Isis

Titre. Anubis gardant la momie d'Osiris.
Titre. Anubis gardant la momie d'Osiris.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Déesse égyptienne femme d'Osiris, bienfaitrice universelle.

Isis est identifiée par les Grecs à Déméter et à Io ; introduit progressivement, son culte n'est officialisé que vers la fin du iiie siècle av. J.-C., et il se prolonge tout au long du ive siècle. À l'époque impériale à Rome, on l'honore un peu trop au goût d'Auguste et de Tibère : le premier, vainqueur en Égypte, prohibe le rassemblement des fidèles aux abords de Rome ; le second – qui se défend énergiquement d'être un dieu –, en 19 apr. J.-C., ordonne la destruction du temple du Champ de Mars et interdit le culte de la déesse.

Culte et attributs

Malgré tous ces obstacles, le culte d'Isis ne cesse de se répandre. Caligula (37-41) fait ériger un nouveau temple, près du Champ de Mars. En 215, sous Caracalla, on édifie un très beau sanctuaire sur le Quirinal, à l'intérieur du pomoerium. Le culte d'Isis, répandu ainsi dans tout le bassin méditerranéen, est très vivace dans les ports ; à cet égard, la Navigium Isidis, célébrée le 5 mars (calendrier de 354), est une fête célèbre, qui marque le retour aux activités nautiques après l'hiver (mare clausum). Ce sont surtout les femmes qui, vêtues de blanc, invoquent Isis en chantant et répandant des fleurs à terre, suivant ainsi les règles strictes ordonnées par les prêtres, et comprenant entre autres abstinence et chasteté. Si l'on en croit Tacite, Isis est également honorée chez les Germains.

Ce qui plaît tant aux Romains, dans le culte d'Isis, c'est peut-être son rite compliqué, les prières personnelles qu'on lui adresse, les cérémonies purificatrices : on se jette dans le Tibre, à défaut du Nil, et l'abstinence sexuelle est indispensable avant toute réunion. Les fidèles ont une part active au culte de la déesse : celui qui a reçu une faveur divine, suspend un ex-voto sur les murs du temple ; celui qui se sent l'âme coupable en fait ouvertement pénitence, en embrassant le seuil du temple, et en y pénétrant sur les genoux. Jamais le prêtre qui demande l'aumône pour sa déesse ne revient les mains vides : « Ces divinités [Isis et Cybèle] sont pleines de compassion. Isis rend même la vue à ceux-là qu'elle a aveuglés, quand elle s'aperçoit qu'ils se sont sincèrement repentis. »

Chaque matin, les prêtres, tondus et vêtus de blanc, ouvrent le temple d'Isis ; c'est l'occasion de grandes cérémonies. Les fidèles sont invités à voir la déesse, sous la forme d'une urne remplie d'eau du Nil. Dans l'après-midi, les obsèques d'Osiris sont célébrés et, pendant la saison d'automne, on fête sa résurrection.

Voir aussi : Religion des Romains

La légende égyptienne

Devenu roi, Osiris s'attire la jalousie de son frère Seth (Typhon), lequel, dès lors, cherche à le supprimer. Ayant invité Osiris à un festin, il lui présente un superbe coffre – préalablement taillé aux mensurations d'Osiris – en déclarant qu'il en fera don à celui qui, par son corps, le remplira parfaitement. Lorsque Osiris s'est blotti dans le coffre, Seth referme le couvercle, puis se débarrasse du tout.

Isis, cependant, ayant réussi à retrouver le coffre à Byblos, cache le cadavre de son époux. Seth apprend la nouvelle et, à son tour, s'empare du corps ; il le découpe en quatorze morceaux, qu'il disperse aux quatre vents. Avec les treize morceaux qu'elle parvient à rassembler, Isis fait renaître Osiris et a un fils de lui : Horus (fils d'Isis, dieu faucon, à ne pas confondre avec Horus l'Ancien ou Horus Céleste).

Épouse fidèle, magicienne, dotée de pouvoirs exceptionnels (elle sait ressusciter les morts), Isis est la déesse de la Terre, de la Lune, mais aussi, parce qu'elle sauve son fils d'une morsure de serpent, elle passe pour être la protectrice des enfants. C'est elle que Lucius, métamorphosé en âne, invoque avec ferveur afin de « renaître » à sa vie antérieure.

Diodore I et Plutarque II racontent comment Isis parvient à ramener son époux à la vie.

