déshonorant pour le guerrier le plus brave. Hâtez-vous donc, pontifes ; montez au temple avec la pureté, la sainteté, avec l'esprit et dans l'appareil qu'exigent de telles cérémonies. Alors que les banquettes auront été couvertes de lauriers, vos mains vieillies au service des dieux ouvriront les livres sacrés, et leur demanderont les destinées de l'État, dont la durée doit être éternelle. Aux jeunes enfants que la nature n'a privés ni d'un père ni d'une mère, apprenez les chants qu'ils doivent réciter. Nous, nous voterons les frais des cérémonies, l'appareil pour les sacrifices, et les victimes ordinaires.

Ensuite, on consulta la plupart des sénateurs, dont nous nous dispenserons de rapporter les avis : les uns étendant la main, les autres allant se ranger à côté de ceux dont ils partageaient le sentiment, la plupart enfin donnant de vive voix leur adhésion, le sénatus-consulte fut rédigé. Puis on se rendit au temple ; les livres furent examinés, les vers publiés ; l'eau lustrale purifia la ville, on chanta les hymnes pieux, on fit une procession solennelle autour des murs, on immola les victimes promises, et ainsi furent accomplies les solennités prescrites. Voici la lettre de l'empereur au sujet des Livres sibyllins : je la citerai tout entière, comme un témoignage irrécusable.

« Il me semble étonnant, sénateurs, que votre sainteté ait tardé si longtemps à ouvrir les Livres sibyllins : comme si vous délibériez dans une assemblée de chrétiens, et non dans le temple des dieux immortels ! Hâtez-vous donc, et, par la purification des prêtres, par les cérémonies imposantes de la religion, assistez l'empereur, qui souffre de la position difficile où se trouve la république. Que l'on examine les livres sacrés ; que l'on s'acquitte envers les dieux des devoirs qui auraient dû leur être déjà rendus. Toutes les dépenses, les captifs de toute nation, les victimes royales, loin de les refuser, je vous les offre avec empressement ; car il ne peut y avoir de honte à vaincre avec l'aide des dieux. C'est ainsi que nos pères ont entrepris, ainsi qu'ils ont terminé tant de guerres. Quant aux dépenses, j'y ai pourvu en écrivant au préfet du trésor. D'ailleurs, vous avez à votre disposition la caisse de l'État, et je le trouve plus riche que je ne le désire. »

Flavius Vopiscus