Variante : Selon Diodore

Après qu'il a tué Osiris, Seth découpe le cadavre en vingt-six morceaux et en donne un à chacun de ses complices afin de faire porter à tous une part de responsabilité dans le crime, et de trouver en eux, le cas échéant, des alliés. Mais Isis, sœur et épouse d'Osiris, tue Seth avec l'aide de son fils Horus. Elle rassemble tous les morceaux du cadavre de son frère, à l'exception des organes sexuels qu'elle ne retrouve pas. Souhaitant que le tombeau d'Osiris soit gardé secret, elle n'en désire pas moins que les Égyptiens le vénèrent. Aussi, à côté de chaque morceau du cadavre, place-t-elle une représentation d'Osiris, semblable au modèle, façonnée avec de la cire. Elle convoque ensuite les prêtres, un par un ; à chacun elle fait jurer de ne révéler à quiconque ce qu'elle lui dira : elle l'invite à ensevelir Osiris sur son territoire et de l'honorer comme un dieu, et de lui sacrifier l'animal qu'il choisira. Et pour mieux convaincre chaque prêtre qu'il est dans son intérêt de suivre ses recommandations, Isis lui attribue une grosse somme d'argent. Isis reste chaste, préoccupée seulement de régner avec sagesse pour le bien-être de ses sujets. Elle est ensevelie à Memphis et acquiert l'immortalité.

Variante : Selon Plutarque

Le panthéon. On raconte que quand Rhéa s'unit à Cronos en cachette, Hélios, qui s'en est aperçu, lance contre elle une malédiction (il est le premier époux de Rhéa) : jamais elle ne pourra avoir d'enfant, ni en un mois ni en un an. Mais Hermès, qui est amoureux de la déesse, s'unit à elle et, en jouant aux dames avec la Lune, il réussit à lui subtiliser cinq jours avec lesquels il modifie la durée d'une année normale. Le premier jour naît Osiris, et, simultanément, une voix sort du ventre de sa mère, qui dit : « Voici venir au jour le maître de toutes les choses. » D'aucuns racontent qu'à Thèbes une certaine Pamyla, alors qu'elle puise de l'eau, entend une voix venir du temple de Zeus, qui lui ordonne de proclamer que le grand roi bienfaiteur Osiris est né. C'est pourquoi Cronos lui confie l'éducation d'Osiris et que des fêtes, les Pamylies, sont célébrées en son honneur. Le deuxième jour naît Horus. Le troisième jour naît Typhon, mais de façon anormale : il défonce le ventre de sa mère et saute dehors. Le quatrième jour naît Isis, à la saison des pluies, et le cinquième vient Nephtys, que certains appellent Aphrodite, et d'autres Victoire.

Osiris et Horus sont les fils d'Hélios ; Isis l'enfant d'Hermès ; et Nephtys et Typhon ceux de Cronos. Nephtys épouse Typhon ; Isis et Osiris sont si amoureux l'un de l'autre qu'ils ont déjà commencé à faire l'amour dans le ventre de leur mère. Et on imagine qu'Horus est le fruit de cette union, que les Grecs appellent Apollon.

Au cours de son règne, Osiris arrache les Égyptiens à leur pauvreté et à leur sauvagerie. Il leur enseigne comment cultiver les champs, il fixe des lois et leur apprend à honorer les dieux. Puis il parcourt l'Égypte entière, qu'il civilise.

Le crime. En l'absence d'Osiris, Typhon ne s'est risqué à aucun mauvais coup, surveillé comme il est par Isis. C'est à son retour que Typhon lui tend un piège, obtenant la complicité de soixante-douze conjurés. Typhon prend les mesures du corps d'Osiris, fait construire un superbe sarcophage à ces dimensions, qu'il porte ensuite dans la salle des festins. Comme tout le monde contemple l'ouvrage avec admiration, Typhon promet qu'il l'offrira à celui dont le corps s'y ajustera parfaitement. L'un après l'autre tous s'y couchent, maladroitement. Quand vient le tour d'Osiris, qu'il s'y est étendu, les conjurés s'empressent de refermer le couvercle, le condamnent par des clous et coulent dessus du plomb fondu. Puis ils transportent le sarcophage jusqu'au fleuve dans lequel ils le jettent. Ce sont les Pans et les satyres de la région qui, les premiers, s'aperçoivent du forfait. Ils en répandent aussitôt la nouvelle. Dès qu'elle est informée, Isis coupe l'une de ses tresses et revêt son habit de deuil.

La quête. Dès lors, Isis erre sans but, sans savoir où chercher, s'informant d'Osiris auprès de tous ceux qu'elle rencontre. Des enfants lui montrent l'embouchure du fleuve, où les complices de Typhon ont abandonné le sarcophage. Isis apprend ensuite qu'Osiris s'est uni à sa sœur Nephtys, croyant qu'il s'agissait d'Isis. Elle se met alors à la recherche de l'enfant qui leur est né : en effet, redoutant la colère de Typhon, Nephtys, dès sa naissance a exposé le bébé. Après une longue et épuisante recherche, Isis, guidée par une meute de chiens, trouve le garçon. Elle se charge de son éducation et Anubis (c'est son nom) devient alors son ange gardien et son fidèle compagnon.

Isis apprend que le sarcophage a échoué sur les côtes de Byblos, dans un champ de bruyère. La bruyère a poussé tout autour, et s'est développée jusqu'à le recouvrir entièrement. Or le roi de la région, Malcandros, a entendu parler de ce buisson et de sa taille anormale ; il ordonne qu'on le coupe et qu'on l'apporte chez lui. Sans s'apercevoir de la présence du cercueil, il en fait une colonne sous le toit de sa maison. Ayant eu vent de la chose, Isis, à Byblos, se met à pleurer, au bord d'une fontaine. Elle ne parle à personne, sauf aux servantes de la reine. Elle leur apprend à tresser leurs cheveux. La reine, devant la nouvelle coiffure de ses servantes, et prise du désir de transformer sa propre chevelure, leur demande de faire venir l'étrangère au palais. Ainsi, Isis devient l'amie de la reine ; elle devient même la nourrice du petit prince. Elle l'élève en lui donnant à sucer la pointe d'un doigt à la place du sein, et une nuit elle veut brûler la partie mortelle de son corps. Métamorphosée en hirondelle, elle se met à tournoyer au-dessus du feu ; le bruit qu'elle fait alerte la reine. Quand elle voit son enfant au milieu des flammes, elle pousse un cri, privant ainsi le prince de l'immortalité. Isis se rend alors visible. Elle réclame la colonne du toit, qu'on lui accorde. Aussitôt elle arrache la bruyère. Quand elle aperçoit le sarcophage, elle crie si fort que le prince meurt. Elle emmène avec elle son frère aîné, commande qu'on charge le sarcophage sur un navire et s'en va.

À l'écart, et se croyant seule, Isis ouvre le sarcophage. Elle embrasse Osiris en pleurant. Cependant l'enfant s'est approché et a assisté à la scène. Quand elle le voit, Isis entre dans une colère épouvantable, à laquelle le garçon ne résiste pas : il meurt.

Après avoir déposé le sarcophage dans un abri sûr, Isis continue son voyage pour rejoindre son fils, Horus. Mais Typhon, qui chasse dans les parages, a reconnu Isis à la faveur du clair de lune. Il ouvre le sarcophage et découpe le corps d'Osiris en quatorze morceaux qu'il disperse ensuite. Isis, à nouveau, se met à sa recherche, à travers les marais, sur un radeau de papyrus. Pour chaque morceau de son corps qu'elle trouve, elle construit une tombe. Le seul membre qu'elle ne parvient pas à trouver est son sexe : en premier il a été jeté dans le fleuve et a été mangé par les poissons. Alors Isis lui en place un factice.

La mort d'Isis. Beaucoup plus tard, Horus combat Typhon et le vainc. Typhon devient le prisonnier d'Isis. Or, non seulement elle ne le met pas à mort, mais elle le laisse libre, ce qui n'est pas du goût d'Horus : il lève les mains sur sa mère et lui enlève sa couronne (en d'autres termes, la décapite). Alors Hermès pose sur le cou d'Isis un casque à l'image d'une tête de vache. Malgré les accusations de Typhon, Horus est absous de son crime grâce à Hermès qui lui est venu en aide. Quant à Typhon, il est à nouveau vaincu dans deux autres batailles.

Isis et Osiris s'unissent même après la mort, et ils ont un fils, Harpocrate (Harpocratès).

Prière de Lucius à Isis

Reine des cieux, qui que tu sois, bienfaisante Cérès, mère des moissons, inventrice du labourage, qui, joyeuse d'avoir retrouvé ta fille, instruisis l'homme à remplacer les sauvages banquets du vieux gland par une plus douce nourriture ; toi qui protèges les guérets d'Éleusis ; Vénus céleste, qui, dès les premiers jours du monde, donnas l'être à l'Amour pour faire cesser l'antagonisme des deux sexes, et perpétuer par la génération l'existence de la race humaine ; toi qui te plais à habiter le temple insulaire de Paphos, chaste sœur de Phébus, dont la secourable assistance au travail de l'enfantement a peuplé le vaste univers ; divinité qu'on adore dans le magnifique sanctuaire d'Éphèse ; redoutable Proserpine, au nocturne hurlement, qui, sous ta triple forme, tiens les ombres dans l'obéissance ; geôlière des prisons souterraines du globe ; toi qui parcours en souveraine tant de bois sacrés, divinité aux cent cultes divers, ô toi dont les pudiques rayons arpentent les murs de nos villes, et pénètrent d'une rosée féconde nos joyeux sillons ; qui nous consoles de l'absence du soleil en nous dispensant ta pâle lumière ; sous quelque nom, dans quelque rite, sous quelques traits qu'il faille t'invoquer, daigne m'assister dans ma détresse, affermis ma fortune chancelante. Qu'après tant d'assauts j'obtienne enfin paix ou trêve ; qu'il suffise de tant d'épreuves, de tant de traverses. Ôte-moi cette hideuse enveloppe de quadrupède ; rends-moi aux regards des miens, à ma forme de Lucius. Et si quelque dieu irrité me poursuit d'un courroux implacable, que je puisse mourir, du moins, puisqu'il ne m'est pas permis de vivre.

Apulée

Titre. Anubis gardant la momie d'Osiris.
Titre. Anubis gardant la momie d'Osiris.